Vincenzo Natali devrait adapter le roman I.G.H. (Hard Rise) de JG Ballard dont voici une critique:
"I.G.H., roman situé dans une tour londonienne des années 70, montre comment cet univers fonctionnel de béton, d'acier et de verre facilite l'infantilisation et la barbarie.
Ce roman s'est avéré étrangement prophétique."
James Graham BALLARD
I.G.H. désigne une tour de 40 étages, un Immeuble de Grande Hauteur [terme officiel de l'urbanisme contemporain pour gratte-ciel et autre], sur lesquels se répartissent 1.000 appartements. Le 10e étage est consacré aux commerces [banque, supermarché, vendeur de spiritueux…], il comprend même une école et une piscine.
Comme dans "Les monades urbaines" de SILVERBERG, la hiérarchie des étages est aussi la hiérarchie des classes sociales. Les plus bas étages sont ceux de la petite bourgeoisie, le 10e est une zone tampon qui la sépare de la moyenne bourgeoisie, et le 35e est la dernière zone tampon, qui sépare la moyenne de la haute bourgeoisie, en particulier Anthony ROYAL, l'architecte de la tour, qui vit à son sommet. Il en est de même pour le parking, où les premières places sont celles des habitants des hauts étages, qui y garent leur luxueuse berline, la périphérie étant réservée aux étages les plus bas.
La narration est essentiellement chronologique, mais les points de vue sont alternés entre divers protagonistes, essentiellement situés dans la zone du milieu de la tour. Dans le premier chapitre, un homme fait un feu avec des bottins sur son balcon, pour se cuire un chien. Les autres chapitres sont en flash back par rapport à ce début hallucinant et remonte au début de l'histoire, l'époque du bonheur de vivre plus ou moins entre soi, à l'écart des HLM tout en étant à proximité de Londres.
On ne sort finalement que pour travailler, puisque la tour comprend toutes les commodités.
Et c'est justement là que le piège se referme.
Tout commence d'une façon finalement assez banale, par une coupure de courant au 10e étage. Quand la lumière revient, après quelques instants d'obscurité, le cadavre d'un lévrier afghan flotte au milieu de la piscine, vraisemblablement noyé volontairement.
Petit à petit, les reproches de tapage et autres désagréments de la vie en collectivité vont basculer dans la sauvagerie la plus absolue. Les habitants vont fuir la tour, ou bien rester et renier la civilisation [au sens freudien du mot, la suppression du surmoi], et se [re]constituer en clans, avant de se lancer dans des affrontements barbares... Bientôt, la crasse recouvre les corps, les WC se bouchent, l'eau de la piscine croupit, les barricades fleurissent, faites de tous les meubles que l'on trouve, les chiens deviennent des proies pour se nourrir, le patriarcat le plus primitif refait son apparition…
Ce qui est absolument fascinant dans ce roman, c'est qu'il n'y a pas de moment précis du basculement de la civilisation à la barbarie. Tout se fait "normalement", dans un crescendo irrationnel. A la grande différence aussi du roman catastrophe classique [on pense bien sûr à l'excellent John WYNDHAM, ou même aux 4 apocalypses de BALLARD], le basculement n'est pas le fait d'un événement changeant brusquement les conditions de vie des protagonistes du roman. Rien n'est inné, tout est déjà acquis. Et en l'absence de contrainte extérieure, cet acquis ne peut donc être autre que la nature humaine. L'homme est un singe certes, mais il semble finalement plus proche du farouche babouin que du pacifique bonobo.
BALLARD signe une oeuvre absolument fabuleuse, glaciale et glaçante, mais si terriblement vraisemblable : "il lui semblait difficile de ne pas croire qu'ils vivaient dans un futur qui était déjà arrivé et avait épuisé ses possibilités." [BALLARD, "I.G.H."].
Ce futur n'est finalement autre que notre présent, et il semble bien avoir épuisé la plupart de ses possibilités, et il n'y a même plus à attendre la barbarie, elle est déjà là."
A part ça il a toujours Necropolis en projet et il vient de réaliser un documentaire sur Terry Gilliam ou plutôt un making of de Tideland qui dure 45 min.
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