Tentons un petit top évolutif, au fur et à mesure de mes découvertes :
1. (1998) - Les Fleurs de Shanghai (海上花, Flowers of Shangai) Une splendeur visuelle, quelques problèmes de construction (pour le montage occidental, si je me souviens bien ?), un film difficile d’accès, mais qui imprime la rétine.
2. (1985) - Un temps pour vivre, un temps pour mourir Là on touche au sublime, entre cet aspect documentaire qui imprègne un peu plus à chaque film le cinéma de Hou Hsiao-Hsien, et ces plans fixes superbement cadrés, parfois surprenants (un plan sur une fenêtre la nuit, devant laquelle passe le personnage au bout de quelques secondes). Et puis une émotion palpable, devant ce temps pour vivre dont il faut profiter à tout prix (le film instaure un vrai suspense, une vraie course), devant ces moments bouleversants (ceux avec la grand-mère), devant ce père mutique (magnifique révélation finale). Et puis la nature, l'arbre, la ville qui peu à peu contamine tout (l'arbre qui justement n'apparaît plus à la fin). Bref, c'est magnifique.
3. (2001) - Millennium Mambo (千禧曼波) Début des années 2000, quand HHH, WKW, Oshima, et Aoyama trustaient les premières places de mes tops. J’hésite entre celui-ci et Les Fleurs de Shangaï, chacun étant d’une certaine manière le pendant de l’autre.
4. (1993) - Le Maître de marionnettes (戲夢人生, The Puppetmaster) Vu lors de sa diffusion sur C+, autant dire que j’en conserve peu de souvenirs (je croyais même à l’époque que HHH était un très vieux cinéaste, qui réalisait là son film testament). Me restent en mémoire le côté documentaire (les interviews face caméra ,si je me souviens bien), et surtout la façon d’inscrire les personnages dans des cadres et de les assimiler aux marionnettes du titre.
5. (1984) Un été chez grand-père Cette pudeur exemplaire d'une femme qui monte les escaliers en pleurant, ce déchirement quand un enfant s'éloigne de ses copains de vacances, ces lettres que l'enfant envoie à ses parents en y décrivant sa vision du monde, ce portrait des adultes, tellement injustes avec leurs enfants... Et, toujours, cette séparation entre l'angoisse de la ville et la saveur bucolique de la campagne, reliées par les rails du train qui traverse les régions comme les époques. C'est absolument admirable.
6. (1986) - Poussières dans le vent (戀戀風塵, Dust in the Wind) Quatrième film de sa période autobiographique (même si là encore, il n’adapte pas non plus sa propre vie), HHH approfondit un peu plus son cinéma, qu’il déplace progressivement vers la ville (le film étant traversé de chemins de fer entre la ville et un village de mineurs en montagne), avec toujours une délicatesse immense pour des personnages, dont il pointe ici l’éloignement, la perte de repères, et la tristesse. Du coffret, je préférerais Un temps pour vivre un temps pour mourir, chef d’œuvre absolu, mais celui-ci vient juste après, d’autant que la musique, aussi élégante que la mise en scène.
7. (1983) - Les Garçons de Fengkuei (風櫃來的人, The Boys From Fengkuei) Dès le premier plan, à la profondeur de champ immédiatement reconnaissable, c’est le choc. On parle de film de transition, même si Green, Green Grass of Home l’était déjà un peu (ainsi qu’apparemment L’Homme sandwich, court-métrage d’une anthologie en forme de manifeste de la nouvelle vague taïwannaise), et effectivement Les Garçons de Fengkuei prolonge l’exercice bien au-delà. Fort d’un réel travail sur le visuel (certains plans larges sont à tomber, mais aussi ceux utilisant la profondeur de champ évoquée plus haut, avec le premier plan flou), le film introduit la figure du décadrage, par laquelle chaque porte, chaque fenêtre fait office d’écran (c’est dit texto par un personnage), renvoyant les personnages à des spectateurs du monde qui les entoure, de la même manière qu’ils sont spectateurs au cinéma devant Rocco et ses frères – on notera la référence évidente au néo-réalisme italien. Le film, fortement autobiographique, forcément documentaire, poursuit l’aventure des trois mousquetaires de Green green Grass, qui ont grandi et tentent de se fondre, de « devenir riche », dans la jungle urbaine menaçante d’une ville portuaire, centre grouillant de vélos, de scooters, d’échoppes, de petites frappes prêtes à toutes les arnaques - monde qui s’oppose aux flashbacks magnifiques, filmés au ralenti, sur le père du héros, aujourd’hui légume suite à un accident.
