Let’s go !
Nausicaä de la Vallée du vent (1984)Grosse bonne surprise, pour un truc qu’on m’avait décrit comme un simple brouillon de
Mononoké. Ça l’est évidemment un peu, mais le film a vraiment une singularité par rapport à tous ceux qui suivent : une sorte d’épure, un côté conceptuel dans l’univers (les grandes plaines vides) comme dans le découpage (des effets kitsch – des zooms, même, si je me souviens bien – très maîtrisés : on a l’impression que ca expérimente, c’est le seul Miyazaki où j’ai eu cette impression de fraicheur de (déjà plus très) débutant). Ça a aussi ce ton sec, efficace, saillant. J’aime beaucoup !
Le château dans le ciel (1986)L’ABC de l’univers Miyazakien, tout est là. J’aime le côté film d’aventure, il y a des scènes flamboyantes très impressionnantes (l’orage !), mais c’est pas mon préféré… Cela dit je le reverrai sans déplaisir. Je sais pas pour vous, mais sur certains passages, notamment la fin, je trouve que la BO américaine fonctionne beaucoup mieux.
Mon voisin Totoro (1988)L’autre chef-d’œuvre, avec
Mononoké. J’adore la façon dont le film arrive à tirer son lyrisme de quelque chose de très brut, de très simpliste. La musique (le thème de l’envol) en est un bon exemple : petit motif électro qui se referme sur une sévérité inattendue. Je ne suis pas du tout partisan du fait de voir dans le "côté sombre" des films une preuve obligatoire de leur qualité, mais ici c’est vraiment l’idée brillante qui traverse le film : quelque part, pas loin, une mère est à l’hôpital. On a à peine besoin des peluches (finalement plutôt rares) pour faire sortir une force vive de ce trauma originel : c’est les deux sœurs qui font le plus beau du film, dans l’hésitation qu’elles concrétisent (la grande qui veut grandir, la petite solidement ancrée dans l’enfance). J’ai pas grand-chose d’autre à en dire, le film a quelque chose d’assez évident, en fait.
Kiki, la petite sorcière (1989)C’est assez curieux de voir un tel talent affairé à une historiette aussi sommaire, le décalage est zarb. L’impression que Miyazaki a pas grand-chose à dire ici, quand même…
Porco Rosso (1992)Les premières images que j’ai entre-aperçu de Miyazaki, c’était ça – par bouts, sur Canal. Revu il y a quelques années, je me joins à ceux qui trouvent que c’est probablement son film le plus abouti et maîtrisé (je n’ai, objectivement, absolument rien à lui reprocher), mais je l’ai peu revu, par exemple. Ça secoue sans doute pas assez la fibre lyrique et flamboyante de son cinéma pour être mon préféré.
Princesse Mononoké (1997)Le coup de foudre total. C’est mon petit frère qui le regardait, je passais derrière lui en disant
« mouais, c’est pas mal », style
« je m’y connais moi, ca reste du DA japonais », puis je m’asseyais quand même pour regarder un peu. L’aprèm, mon frère se le remet. Je repasse, je re-regarde. Puis on se le remet. Puis après c’est moi qui le lançait : on a regardé ce film en boucle pendant quoi, une semaine ? C’était hallucinant : tout ce que je pouvais avoir envie de voir dans un film était là. La distance parfaite aux évènements, l’équilibre entre réalisme et fantastique, les visions magiques lointaines, le héros qui retient sa main de commettre un meurtre, les amants qui se poignardent avant de s’embrasser, l’apocalypse dans un silence de soleil levant… et surtout l’absence de scènes de transitions "utilitaires" : c’était du cinéma non-stop, à chaque plan, c’était des séquences toujours prises par leur bout le plus passionnant. J’ai appris plus tard que Miyazaki ne faisait pas de scénario, mais directement son découpage, jusqu’à ce que ça forme des scènes, qui elles-mêmes puissent former le film : même si j’imagine que finalement, intérieurement, la plupart des cinéastes ne fonctionnent pas autrement, dans ce film c’est flagrant. Ça restera un phare pour moi, et je pense dans l’Histoire du cinéma.
