Forum de FilmDeCulte

Le film n'est pas si curieux parce qu'on commence à connaître les instigateurs et la façon de faire : Alejo Moguillansky est le monteur de Mariano Llinas, lequel lui rend la pareille ici en se chargeant du montage et de la production. Leur cinéma se situe dans une veine sud-américaine ludique et théorique qui remonte à Borges, saupoudré d'un peu de fantaisie irlandaise. Mais à l'inverse des films de Llinas comme Histoires extraordinaires ou La Flor, ce n'est pas un cinéma, si j'en juge par Castro, fondée sur la parole, de longs monologues qui n'en finissent pas, mais un cinéma du mouvement, de l'action : on ne sera pas étonné de voir au générique un "directeur de la chorégraphie."
Alors pour résumé, on a un squelette de thriller absurde, une course-poursuite d'une heure et demi dont les motifs ne nous sont pas révélés. Des idées sont jetées çà et là, ce serait une manière de mettre en scène une forme d'angoisse métaphysique et de réticence au travail, ainsi qu'un commentaire, sommaire et plutôt désabusé, sur l'amour. Moguillansky, comme Llinas, prouve que l'absence de moyens n'empêche pas de soigner sa mise en scène : l'on apprécie le portrait d'un Buenos Aires (le film commence à La Plata), passablement dilapidé, avec un parc automobile antédiluvien, baigné de soleil, propulsé par les courses poursuites du film, lesquelles finissent par être un peu répétitives. Un mouvement qui imite l'essoufflement du protagoniste principal et de ses poursuivants. Quelques touches d'humour godardiennes fonctionnent bien, mais l'on pense surtout à Rivette pour la gratuiteté théorique et ludique, Johnnie To, qui au fond, oeuvre dans la même veine dans Throwdown ou Sparrow par exemple, mais dans des films totalement dénué d'intellectuallisme, ou encore Cours Lola, cours, juste pour le motif de la course qui traverse le film et le look un peu nineties de son principal personnage féminin.
Recommandable, même si un peu vain parfois. Le film est inspiré de Murphy de Beckett. En fait, le film reprend un tropE, qui est celui du personnage au bord de la catatonie, mais l'oblige à bouger, et est plutôt habile de ce point de vue.