Très intéressant.
Techniquement, en plus de s'inscrire dans le moule des films de
vigilante post-vietnam,
The Exterminator renvoie aussi aux romans de gare ultra-violents type
Sharpshooter, dans lesquels un ancien combattant solitaire décide de combattre le crime organisé sur son propre terrain, en adoptant des techniques de guerilla dont il a la pleine maîtrise :
De cette vénérable niche littéraire,
The Exterminator a conservé le gore (point culminant dès les premières minutes), la cruauté dans les éxecutions, les économies de psychologie de bar PMU (pas de considérations lourdingues en mode "on ne peut combattre les monstres sans en devenir un soi-même"), un goût pour le macabre et le sordide et un certain humour noir, suffisamment subtil pour passer pour de l'ironie. Niveau casting, on retrouve Christopher George entre deux Fulci, Samantha Eggars qui jouait l'épouse tarée et malveillante de
Chromosome 3, George Cheung qui a le même destin, plus exeditif, que dans
Rambo II et évidemment Marc Ginty, figure de proue de plusieurs nanars sans doute chers à Abyssin, que je trouve plutôt bon ici, alors qu'il n'a pas de charisme et une tête de patate.
La séquence d'ouverture dépeint rapidement la guerre au vietnam de manière très impressionniste, de nuit, avec ces grosses explosions, ces flammes partout, ces ralentis étranges, cauchemardesques. Ca devient plus conventionnel dès qu'on arrive à NYC : pour mesurer, le film est aussi avare en action que
Death Wish, qui est mieux rythmé, mais très loin devant la suite des aventures de Charles Bronson chez Cannon, notamment grace à une très bonne écriture de série B, dialogues inclus, et une certaine gravitas (cf. la dernière scène entre Ginty et son pote) malgré sa brutalité salutaire.
Après il faut être client du délire "mec poussé à bout vs. le lumpenproletariat", et savoir voir dans ce genre de récits la préfiguration de problématiques qui éclatent ces temps-ci au grand jour, comme c'est le cas par exemple avec
Red Heat. Ici, le personnage de Ginty butine de cible en cible pendant que le flic joué par C. George, lui aussi ancien combattant, tente de mener son enquête et maintenir sa liaison touchante avec la doctoresse jouée par Eggars. On a donc le chasseur et le chasseur du chasseur tous deux en miroir, qui ont le même passé mais chacun de son côté de la loi et de la justice, et le trait n'est jamais forcé, camouflé par un mélange étonnant entre digressions et ellipses très sèches. Le
pay off de cette relation est spectaculaire, sans surplus de graisse.
Encore une fois,
The Exterminator n'est pas psychologisant : le moteur du héros n'est pas son stress post-traumatique (pas absent pour autant), mais la dissonnance cognitive majeure entre la défense des valeurs du monde libre par la guerre à l'autre bout du monde, qui confronte à l'horreur et force à tuer pour survivre, et le retour à la maison pour se rendre compte que les criminels et prédateurs urbains sont finalement pires encore que ces ennemis lointains, et que rien n'est fait contre eux. A aucun moment cette position n'est explicitée, elle se lit dans le film, entre les lignes. J'adore
First Blood, qui est techniquement un bien meilleur film, mais pas besoin ici de speech final, aussi déchirant et réussi soit-il.
Forcément, à partir de là, on est politiquement sur un terrain qui n'est pas confortable : délinquants et mafieux sont présentés comme des parasites, New York comme un dépotoir à ciel ouvert qui permet et encourage toutes sortes de vices... Disons que c'est pas très social. Et quand la CIA s'en mêle, c'est parce que les éléctions approchent, de peur que cet "exterminateur", dont les actions galvanisent l'opinion publique en décédibilisant les forces de l'ordre et le système judiciaire, soit un agent destabilisateur "financé par l'étranger". Les obsessions actuelles sur l'ingérence étrangère (à droite, Soros et ses
district attorneys qui saperaient le droit à l'auto-défense, à gauche, Poutine et les élections) pliées en une réplique dès 1980 comme marqueur non pas de l'impuissance ou de l'incompétence des institutions, mais de leur cynisme. Les dernières paroles du film, en off, par l'agent Shaw, font froid dans le dos et disent tout.
La suite, estampillée Cannon, ne m'attire pas.
En résumé, formellement on est dans cette nonchalance parfois très trompeuse de la série B 70's. Pour le fond, dans le zéro complaisance des pulps de l'époque. Je kiffe.
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