C'est le soir du palmarès, avec trois jours de retard sur mon programme hum. Un très bon cru, meilleur que le festival de Berlin auquel j'ai assisté... Pas de documentaire finalement, car Les Travaux et les jours n'est pas un "vrai" documentaire.
Le détail film par film.
Amérique du Nord (3) 4 - Passion Fish de John Sayles (Etats-Unis) - YT Beau film, un peu long peut-être, sur l'amitié naissante entre deux femmes que tout oppose. Plus que cette histoire de sororité, très bien interprétée au demeurant, c'est l'atmosphère des bayous qui nous gagne peu à peu, avec les alligators, les "passion fish" et cette douceur du récit de John Sayles. Deakins à la photo fait des merveilles.
5 Blue Collar de Paul Schrader - DVD Premier film de Paul Schrader, un film de pieds nickelés qui cache une rage sociale et politique qui finit par nous exploser à la figure. Interprétation au top, mise en scène qui réserve deux beaux morceaux de bravoure, zik parfaite, narration fluide... Assurément l'un des meilleurs films de son auteur qui pourtant le considère peu - c'est son frère qui a écrit le scénario.
4 Les travaux et les jours de C.W. Winter et Anders Edström (Etats-Unis/Suède) - VOD Faux documentaire de 8 heures sur la vie d'une femme dans les environs de Kyoto. A la fois formellement intense, avec des passages hypnotiques sur la nature et confus sur le plan narratif. On se demande où les auteurs veulent en venir avec cette recréation du réel le plus cru.
France (2) 3 - Les Cent et une nuit de Simon Cinéma d’Agnès Varda - Mubi Hommage au cinéma par la réalisatrice Agnès Varda. Au début, ça a un certain charme : les aphorismes, Julie Gayet en petite tenue, les réfs. Mais bon, c'est long et trop verbeux. La fin fait quand même son effet : la musique du Mépris sur Denis Lavant qui court éperdument.
4 - Une affaire d’honneur de Vincent Perez Plutôt une bonne surprise. Si le scénario n'est pas exempt de défauts, on ressent bien l'amour de Vincent Perez pour l'escrime, avec des duels variés (et pas tous au fleuret) et bien filmés. Les acteurs sont bons, le film bien rythmé. J'ai préféré à Milady.
Europe (6)
3 - Shahada de Burhan Qurbani (Allemagne) - Mubi Premier film de Burhan Qurbani, à qui l'on doit le très fort Berlin Alexanderplatz. Bien sûr, cela a des défauts de jeunesse, avec une volonté de trop embrasser de situations et de personnages, des influences très visibles (Fathi Akin rencontre Alejandro Inarritu) mais c'était déjà prometteur. La partie sur le flic est la meilleure.
4- 20 000 espèces d’abeilles d’Estibaliz Urresola Solaguren Beau film, peut-être un peu trop lisible dans ses intentions - mais l'interprétation des actrices et la sobriété de son scénario emporte l'adhésion. J'aime bien la fin aussi, qui évite la surdramatisation pour quelque chose de plus doux et indécis.
4 - Le petit homme de Sudabeh Mortezai (Autriche) - Mubi Film sur la communauté des réfugiés tchétchènes par le regard d'un enfant de 11 ans. Si le récit met du temps à déployer ses ailes mélodramatiques, il évite le pathos pour s'intéresser à la relation naissance entre un pré-ado pas encore adulte et l'homme qui veut remplacer. Pas mal.
3 - Kinetta de Yorgos Lanthimos (Grèce) - Mubi Premier film en solo du réalisateur grec qui déjà posait les bases de son univers absurde et théorique, avec une réflexion sur la mise en scène de la mort de la biche sacrée - une jeune femme qui cherche à tromper l'ennui en se mutilant devant deux manipulateurs - un qui la filme, l'autre qui lui donne des instructions sadiques. Cela ressemble un peu à du Seidl, c'est volontairement filmé à l'arrache et elliptique au possible. Froid, poseur et puissant.
4 - Cobra Verde de Werner Herzog (Allemagne) Après une première partie classique (enfin si on connait le cinéma de Werner Herzog), le récit bifurque en Afrique pour offrir du rarement vu : la mise en place du trafic d'esclaves au royaume du Dahomey. Klaus Kinski est bien sûr incroyable dans le rôle titre et toute la seconde partie est impressionnante visuellement - c’est plus lâche sur la narration.
5- L’ascension de Larisa Shepitko (Russie) - DVD Oh la claque. Le film commence comme un survival enneigé, puis tourne au buddy movie en tant de guerre. Je trouvais le film un peu classique quand arrive une dernière demi-heure absolument incroyable, avec une tension de tous les instants et des plans d'une puissance. Grand film.
