Je disais moi-même "à l'occasion ça peut être marrant"... Je comprends bien le plaisir que ça peut être à plusieurs, je l'ai déjà fait. Au contraire quand tu es avec des amis, t'as pas envie de t'assoir en silence dans le noir pour mater du Bergman, tu as envie de rire avec eux.
Mais (et là je vais forcément caricaturer, car il y a autant de spectateurs de nanars que d'approches différentes je suppose : je ne fais que reporter mon expérience), ce qui me désole un peu c'est quand ça devient une spécialisation, d'autant que les gens dans ce cas que j'ai eu l'occasion de croiser n'avaient finalement aucune idée de ce qui rendait un film bon. Je veux dire, tu leur montres du Bava,
une scène dans Le corps et le fouet par exemple (bon là j'ai trouvé qu'une version doublée ne russe), c'est pareil : ils ne voient pas la différence, ils trouvent ça tout aussi hilarant et nul. Un mec m'avait déjà dit clairement que pour lui série B = film de merde !
Qu'on puisse en rire à la limite c'est normal, le cinéma bis a toujours eu cette franchise crue et cette générosité, qui fait que tu peux éclater de rire à un moment devant l'énormité de ce qu'on te montre, et trouver ça franchement génial en même temps. C'est ce qui est beau justement dans ce cinéma, c'est que ça n'y est pas incompatible. Mais ce n'est pas ce que je ressens chez les fans de nanars que j'ai croisé, chez qui, au-delà de la sympathie un peu paternaliste pour les films moqués, respire plutôt une idée très petite de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas, de ce qui se tient et ce qui ne se tient pas, quitte à aller admirer les yeux embués de vrais gros navets friqués à côté.
Bref, à ce stade compulsif qui ne regarde plus que ça, j'ai tendance à ne pas y voir autre chose qu'un signe de plus du déraillement cinéphile aujourd'hui, à ranger avec le respect pour les films proportionnel à la façon dont ceux-ci te soumettent et te maltraitent (l'admiration automatique des ados pour les polars coréens, entre autres...), avec le mépris répandu pour le cinéma classique, notamment de ses mélos (évidemment, un cinéma qui s'offre tout entier sans se construire de carapace, quelle idée...), ou encore celui pour bollywood.