Je crois qu'on en parle ici et là mais il n'y a pas vraiment de topic dédié.
Je revois les derniers épisodes de la dernière saison, et ça me refrappe encore combien ce qu’il s’y passe est enthousiasmant.
Déjà on se disait avec Zad et Tiny que dans ces épisodes Louis CK ne s’embarrasse plus du tout des règles habituelles de la comédie. Le format d’abord est complètement libre, certains épisodes se suivent, d’autres fonctionnent seuls, d’autres sont justes des scènes mises ensemble sans avoir de liens directs, et c’est comme s’il réinventait le rythme de sa série à chaque épisode. Et puis on ne cherche pas forcément à faire rire, souvent il n’y a même pas de gags, ou alors lointains, comme un petit rire intérieur, qui laisse alors la place à une certaine gravité et une certaine douceur (les très beaux épisodes flashback par exemple). Du coup ça atteint une impression de liberté assez étonnante pour de la télé, très loin du format.
Et alors dans cette 4ème saison, la beauté de certaines situations, du regard sur certains personnages, c’est quand même dingue. Toute la fin sur le corps de Louis, le rire de ses enfants d’abord, puis la scène de la baignoire, qui du coup devient d’une pudeur et d’une simplicité impossible sinon, moi ça m’impressionne
En fait je me faisais la réflexion que Louis CK avait d’abord beaucoup travaillé sur un certain trash, la masturbation, les mauvaises pensées, le sperme et la merde, comme pour exorciser mais surtout pour se débarrasser du jugement et tout mettre à plat. A un moment, avec Seinfeld, Curb your enthousiasm ou The Office uk, il y a eu une grande importance de l’humour autour de l’humiliation et des situations gênantes, une vision du monde basée sur l’antagonisme, moi contre les autres, et la société comme le lieu du malaise. Louis CK est héritiers de ces comiques là, mais petit à petit il s’en est affranchi jusqu’à travailler à quelque chose de radicalement opposé.
Par exemple cette scène là :
http://vimeo.com/97960929Il y a bien toute la situation du gag annoncé, la mécanique de l’humour est mise en place, en un retournement l’homme est devenu un fou, un paria, et potentiellement une menace pour la tranquillité du personnage principal (on se souvient que Seinfeld dans la même situation, face à un homme nu dans le métro, roulait les yeux au ciel en se disant « évidemment c’est sur moi que ça tombe »).
Sauf que là, en un geste simple, Louis CK accueille l’autre, va vers lui, et d’un seul coup lui rend sa place dans la société et sa dignité d’homme. C’est un comique sans rire, où la mécanique sert un autre but, pas une chute mais une élévation.
En général Louis ne juge personne, l’autre est son semblable et sa folie pourrait être la sienne, Et là carrément il le sauve.
La saison 4 est blindée de petits miracles comme ça (la serveur du restaurant qui traduit la lettre, les scènes de violon avec la fille, les étoiles filantes) qui sont des réponses à la noirceur du monde, qui existe aussi (où une petite fille frôle la folie, où être un père c’est être toujours au bord de l’angoisse, où la rancœur et la jalousie peuvent pourrir une amitié), mais qui n’est plus le seul horizon des rapports humains.
Je crois que ce que fait Louis ck avec sa série est assez unique.