Forum de FilmDeCulte

Ok, merci beaucoup pour ce topo.

Mais en gros, si je vous suis bien tous (et malgré vos désaccords sur d'autres points), le revirement de Yimou-Kaige tiendrait juste à une nécessité d'adaptation à un nouveau régime plus strict, et pas d'un problème déjà présent en germe dans leur esthétique (et l'idéologie que cette esthétique sous-entendait) de leurs films célèbres des années 90 ?

D'ailleurs, je pars de Yimou-Kaige, mais le blockbuster chinois actuel, il n'a pas aussi d'autres racines ?

Je vais tenter la synthèse: au début des années 90, le pays se libéralise sur le plan économique sous l'impulsion de Jian Zemin. Des multiplexes poussent et passent en majorité de vieux films chinois et quelques films HK que le public déteste. Du coup, des producteurs vont se lancer dans la production de grosses épopées à gros budget - souvent des adaptations de grands romans d'épopée chinois très populaires. On peut penser que cela flatte le pouvoir central, mais c'est surtout le nationalisme chinois qui est flatté. Et le public suit en masse - il faut dire que beaucoup d'écrans sont réservés aux films locaux.

Après, attention à la question politique. Certains gros succès du cinéma chinois ne sont pas des films qui plaisent à Pékin: Aftershock par exemple, met quand même en cause la gestion de la crise suite au tremblement de terre. Récemment, le film Black Coal a cartonné en Chine... La société de production Huayi Brothers qui a produit Aftershock a aussi produit Detective Dee...

Après sur le plan esthétique, c'est bourrin comme du Bay, souvent, ou très sentencieux, ou les deux par alternance.

ah et d'ailleurs un genre qui cartonne en Chine, c'est le film-catastrophe, pour deux raisons: c'est spectaculaire/apolitique et ça correspond bien à la culture anxiogène propagée par les médias et les réseaux sociaux (grosso modo, comme ils n'ont pas le droit de parler de politique, c'est faits-divers à fond les ballons)

Là tu parles donc d'un truc qui arrive après Adieu ma concubine / Épouses et concubines ? Ou en même temps ? Parce que si je te suis, on a là deux courants parallèles qui ne sont pas tant liés que ça, et le blockbuster actuel hériterait presque davantage des prods HK dans la veine Hark.

Le nationalisme chinois flatté, cela ne me semble tout de même pas innocent. Pour ramener encore sur la table la cérémonie des JO, oui on flatte un nationalisme, mais aussi parce que ce nationalisme exalté est une arme de politique étrangère. De loin, ça donne l'impression qu'ils ont magiquement trouvé un terrain de jeu (la Chine des épopées et légendes) qui arrange tout le monde (réals formalistes, public en mal de blockbuster, pouvoir qui ne s'y mouille aucune aile), et qu'ils l'exploitent avec acharnement.

Je n'arrive pas vraiment à lier les prods Hark ou celle HK aux gros machins chinois piloté par le régime. Hark a quand même bénéficié de l'héritage de la shaw, des Wu xia pan, la mise en valeur des arts martiaux, complètement standardisé et étouffé par le Parti Communiste. Ce sont des films qui respirent beaucoup plus et qui ont réussi à développer leur esthétique à part, et digérés par la suite en moins bien par tout un tas de films américains (entre autres).

Là les films chinois dont on parle ici sont la plupart assez imbuvables, comme pourrait l'être une pub de trois heures pour le club med. Ils sont dénués de toute vision et quand on coupe autant les velléités artistique d'un réal ou d'une équipe on obtient pas grand chose.
Par contre je ne pense pas qu'il faille chercher un ver dans le fruit à l'origine, spécifiquement en Chine.
Au niveau du cinéma américain grand public, on pourrait aussi dire qu'il y a une crise esthétique et une sorte d’uniformisation et d'enlaidissement (numérique) généralisé. La Chine suit le pas, avec ces défauts accentués.

Disons qu'en Chine tu as tout pour que le blockbuster de propagande soft fonctionne: des multiplexes flambants neuf, des épopées guerrières historiques qui flattent toujours plus ou moins l'idée qu'il faut un despote éclairé à la tête de l'empire, un public sans grande conscience sociale ou artistique, et qui veut donc avant tout du grand spectacle.

Festival de cinéma indé interdit à Pékin en août, et arrestation du directeur (l'an dernier, les autorités avaient coupé l'électricité en plein festival)

http://rue89.nouvelobs.com/2014/08/29/f ... kin-254499