Le Cow-boy a écrit:
Ce que je veux dire, c'est est-ce que vous avez des moments PRÉCIS dans votre vie où vous vous êtes consciemment dit "ok, je ne suis plus un gosse"? Moi j'en ai deux dont je me souviens très très bien
Origin story d'Abyssin de la rentrée dans l'âge adulte.
J'ai 20 ans, je rentre en première année d'école d'ingénieurs. Cet âge où on sort de l'adolescence mais où on n'est pas encore totalement adulte. Un passage de la vie où on est entre 2 routes. Je suis à Toulouse dans la période d'intégration de mon école en 2001. Déjà au milieu de cette intégration, petit malaise suite au 11 septembre qui déboule entre les premiers cours et les grosses périodes de chouille. Ca fout un froid, l'impression que le monde est à un tournant alors qu'on essaie de fêter ce début de nos études, ce jalon de notre vie auquel on pensera durant toute notre vie. L"intégration dure 3 semaines, période ponctuée des premiers cours et des grosses fêtes alcoolisées. A cela se rajoute le cadre estival et jovial de Toulouse. L'intégration a coutume de s'achever en beauté sur le week-end d'intégration. Cette année, nous partons à Cap Breton. Nous sommes le 21 septembre au petit matin. Il est un peu plus de 10H et je suis dans ma petite chambre étudiante en train de préparer mon sac pour le week-end. Je me suis réveillé il y a un peu plus de 15 minutes, je suis en short, en petite chemisette et pieds nus.
Soudain, j'entends une énorme explosion. Je n'ai même pas le temps d'avoir peur, tout va se dérouler en moins de 10 secondes qui vont durer une éternité. Je me dis juste que mon heure est venue et puis c'est tout. Pas la peine de réfléchir tellement c'est rapide. J'ai le réflexe de baisser la tête et de mettre ma main devant mon visage. J'ai alors l'impression de vivre un film d'action hollywoodien. Le sol de ma chambre bouge en vagues, je ressens un séisme qui, j'apprends après, était de magnitude pas loin de 5, et soudain un souffle formidable détruit la vitre de ma chambre. La majorité du verre de ma fenêtre atterrit sur le lit où je me tenais il n'y a même pas 5 minutes. Des morceaux de verre criblent quand-même mes bras et mon cuir chevelu.
Les dix secondes s'écoulent, je suis vivant, la tête en sang. J'ai une plaie sur le cuir chevelu qui saigne abondamment. Paniqué, j'entends des cris autour de moi. Je prends alors les jambes à mon cou, ouvre la porte de ma chambre et descend en cavalant 3 étages de ma résidence universitaire. Je suis pied nus, je marche sur des gravats et autres joyeusetés. Mes pieds seront blessés et je n'arriverais pas à marcher pendant 1 semaine. La suite, je vais passer rapide. C'est évidemment l'usine AZF qui était 400 mètres en face de ma chambre qui a explosé. J'ai été dans les premiers transportés à l'hôpital. Même si mes blessures étaient superficielles, j'ai eu le droit à 25 point de suture sur le cuir chevelu et les bras. Sans anesthésie par une doctoresse qui n'en avait pas fait depuis 20 ans. Mon corps a secrété tellement d'adrénaline que je suis tombé deux fois dans les pommes en 10 minutes. Je sors de l'hôpital 1 heure après. Je rentre dans le train de nuit à Lyon chez mes parents. J'étais fatigué et voulait être laissé tranquille mais j'étais loin de passer inaperçu. Les blessures au cuir chevelu saignent beaucoup et j'avais donc les cheveux rouges. Dans la gare, je voulais être tranquille mais toute le monde venait me voir pour m'apporter son réconfort. J'étais claqué mais touché par cette gentillesse.
Cette date est pour moi la fin de l'insouciance, un gain de maturité, la vision de la vie et du monde qui change.