vraiment qui-gon qui m'a laissé mourir dans mon coin avec ce topic alors qu'il lit plein de trucs.
mais bref :

sous nos regards, le livre de témoignages sur l'affaire french bukkake.
un shot d'instantané culturel.
la première étape, c'est le porno sur internet, un mouvement qui dure 15 ans. l'avènement des "scènes", la chute des couts, le fric qui coule. et surtout la révolution des modèles, bien plus nombreux, le coeur de l'industrie ce ne sont plus les "porn stars" mais la chair fraiche qui débarque et repart.
c'est un moment particulier : des gens qui ne se rendaient pas forcément compte d'à quel point internet était partout, un manque général d'information d'une génération pour qui ça restait très neuf... et pour les consommateurs, une révolution : la possibilité de voir des centaines de millions de gens tout nus, en train de baiser, gratuitement, sans fin, des bombes de l'autre bout du monde ou les voisins du bout de la rue.
évidemment les jeunes femmes sont la cible prioritaire. mais pas que. c'est l'âge d'or du porno gay aussi, avec notamment corbin fisher qui se spécialisait dans ce genre de choses.
mais bref, la marée s'est retirée et a laissé plein de cadavres derrière elle.
c'est le deuxième moment culturel, quand cette vague là est partie, tout le monde réalise bien le pouvoir d'internet, la fête est finie. en france c'est donc l'affaire french bukkake et jacquie et michel. aux usa, il y a eu l'affaire girlsdoporn - qui est tellement le clone de la notre que c'est franchement vertigineux. le bilan de corbin fisher est assez spectaculaire aussi - ils faisaient tout de manière reglo et il n'y a aucun scandale judiciaire, mais enfin le nombre de mecs morts / en prison / tarés est assez spectaculaire (y en a plein qui ont des vies très joyeuses et épanouies aussi cependant).
et donc, le livre qui recueille le témoignage des victimes, un portrait par une auteure différente issues d'un collectif féministe.
il y a d'abord une introduction, qui promet que les auteures sont "de sensibilité politique différentes" et c'est vrai : en recherchant nom par nom, ça va de la gauche radicale à l'extreme gauche en passant par la gauche décoloniale feministe et par la gauche écologiste feministe. un vaste panel de sensibilités, donc.
il y a le fond : des récits regulièrement bouleversants. qui plongent dans des vies qu'on n'imagine pas trop, totalement fracassées, des "cas sociaux" en sens propre, avec une omniprésence des violences intra familiales et conjugales, des incestes, des pères absents... pour celles vivant dans une culture musulmane, l'absence totale d'états d'âme des familles à jeter sans un regard les filles "déshonorant" la famille, vraiment poubelle. c'est intéressant, terrorisant, bouleversant... il y a le récit "d'après" - que j'ai toujours un peu de mal à appréhender, c'est à dire la violence des réactions, la constance du harcèlement qu'elles subissent. dans le procès girlsdoporn les filles disaient exactement les mêmes choses, et ça parait toujours surprenant et quasi surréaliste - elles racontent toutes que tous les mecs qu'elles ont jamais croisés leur envoient des sms obscènes, les gens qu'elles croisent les insultent, les messages anonymes en cascade, les gens qui s'organisent pour les stalk et leur ruiner la vie à chaque fois, les reactions ultra violentes des familles (pas toutes, ça dépend quand même du milieu culturel). j'ai vraiment du mal a appréhender ça.
et puis il y a la forme. c'est un collectif d'auteures feministes et c'est vraiment la pensée à ce moment m. dans l'intro c'est un veritable bingo du jargon feministo-radical des ces dernières années. on sent, tout du long, un procès de la sexualité masculine dans ses fondements - un dégout perpetuellement exprimé et une volonté profonde de shamer le fait que les hommes aiment faire des trucs avec leur bite. il y a l'héroisation des victimes de violence sexuelle - et simultanément une victimisation exacerbée. une absence totale du contradictoire, de la presomption d'innocence. une exigence d'immense sévérité judiciaire, mais uniquement pour ces délits là. vraiment la pensée du moment de ces milieux là.
et puis il y a les milliards de questions que ça pose, tout du long. sur plein de sujets, les gens la sexualité, le porno, la justice, les hommes, tout.
donc c'était pas mega bien - le projet est trop limité, volontairement, il faut explorer toutes les facettes du sujet pour le comprendre et dessiner une voie porteuse d'avenir, ce n'est pas juste en disant aux hommes qu'ils sont répugnants d'avoir des bites que ça va regler les choses sur le long terme.
mais c'était mega intéressant, vraiment bouleversant, et très riche plus pour que ca provoque dans le cerveau que par ce qu'il y a écrit sur les pages mais enfin on prend quand même.