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«Dans les comptes de» Julie, architecte à 2500 euros par mois : «On rêve de vacances qu'on ne s'offrira pas»
Anissa Hammadi
Julie* et son mari ont trois enfants, une maison et leur propre agence, quelque part en Champagne-Ardenne. Ensemble, ils dirigent un cabinet d'architecte. Un métier qui fait rêver, source de nombreux fantasmes que le compte en banque de Julie a vite déconstruits. À 43 ans, la mère de famille perçoit en moyenne 2500 euros net mensuels, son époux aussi. Le salaire moyen d'un Français dans le secteur privé, selonl'Insee.
« Plus de la moitié des architectes non-salariés gagnent le smic, prévient-elle. Il y a de très gros écarts de salaire entre ceux qui touchent plus de 10 000 euros et ceux qui ont dû mal à boucler leur fin de mois. » La mère de famille se situe dans un entre-deux : « Je n'ai pas un salaire ridicule, mais on a fait sept ans d'étude, on a 20 ans d'expérience et des responsabilités pesantes. Il faut aussi préciser que ce n'est pas pour 35 heures de travail par semaine, mais plutôt 70 à 80. » Le samedi, le dimanche ou le soir.
Avec un tel salaire, Julie imaginait une autre vie : « On se dit souvent qu'on n'a pas un juste retour des choses dans notre quotidien. Nous n'avons pas un train de vie à la hauteur de ce qu'on gagne. » Par goût, et surtout faute d'argent, la famille part en vacances en France. Deux semaines l'été, une semaine au printemps. « On y va en voiture, on loue une maison sur des plateformes type Airbnb, ou on essaye de s'en faire prêter une au bord de la mer. »
« On ne se prive de rien, sans faire d'excès non plus »
Partir plus loin ? « Le budget, on ne l'a pas», coupe Julie, qui estime dépenser 3 000 à 3 500 euros par an pour les vacances. « Ça existe les voyages pas cher avec un package avion et club tout compris, formule buffet, mais ce n'est pas à notre goût. Nous n'avons pas les moyens de faire le voyage d'aventuredont on rêve. »
Leurs revenus étant fluctuants, les vacances dépendent aussi de la bonne santé de l'agence. « Quand on peut, on fait de plus beaux voyages. » Dans ces cas-là, ils s'aventurent en Espagne et en Italie, mais toujours sur le schéma « voiture et location de maison ». « On rêve de vacances qu'on ne s'offrira pas, on compte malgré tout. »
Julie compte, mais vit bien. « On ne se prive de rien, sans faire d'excès non plus », résume l'architecte. Le couple a contracté des prêts à la consommation pour financer des travaux dans la maison dont ils sont propriétaires, les études à l'étranger de leur aîné et les voitures. Ces crédits alourdissent temporairement leurs dépenses de 1000 euros chaque mois.
Ils ont également souscrit à une assurance accident de la vie, à 47,70 euros par mois, parce qu'ils sont « moins bien couverts en tant que libéraux ». Mais être à son compte a aussi du bon : l'emprunt pour le local, qui leur sert de bureau, est financé par le loyer que verse la société (830 euros). L'agence rembourse également leurs frais kilométriques (600 à 700 euros/mois). Et si leur PEL (plan épargne logement) affiche 5085 euros, Julie considère l'achat du local comme « une épargne à long terme ». Car le couple ne parvient pas à mettre de l'argent de côtéen plus des 45 euros prélevés automatiquement pour alimenter ce seul compte épargne.
Théâtre, cours de piano et bio
Hormis le prêt immobilier pour leur maison, un crédit de 1285,49 euros/mois hors assurance, dont l'échéance arrive fin 2032, l'alimentation (environ 950 euros par mois), les divers abonnements téléphoniques et Internet, l'école privée des deux plus jeunes enfants (400 euros par mois avec la cantine) alourdissent leurs dépenses. Sansticket-restaurant ni cantine d'entreprise, le ticket de caisse est toujours salé. « Nous faisons nos courses au marché, on achète bio et local, on fait attention à ce qu'on mange. Certes, on pourrait faire autrement, mais je ne considère pas cela comme un plaisir ou un excès, c'est une nécessité. »
En réfléchissant à ses petits plaisirs, Julie dévie rapidement vers ses enfants. « Nous allons très peu au cinéma. On s'offre quelques concerts et pièces de théâtre, et les enfants ont un nouveau livre à chaque vacance scolaire. » L'un d'entre eux suit des cours de piano (40 euros par mois). « Pour les vêtements, on essaye de faire du troc plutôt que d'acheter neuf. » Une démarche aussi économique qu'écologique.
Son idée pour le pouvoir d'achat ? Rendre plus écologique nos modes de vie
Pour améliorer son pouvoir d'achat, qu'elle juge stable depuis plusieurs années, Julie rêve de mesures qui permettraient aussi de réduire sa consommation et qui valoriseraient « une vision plus écologique de nos modes de vie » : lutter efficacement contre l'obsolescence programmée, favoriser les démarches de partage d'équipements et outils, développer les offres d'autopartage en dehors des grandes métropoles et poursuivre les politiques de développement économique des centres bourgs pour limiter les migrations pendulaires « qui coûtent cher aux ménages ».
*Prénom d'emprunt