En CE2, alors que j'étais à l'école primaire Alain Gerbault à Créteil, une nouvelle est arrivée dans la classe : Jennifer. Tous les garçons de la classe sont immédiatement tombés amoureux d'elle.
Certains le montraient, d'autres non. Je me rappelle encore de mon pote Mahyar en train de lui couvrir les jambes de baisers dans la cour d'école devant tout le monde. Sur le coup, c'était probablement à la fois plein d'amour tout en étant chaste mais quand j'y repense aujourd'hui that was fucked up.
Anyway. Il est évident que certaines choses vous marquent d'avantage que d'autres quand les événements vous reviennent en réminiscences et je ne me souviens pas exactement comment l'histoire commence mais it goes something like this...
À l'heure qu'il est, j'ignore encore ce qui m'a valu d'être choisi par Jennifer, mais le destin semble m'avoir élu ce jour-là, au cours de l'année 1991 ou 92 (j'avais donc 8 ou 9 ans), et elle m'avait invité chez elle.
Je ne me rappelle pas des détails de l'invitation. Je ne me rappelle pas marcher les 50 mètres qui séparaient ma tour de la sienne. Je ne me rappelle pas dire bonjour au père de Rym, le gardien de l'immeuble, dans sa loge au rez-de-chaussée. Je ne me rappelle pas prendre l'ascenseur (je ne me rappelle pas à quel étage elle habitait d'ailleurs). Et je ne me rappelle pas ce qui aura précédé le moment stigmate de cette journée et de cette rencontre. Mais quoiqu'il en soit, il arriva un moment où, épousant un cliché établi depuis bien longtemps, nous nous offrîmes au célèbre deal qui aura traversé les âges : je te montre le mien, si tu me montres le tien.
Outre l'aura insoupçonnée dont je bénéficiais apparemment du temps de ma jeune enfance, m'amenant à être choisi par Jennifer parmi la quinzaine de prétendants pré-pubères de l'école, il semblerait que je savais à l'époque faire preuve d'autrement plus de persuasion qu'aujourd'hui et je réussis à LUI faire inaugurer ce troc séculaire.
C'est ainsi qu'à l'age de 9 ans, je vis ma première chatte. Et qui plus est, la chatte de la plus belle et populaire fille de l'école, la cible de toutes les attentions, l'objet de toutes les affections [par ailleurs, le terme "chatte" peut-il s'appliquer lorsqu'il s'agit d'un pubis imberbe si ce n'est de quelques poils blonds?].
A mon tour, je dus alors m'exécuter et après la vision qui précédait, nul besoin de dire que bien évidemment, je bandais. Je me souviens de son sourire euphorique, je me souviens avoir sorti une connerie (je crois que j'ai dit "Elle travaille" #WTF) et je me souviens qu'en partant, je lui ai demandé où était sa petite soeur Anaïs, très jolie aussi, et qu'après m'avoir dit qu'elle était sous la douche, j'ai pensé "avec un peu de chance, j'aurai pu voir les deux soeurs à poil le même jour".
L'innocence était perdue là, je pense.
Parce que je n'associerais pas vraiment la fin de l'innocence avec le fait de jouer (et j'ai toujours préféré "jouer avec nous" comme on disait avec ma cousine et mon cousin que "jouer avec des jouets") et je ne saurais de toute façon pas citer une césure nette. Je me rappelle que j'ai repoussé le plus longtemps possible. Ma cousine a un an de plus que moi et ne voulait plus jouer alors que moi si donc je jouais avec mon cousin de 3 ans mon cadet. Il est vrai toutefois que je me rappelle que j'étais un envieux de son Buzz l'éclair qu'il eut à la sortie du premier Toy Story en France donc en 96 donc quand j'avais 13 ans et que je ne jouais plus avec des jouets, je crois que c'était le germe de mon goût pour les figurines parce que je n'avais tellement envie de jouer avec, j'aimais juste l'objet reproduit à l'identique d'un film.
De toute façon, les jouets ont cédé la place aux jeux vidéos qui, chez moi, ont cédé la place aux jeux de cartes à l'adolescence et aux jeux de société aujourd'hui. J'ai jamais arrêté de jouer, le jeu a évolué. Mais de manière générale, oui, les centres d'intérêts et ce que tu fais avec tes amis passent de "jouer" à "discuter".
La vraie fin de l'innocence, je dirais que c'est deux choses. Premièrement, l'éveil sexuel donc, comme avec l'exemple de L'Aventure intérieure de Cow-boy. Quand tu passes de "regarder un couple qui s'embrasse avec tes copains en s'esclaffant genre 'oh les amoureux'" à "azi viens j'ai le décodeur". On a de la chance d'avoir connu une évolution dans les "supports" de branlette d'ailleurs. Avant le net, moi j'aurais connu les catalogues de La Redoute, les films de Canal+ en crypté, l'encart X du Vidéo7...
La deuxième chose, c'est l'éveil à la mort. Là aussi, je me rappelle encore le vécu de ce moment précis quand, alors que mon père discutait avec des amis dans le salon, je jouais sur le canapé à côté de lui, je me faufilais entre les coussins, derrière lui, etc. Et je suis tombé sur un cheveu. Un cheveu de mon père. Il avait perdu un cheveu. Un jour, il perdrait tous ses cheveux. Et il sera mort. Caché derrière son dos, j'ai pleuré en silence.
Oui, c'est mieux de se remémorer la chatte de Jennifer, ainsi que le soubresaut de gloire un an après lorsque, suite à l'incrédulité de mes camarades de classe, j'interrogeais Jennifer devant tout le monde durant une session de Déli-Délo, et elle confirma mes dires, faisant de moi le cador de Gerbault.
_________________
|