TragédieOlivier Dubois
Souvent, l'utilisation du nu est une marque de fabrique de certains chorégraphes et on se rend à leurs spectacles (Daniel Léveillé, Yves-Noël Genod ou Dave St-Pierre pour en citer quelques-uns allant du plus nul au plus intéressant) en sachant qu'on va aussi probablement s'y rincer l'oeil. Le cas Olivier Dubois est différent, il a déjà signé des spectacles comme L'homme de l'atlantique en hommage à Sinatra ou Révolution avec des danseuses de pole dance sur le Boléro de Ravel, et c'est la première fois qu'il met ses interprètes à poil. D'ailleurs très vite, la question du désir ou du nu ne se pose plus car il n'y a aucun habillage ou deshabillage, ou grand jeu de lumière, les dix huit danseurs et danseuses, en parité totale, demeureront surexposés dans leur nudité du début à la fin, évoluant sur un plateau vide, surgissant d'un rideau noir en lambeaux.
Tragédie est un spectacle total, qui ne fonctionne pas par tableaux ou par images, on ne peut pas dire qu'on a aimé davantage tel moment sur un autre tant cette danse est celle de l'abandon entier. Au début, tous ces corps surgissent de la scène en une marche disciplinée, seuls ou par grappes, avançant puis se retournant d'un pas assuré, robotique, industriel, militaire, au son d'une musique répétitive évoquant les lancements de boulets de canons. Au fur et à mesure, tout ce côté programmatique finit par se dérégler, au même moment où cette bande son évolue vers quelque chose de plus rock et technoïde, où les mouvements hypnotiques se fracassent dans une espèce de fatigue, dans des gestes moins assurés, puis abîmés, tombant d'épuisement ou de douleur, jusqu'à se régénérer dans un chaos, dans une transe communicative de ces corps en sueur, qui s'affranchissent pour enfin affirmer leur part d'humanité, jusqu'à la jouissance pure. On finit abassourdi et admiratif devant des interprètes faisant preuve d'un engagement aussi marquant.
En tant que spectateur, c'est peut-être la première fois que j'ai eu autant l'impression d'assister à une oeuvre appelée à faire date. Vous pouvez regarder l'extrait que je mets à la fin du post, mais vraiment je pense qu'on ne peut se rendre compte à quel point ce spectacle secoue et soulève qu'en y assistant. Si vous n'avez pas passé la moitié de votre vie avec une minerve ou êtes sur le point de compromettre votre intégrité artistique en vous vendant à Adam Sandler, bref si vous n'êtes pas ce qu'on appelle communément un gros bovin, je ne saurais que vous encourager à réserver dès maintenant ce spectacle pour l'instant très peu programmé cette saison (même si ça semble évident qu'il aura davantage de passages signés pour la saison 13-14 vu le triomphe suscité partout où ça se donne), qui passe sur Paris les 2 et 3 Février au 104 car ça va être complet très vite, si ce n'est déjà fait depuis le passage du sujet au grand journal vendredi dernier. Vous ne le regretterez pas.
http://www.canalplus.fr/c-divertissement/pid4261-c-la-short-list.html#pid4261-c-la-short-list.html?&_suid=135161647169706718916022034151http://vimeo.com/49372114