8. (1996) - Goodbye South, Goodbye (南國再見,南國) HHH replonge dans ses souvenirs de jeunesse, lui qui avoue avoir failli tourner loubard et risquer de finir en prison, voir tué, comme certains de ses amis d’enfance. Ici on est à cheval entre deux styles, celui des Garçons de Fengkuei, et celui plus éblouissant des films à venir. Je mentirais si je disais que je ne m’étais pas sérieusement ennuyé.
9. (1987) - La Fille du Nil (尼羅河的女兒, Daughter of the Nile) On retourne en milieu urbain avec ce film, que j'ai trouvé plutôt embrouillé. A chaque nouvelle scène je ne comprenais plus rien, même si je voyais bien la vision d'ensemble. Il y a ce truc que je reproche au cinéma asiatique dans son ensemble, et HHH n'y échappe pas toujours, qui consiste à filmer de loin sans qu'on sache même qui parle (c'était déjà le cas dans Un temps pour vivre, mais les monologues avaient presque fonction de voix off). Ici, c'est salement bordélique. Ca reste toujours aussi formellement puissant.
10. (1981) - Cheerful Wind Deuxième film encore mineur et inoffensif, désarmant par moments - même si parasité par une musique envahissante et par quelques gags embarrassants - , où l'on retrouve, bien plus que dans Cute girl, quelques éléments de la filmo à venir (la grosse ville tentaculaire, le village perdu, la vie quotidienne en province...). Mignon tout plein. 3/6
11. (2003) - Café Lumière (咖啡時光) Vu il y a quelques mois et déjà oublié. J’ai aimé la description du quotidien, mais je me souviens à peine de quelques scènes tournées dans des cafés.
12. (1982) - Green, Green Grass of Home (在那河畔青草青) Déjà, malgré dix premières minutes pénibles, il y a l’évolution par rapport à son premier film, un effort sur le cadrage, une modération des effets, une réduction des chansons (qui trottent dans la tête toute la nuit). Et déjà, malgré un film bien ancré dans son genre, ici la comédie, on perçoit le père HHH au détour de quelques traits. La fuite vers la campagne, bien sûr, le discours écolo-zen (où « même les poissons qui nous semblent inutiles peuvent demain servir pour un médicament »), l’importance de l’amitié insoluble qui résout les conflits les plus viriles, les enjeux les plus complexes, mais aussi ce regard tout autant mélancolique sur une société qui mute, qu’irrité par la violence des rapports humains (les gamins se prennent des torgnoles à tout bout de champ). Puis au-delà de ces points, il y a surtout le documentaire qui investit le récit, avec ces enfants qui jouent leur propre rôle dans des scènes de classe belles et touchantes.
13. (2007) - Le Voyage du ballon rouge (紅氣球的旅行) Je ne sais pas ce qu’ont les cinéastes asiatiques avec Juliette Binoche, que je trouve de plus en plus irritante, qui plus est dans un film comme ici plutôt insignifiant, qui tente maladroitement de déplacer son dispositif à Paris.
14. (1980) - Cute Girl (就是溜溜的她) J’étais pourtant prévenu par Castorp. Même en tentant de lier le film au reste de l’œuvre de HHH, ça reste pénible. Tout au plus peut-on déjà noter quelques récurrences, telles que la fuite vers la campagne, l’importance de la figure de l’arbre (je cite J.-M. Frodon, qui lui-même peine à défendre le film dans les bonus du blu-ray), la vision d’une urbanité galopante et menaçante, et sauver deux ou trois gags (notamment un beau regard caméra lors du premier baiser). Mais tant au niveau de la mise en scène, bourrée de tics insupportables (accélérés, zooms brusques, surjeu des acteurs…) que de la musique, le film s’impose comme une erreur dans la filmographie du cinéaste, n’acquérant même pas avec les années le charme d’un film estudiantin.
_________________ Que lire cet hiver ? Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander) La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)
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