PLEIN DE SPOILERS PARTOUT
Ceux qui me connaissent savent que le film original est mon film d'enfance. Celui que j'ai bouffé parfois une fois par jour quand j'ai eu la VHS. J'adore l'univers, tout les trucs iconiques que ce seul film a créé (la bagnole, les costumes, les lasers qui partent dans tous les sens, le bibendum géant, les mecs qui font un boulot complètement fantastique mais qui traitent ça comme un vulgaire taf alimentaire...);
Inutile de dire que j'attendais ce projet comme le messie, d'autant que tous les indicateurs étaient au vert. Vraie suite des deux premiers, fils du réal d'origine qui promet de respecter le matériau, projet annoncé après un reboot féminin que tout le monde avait détesté, etc.
Sauf que voilà: à trop vouloir contenter les (cons de) fans, passé sa dynamique et énigmatique scène d'intro, le film n'invente RIEN. D'ailleurs, celle-ci offre déjà un premier problème, se terminant sur le même effet des mains démoniaques sortant d'un fauteuil en cuir. Pourquoi ?? Ça n'a AUCUN sens, là où Jason Reitman et son scénariste pouvaient créer tout ce qu'ils voulaient. Tous deux avaient pourtant une licence en or entre les mains. Basé sur le concept, on peut faire grosso modo n'importe quoi, se permettre toutes les folies. Il n'y a qu'à puiser dans certaines idées du pourtant moyen comic-book, et voir où ça peut mener (j'ai toujours en tête cette simple idée des Ghostbusters appelé à la Nouvelle-Orléans et accueillis par des manifs anti-Ghostbusters, les fantômes faisant pleinement partie du folklore de la région). Il y a des milliards de possibités autre que FAIRE REVENIR GOZER (ce qui, en plus, avait déjà été exploité dans un excellent jeu vidéo écrit par les auteurs d'origine). L'idée de prendre des gamins (dont la petite-fille de Spengler) n'est pas originale mais pas mauvaise. L'idée que les Ghostbusters ont disparu depuis les années 8O avec toute activité paranormale, est bonne aussi. Mais bon sang, hormis ça le film ne propose que dalle. Le premier fantôme à chasser ? Un copié-collé du Slimer, qui bouffe aussi n'importe quoi, mais BLEU. Paye ta créativité. Même la version 2016 proposait un monstre-dragon plus inventif. Une scène rigolote à insérer? On met des mini-bibendum qui n'ont absolument aucune justification. J'ai eu beau sourire machinalement, c'est le niveau zéro de l'invention. Et plus le film avance (l'intro des personnages étant sympa au début, elle prend son temps, ça fonctionne), plus le projet montre ses limites et ses incroyables faiblesses. La menace? Identique au premier film. Les mêmes monstres, le même méchant, les mêmes rebondissements. Introduire et développer Shandor aurait été une bonne idée mais elle est sacrifiée sans que l'on sache pourquoi (et même avortée tellement vite que je soupçonne de nombreuses scènes coupées). Résultat? On assiste aux mêmes scènes avec des personnages différents. Il n'y a même pas de valeur ajoutée, même visuellement - pourquoi par exemple ne pas montrer la possession de Zuul et Clortho, et passer une fois de plus par les mêmes ellipses qu'en 1984 ? Pire, la menace est invisible, uniquement scénaristique. Dans les 3 volets précédents, il y a l'indispensable scène de "foire aux fantômes". Les fantômes sont lâchés, foutent le bordel, et justifient la présence des héros pour tout remettre dans l'ordre. Cette scène, dans cet opus, se résume à deux plans, à deux fantômes. Un zombie et une référence aux jouets Kenner. DEUX. Du coup, quand Gozer se réincarne (en créature identique au 1 encore une fois, alors que - souvenez-vous - Spengler disait d'elle que "ça prend la forme que ça veut" - donc que là encore les scénaristes auraient pu nous surprendre), on a une meuf qui se prélasse dans un temple tout petit avec ses deux chiens à côté. On a l'impression que si on la laisse tranquille, elle ne ferait pas de mal à une mouche. Aucun enjeu, aucune menace. Ce n'est pas en mettant des panneaux "l'apocalypse arrive" dans tous les plans que le spectateur va ressentir quoi que ce soit. Il est impensable que cette suite de 2021 soit 10 fois moins spectaculaire que les deux films de 84 et 89.
Formellement le film est correct, mais jamais aussi bon que quand il se démarque des originaux, exploitant le temps de deux mini clips son décor désertique, sa ville paumée, un côté rock country qui se démarque enfin. Mais là encore, il y a bien un problème dès le départ: la musique. A vouloir brosser le fan dans le sens du poil, Reitman choisit de reprendre TEL QUEL le score du premier film, déjà abandonné dans le second volet (on aime ou pas la zique du 2 mais elle contribue à donner au film une couleur un peu différente). Le résultat est atroce: une musique très datée, dont on peut anticiper chaque note, chaque phrase, associée à des images léchées de 2020. C'est ridicule et contre-productif, puisque l'on peut carrément anticiper la fin de chaque séquence, chaque effet comique. C'est bien simple: j'ai eu l'impression d'assister au premier montage d'un petit malin qui a placé son CD du premier film en attendant un nouveau score... qui n'arrivera donc jamais.
Que dire de l'émotion à la fin? Évidemment elle marche sur la nostalgie, l'idée est mignonne, sauf que 1) elle est mise en scène avec les pieds (l'arrivée de l'équipe originale n'est pas iconique pour deux ronds), elle est uniquement scénaristique. Elle n'est pas amenée. Et 2) on la prévoit dès le début du film, elle est complètement attendue, donc encore une fois: zéro surprise. L'épilogue ENCORE UNE FOIS EN MODE CLIN D'OEIL (coucou la version 2016) achève le côté fan-service ridicule. Sigourney Weaver face à Bill Murray fait des références à une scène dans laquelle elle n'était pas à l'origine. On n'est pas devant des personnages, on est devant des comédiens qui font des blagues sur un vieux film. Ce n'est pas une fiction, c'est un sketch chez Jimmy Fallon. Que dire de la chanson qui apparaît comme un énième cheveu sur la soupe? Et de l'inutilité de montrer New-York, à nouveau pour dire aux fans "vous avez vu? On a mis New-York et la caserne hein? Vous avez le package total hein?") Je passe sur les incohérences (les costumes adultes qui vont comme un gant aux gamins, etc.), il y aurait sans doute trop à dire. D'ailleurs ce ne serait pas gênant si le reste était palpitant.
BREF. Ce film représente à mes yeux tout ce que je déteste chez le Hollywood de notre époque. On ne raconte rien, on se contente d'essayer de faire du fric sur des marques, sans jamais prendre de risques. On aime ou pas la version féminine (je trouve personnellement que la version longue a beaucoup de qualité), paradoxalement celle-ci avait beaucoup plus de couilles que ce film tout faible, prévisible de bout en bout et jamais drôle.
Quand je vois Reitman dire fièrement en ITW qu'une éventuelle suite ferait peut-être revenir Vigo des Carpates, je me dis qu'il n'y a vraiment plus d'espoir à voir quelque chose de nouveau.
_________________ Netflix les gars, Netflix.
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