Gros morceau de Mizo encore une fois, dont je préfère vraiment les films d'époque, qui lui permette de développer des fables en résonance avec des problématiques contemporaines.
Tom a écrit:
Vais pas épiloguer et torturer Tetsuo, ça reste un cinéma difficile que ne sais pas par quel bout prendre.
Alors c'est marrant parce que je trouve celui-ci plutôt accessible. Je ne dout pas qu'il y des références et niveaux de lecture en lien notamment avec la culture et l'histoire japonaises qui m'échappent, mais cela reste quand même assez limpide et beau pour rentrer dedans en première approche.
Tom a écrit:
Ce regard extrêmement limpide et dé-romantisé,
Voilà.
Et en même temps Mizoguchi arrive à convoquer un imaginaire grâce çà une puissance d'évocation visuelle et narrative, avec certains archétypes (le méchant très méchant, ce genre de choses) mais en maniant la subtilité, une retenue dans les sentiments qui permettent de donner toute sa force au récit.
Tom a écrit:
s'accolant pourtant à des péripéties au pathétisme appuyé,
Baptiste a écrit:
l'horreur est montrée nue, dans toute sa longueur, un peu cruellement, et je me surprenais régulièrement à penser: "c'est bon on a compris, là...". La scène du marquage aux fers en particulier m'a choqué par sa méchanceté, on a l'impression que l'auteur lui-même torture ses personnages pour mieux, peut-être, les faire se relever.
Le hors-champ est moins subtil que dans ses autres films, sans doute... Toutefois, et peut-être que je le dis parce qu'en ayant vu d'autres Mizoguchi dans lesquels on voit qu'il sait faire autrement, il y a ici une volonté, du fait du sujet traité sous la forme d'une fable (le propos du film est profondément humaniste), de montrer la sauvagerie dans toute sa nudité, que l'humanisme ne va pas de soi et que c'est quelque chose qui se construit et une conception que 'on s'impose pour s'extraire de la barabarie.
D'ailleurs ce titre est étrange au premier abord, car il concerne un personnage secondaire, responsable des malheurs des protagonistes principaux. Et ce personnage n'est qu'un sous-fifre, un représentant du ministre, que l'on ne voit au final jamais dans le film... Ce qui confère au film une profondeur sur la nature du mal rencontré et combattu.
Tom a écrit:
Et y a un truc qui m'a frappé, qui joue d'ailleurs beaucoup dans ma difficulté à m'oublier en tant que spectateur chez Mizoguchi : c'est le silence avec lequel est raconté ce désastre. Une économie de sons qui ne relève pas de l'élégant parti-pris de mixage mais d'une mise à plat concrète, silence enregistré comme tel, qui rend chaque petit bruit "nu", qui donne l'impression que les cris se perdent pathétiquement dans un vide où chacun les entend. Ce qui participe à ce sentiment général de crudité, où aucun méfait n'est romantisé dans l'ombre ou suggéré sous le tapis, où toute situation se doit être regardé en face (c'est par exemple frappant dans le kidnapping en bateau, où la musique frustre ne cherche jamais à créer un liant empathique qui adoucirait l'évènement).
Très juste cette analyse du travail sur le son et la musique.
Le son du gong en bois qui sert aux contremaitres à signaler une évasion d'esclaves est particulièrement réussi, et véritablement terrifiant la deuxième fois où o l'entend, parce que l'on sait tout ce que cela implique si l'esclave est capturé.
Grand film, peut-être mon préféré de Mizoguchi, et c'est sur arte.tv jusqu'au 29 janvier.