Tángshān Dà Dìzhèn (
唐山大地震) en VO.
Tremblement de terre à Tangshan pour la sortie vidéo française.
En juillet 1976, un tremblement de terre détruit la ville chinoise de Tangshan. Deux enfants jumeaux de sept ans sont enfouis sous les décombres. L'équipe de secours explique à leur mère, Li Yuanni, que la libération de l'un des deux enfants entraînera forcément la mort de l'autre, et la presse de choisir.Le prologue résume très bien l'ensemble : l'épate comme fin en soi et pas grand chose à dire, mais tout de même des idées à faire valoir (l'avancée nerveuse à travers ce décor bizarre de chemin de fer, la malédiction), matinées de vulgarité (les SFX)... Le plus problématique est cependant ailleurs : dans l'écrasant anonymat du regard normalisé (la famille-heureuse-échantillon-représentatif que l'on découvre, la solidarité empressée dans les décombres, l'armée au taquet), anonymat d'ailleurs souvent trahi par la musique qui n'a rien à dire et colorie ce qu'on attend conventionnellement de chaque situation. Le film n'est très vite qu'une surface lisse sur laquelle tout possibilité d'identification et d'émotion glisse. À ce problème, le cinéaste ne trouve qu'une antidote : pour "toucher" le spectateur, il lui faudra l'impressionner.
En cela, le film semble être une sorte de concentré dégénérescent des dérives mal digérées de certains cinémas populaires récents (le blockbuster US, le polar coréen...), qui ne conçoivent de relation efficiente au spectateur qu'en lui montrant les muscles et en le violentant. Ça en passe donc ici par des excès d'horreur fière, des plaintes sur-lyriques artificielles censées en justifier la présence, la modélisation de la catastrophe comme fin en soi : la première demi-heure (tremblement de terre et décombres) est à ce titre particulièrement pénible, bien que (CQFD) ce soit la seule qui réveille.
C'est pourtant faire un mauvais procès au film que de le réduire à cela, son sujet étant plutôt les 30 ans qui vont suivre le séisme : c'est moins un film-catastrophe (qui n'est ici qu'une ouverture) qu'un mélodrame. Or comment un cinéma pareil peut tenir un mélodrame sur plus d'une heure trente ? La Chine alentours (la gestion de la crise, l'armée maoiste recueillant l'enfant, la pauvreté des survivants, la mutation vers le capitalisme qu'on voit s'opérer sur 30 ans en arrière-plan) n'est jamais questionnée ; pire, même, on la laisse sciemment moisir dans le jus d'une ambiguïté terrible, qu'on entérine continuellement : petite fille bien sage alignée avec 100 camarades bien droite pour regarder un film au camp militaire, parents adoptifs défilant glorieusement en uniforme et demandant à leur fille muette et impassible de trouver ça joli... Gros bordel indigeste laissé en plan, qui n'est même plus l'espèce de petit jeu ambigu avec le pouvoir d'un Chen Kaige ou d'un Tsui Hark, mais juste le rendu tel quel d'une incapacité à pouvoir poser un regard clair sur ce passé - et par-là même, sur le présent.
Et c'est là que cet impensé du film mute bizarrement : cette amertume que l'on a pas exprimée envers la nation, on la retrouve dans l'intimité des échanges. La suite du film n'est qu'une série de rapports infects, raides, aigris, plein de remords ou de violence larvée... C'est même là-dedans que le film trouve une certaine finesse : dans la façon digne dont la mère refuse les avances d'une connaissance, dans la façon dont la fille adoptive gère les conflits teintés d’ambiguïté entre ses parents. Je trouve ça quand même assez frappant de voir qu'entre les deux retrouvailles, par exemple, le film choisit d'ellipser l'heureuse et de conserver la douloureuse !
Si on veut sauver le film, on peut le voir comme ça : son projet serait d'utiliser des personnages qui, malgré les décennies qui passent (se mariant, enfantant...), n'arrivent pas à vivre avec le ressentiment envers le tremblement de terre - pour figurer un peuple qui, malgré la croissance, n'arrive pas à digérer ce passé historique non exorcisé. Mais cela ne parvient pas une seconde à transcender la chape d'anonymat lisse qui caractérise le film, qu'on retrouve jusqu'à la voix robotique effrayante du mari canadien, ou encore dans cet épilogue atroce.
Concernant le DVD : plutôt bonne image, malgré quelques saloperies de compression par-ci par-là, et une image parfois un peu trop lissée. Pas vu à quoi ressemblait le blu-ray.