Asie (8) 3 - Bad Guy de Kim Ki-duk (Corée du Sud) - DVD Un film de Kim Ki-duk inédit en salles. On comprend aisément pourquoi tant cette histoire d’amour improbable entre un proxénète et une étudiante qu’il met sur le trottoir manque d’une ligne narrative claire, s’éparpillant dans un jeu de massacre répétitif. La violence graphique est là, le personnage principal charismatique - gorge nouée quand il parle enfin.
5 - L’homme qui dort de Kohei Oguri (Japon) - collection personnelle Magnifique. Le cinéma de Kohei Oguri est un trésor caché, surtout pour les adeptes de slow cinéma méditatif (je suis le coeur de cible). D'une splendeur de tous les plans, L'Homme qui dort est moins elliptique que son suivant, La Forêt sans nom, et d'une beauté plus directe et terrassante.
4 Love and Honor de Yoji Yamada (Japon) - collection personnelle Troisième volet de la trilogie consacrée aux samouraïs par Yamada. Cela a les qualités et les défauts des autres films que j'ai vus de lui. C'est très bien écrit, toujours lisible dans ses intentions, bien joué, avec une attention pour chaque second rôle. Mais ça manque aussi d'énergie dans la mise en scène, même dans les scènes de combat (enfin dans la scène de combat). C'est voulu mais un peu frustrant.
4 Viva Erotica de Derek Yee et Law Chi-Leung (Hong Kong) - DVD Très sympathique comédie de tournage hong-kongaise, avec Leslie Cheung au charisme dingue, Shu Qi bombesque et un bon esprit général qui donne au film des allures de feel good movie. Le film bande juste un peu mou malgré des scènes érotiques so années 90.
5 - Poussières dans le vent de Hou Hsiao-hsien (Taïwan) - DVD Que c'est beau. Plus que le récit d'un amour naissant, c'est la manière dont HHH parle de l'histoire de son pays, des aspirations de ses persos, de la géographie aussi, qui m'impressionne. La fin est déchirante.
4 Pushing Hands d’Ang Lee (Taïwan) - Univers Ciné Premier film d'Ang Lee, sur un papy taïwanais qui débarque en Amérique dans la famille de son fils. Le regard attendri du cinéaste donne de très belles scènes - la romance des vieux - mais ce sont surtout les touches d'humour qui m'ont séduit. C'est très bien écrit.
4 Derrière la colline d’Emin Alper (Turquie) - Mubi Premier film d'Emin Alper que je vois (et son premier film aussi) : bien aimé cette paranoïa patriarcale sous le soleil, avec une vraie maitrise de l'espace et du rythme. Bien sûr le scénario est une digression du fusil de Tchekhov, mais ça m'a tenu éveillé
5 - La chanteuse de Pansori d’Im Kwon-taek Film magnifique d'Im Kwon-taek, qui suit en flashbacks un chanteur de Pansori et ses deux Padawan - un gars/une fille - dans une Corée du Sud qui va bientôt basculer dans la modernité et les oublier. C'est à la fois simple et cruel, magnifiquement chanté et interprété, avec une fin d'une beauté qui fend le coeur (j'ai écrasé ma larme).
Océanie (1) 2- Alexandra’s Project de Rolf de Heer (Australie) - VOD Film pré-metoo sur la vengeance du femme victime du viol conjugal. La première heure est intrigante - Rolf de Heer est fort pour créer une atmosphère. Hélas, la dernière demi-heure est guère crédible, le héros particulièrement abruti. Pas trop aimé.
et donc le palmarès expliqué
Ours d’or : La chanteuse de Pansori d’Im Kwon-taek C'est rare que je pleure devant mon ordi.... Grand film populaire, fresque magnifique, fin parfaite...
Grand prix du jury : L’ascension de Larisa Shepitko Sacré film là-encore, et cette fin bordel.
Prix du jury : L’homme qui dort de Kohei Oguri C'est un peu plus "simple" comme projet... Le film répondait pas mal aux Travaux et les jours d'ailleurs, en plus direct.
Mise en scène : Hou Hsiao-hsien pour Poussières dans le vent et Werner Herzog pour Cobra Verde Des habitués de mes auto-festivals et des prix... Peut-être pas leurs meilleurs films mais c'est tellement au-dessus du lot.... J'ai hésité avec le duo Anders Edström, C.W. Winter mais autant j'adore les plans sur la nature du premier, autant la durée ne m'a pas paru si justifiée que cela.
Scénario : Ang Lee et James Schamus pour Pushing Hands Dès le premier film d'Ang Lee, le duo frappait fort. De la dentelle.
Acteurs : Richard Pryor, Harvey Keitel et Yaphet Kotto pour Blue Collar Un prix qui s'imposait... Kinski est aussi génial dans Cobra Verde
Actrices : Mary McDonnell et Alfre Woodard (Passion Fish) Pareil, le film est bien resté en tête pour ses actrices... La petite de 20 000 espèces d'abeilles est géniale aussi, mais bon, c'est une enfant...
Allez, une pause d'une semaine et j'enchaîne avec mon auto-Festival de Cannes.
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