Marlo a écrit:
Combien de personnes, y compris parmi vous regardent ça froidement, comme des photos qui témoignent des violences en Égypte, et non comme des photos de mecs avec des trous dans la tête ? Sérieusement ? J'ai horreur de ces gros plans sur les mères qui chialent, ou ces plans super élaborés ... Non seulement je les trouve indécents mais je les trouve tellement pauvres, c'est de la parodie de photographie de reportage, on sent que les mecs ont bien potassé leurs cours ... Allez, vas y mec, fous moi une mère qui pleure en gros plan, en plus elle a le voile et elle est arabe, j'ai déjà vu ça ailleurs, faut toujours une arabe en gros plan qui chiale le fiston prodige qu'il est mort le pauvre ...
Il n'y a pas d'information là-dedans, juste du spectacle bien puant, ça me rappelle les photos esthétisantes et dégueulasses sur Haïti.
Tu te trompes complètement sur l'intérêt, la conception et la réception supposées de ces photos reportages, à mon avis. Certes il y aura des gens qui y resteront insensibles, mais pas de condescendance et ne va pas chercher trop loin : toi par exemple ! Mais je me trompe peut-être sur toi... comme tu te trompes peut-être aussi sur le reste. Pour autant ces clichés fonctionnent, davantage lorsqu'ils sont pris dans l'urgence d'une guerre civile ou de manifestations dont nous n'avons aucun recul géopolitique, qu'après la tempête Katrina ou le Tsunami. Perso je tombe sur la photo, elle m'émeut, et si j'y suis hermétique / insensible, je me force quelques secondes de plus à en saisir l'intérêt, à laisser l'émotion remonter jusqu'à moi. Notre oeil est surentraîné, c'est parfois difficile de revenir à une simplicité d'appréciation, mais le fait que ces photos n'aient que quelques heures d'existence, et qu'elles dépeignent une atrocité qui arrive à quelques heures de vol de chez moi, font que je débouche toujours sur une autre réalité sous-estimée.
Si la question t'intéresse, je te conseille le documentaire
War Photographer, sur James Nachtwey. Moi aussi j'étais à peu de choses près sur le même ressenti que toi, bien qu'aimant la photographie et la pratiquant modestement, mais ça m'a provoqué un déclic énorme, notamment sur l'indécence de prendre une photographie dans ces moments d'intensité... Nachtwey est assez irréprochable, on dirait De Niro dans
Heat, un mec ultra professionnel, méthodique et silencieux, qui évolue au milieu de l'Enfer, à quelques centimètres parfois de la mort. Puis l'on comprend qu'il se fait accepter de ses sujets en un hochement de tête, un regard compatissant, et qu'il est capable de mourir pour un cliché comme de mourir pour secourir l'un de ses sujets. Et il parle avec une justesse absolue de son métier. Vraiment, ça t'apportera beaucoup.
http://www.imdb.com/title/tt0309061/