Le voyage de Chihiro (2001)Le film est arrivé dans une telle Miyazaki-mania qu’il était quasiment inattaquable. Je me souviens pourtant, qu’à l’époque, tout en chantant ses louanges, j’avais eu une certaine gêne… J’y voyais une sorte de résistance à être réellement narratif (toute la première partie, notamment), c’était très froid aussi. Avec le recul, je retiens en fait surtout le côté "fait dans la dentelle", un film d’une délicatesse et d’une précision inouïes, aussi bien visuellement que dans le ton : c’est toujours ambigu, ca joue de mille nuances, le film est plein de plans si étrangement pensés, naviguant entre le merveilleux et l’horreur pure : de la calligraphie faite film. Au-delà de cela, je retiens surtout quelques scènes parmi les plus belles de la décennie (le dragon saignant contre la fenêtre ou entraînant la petite dans le puits, la course entre le monstre et
Chihiro dans la grande maison, le sublime voyage en train) et des visions fulgurantes (le monde immergé sous une eau calme sur laquelle on marche, c’est une image qui m’a marqué à vie).
Le château ambulant (2004)Un peu l’inverse : le film avait officiellement déçu à sa sortie, puis avec le temps il a vraiment bien feuri. Objectivement, contre lui, je retiens 5 minutes finales toutes pouraves et une ouverture qui a du mal à mettre le film sur rails (cela dit, j’ai l’impression que c’est un défaut récurrent de son cinéma, le fait d’avoir du mal à commencer et finir) + quelques petits tics de cinéma de vieux (Calcifer, parfois utilisé à la façon des plus élémentaires sidekicks pas drôles). Je crois quand même qu’on est beaucoup, à l’époque, à être passés à côté de la richesse première du film – celle qu’on nous avait vendu pour
Chihiro, en fait – qui est d’avoir une logique narrative de rêve. Ça joue par les transformations constantes de personnages et de leurs personnalités, de lieux et d’espaces qui se confondent, des temporalités réelles et subjectives qui s’entremêlent (la patronne qui revient voir la jeune fille en vieille et qui ne s’en étonne presque pas) : le passage de la ville attaquée, en flammes, vues depuis la cour intérieure, cet espace vraiment intime pénétré par le chaos de la guerre, est une des choses les plus troublantes que j’ai pu voir chez Miyazaki.
D’autres choses géniales : la façon dont une famille se forme progressivement dans ce bordel (notamment à travers les yeux du petit Marco, très beau personnage), la vision-synthèse passionnante d’une Europe isolée du monde, entre magnificence et guerres constantes, ou encore cette scène de flash-back super émouvante. Le meilleur reste cependant d’avoir fait succédé à la broderie de
Chihiro un style fait de couleurs agressives et primaires, de coups de pinceaux un peu frustres, d’une simplification dans le trait : un côté païen et baroque, qui est finalement une des façons les plus intelligentes d’approcher la magie. Que ce soit dans la façon de succéder à
Chihiro, ou dans la cohérence stylistique/thématique, je trouve finalement que c’est peut-être le meilleur film qu’il ait fait depuis
Mononoké. Mais je comprends bien sûr qu’on puisse rejeter en bloc.
Ponyo sur la Falaise (2009)J’ai tendance à voir ce film comme une réponse à celui de son fils : voilà ce que je sais faire. Or le déchaînement baroque sent cette fois beaucoup le remplissage (je ne sais pas quoi faire, donc je roule les mécaniques), le film accumulant par ailleurs cette fois les tics de vieux cinéastes con. Deux choses s’imposent : les gamins, et surtout leur amour très "surréaliste" (donné, d’emblée, surpuissant), et puis évidemment la scène de la course en mer. Mais j’ai quand même du mal… Quand les deux enfants se retrouvent devant le tunnel noir, inquiets, prêts à aller voir ce qu’il y a derrière l’enfance, derrière cet amour naissant, j’attends autre chose derrière que les mémés marrantes qui vont faire jouir Télérama. Malgré les idées, ce que l’univers pose de base (la structure en deux temps, la mer redonnant au pays les couleurs d’un petit royaume idyllique), j’ai besoin de savoir où ça va, et pour moi ca va un peu nulle part : j’ai vraiment l’impression d’un cinéma qui, s’enfonçant sous le poids de sa propre maîtrise, commence à se refermer sur lui-même – là où le film du fils, justement, malgré ses incroyables maladresses, arrivait vraiment à tracer une ligne de fuite. Après, ca reste du très très haut niveau, et il y a fort à parier que si un autre cinéaste que Miyazaki avait produit cela, je lui aurais sauté au cou.
Je me demande bien comment il va pouvoir enchaîner…
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On your Mark, j'avais oublié
L’autre Miyazaki à expérimentations. J’adore de bout en bout, la façon de faire rimer début et fin est superbe.