pas convaincu, en fait, au final... Déjà, constat effectué sous contrôle d'huissier, les mômes sous 8-9 ans ne comprennent rien à l'histoire. Ca c'est un vrai problème car le design n'indique pas + de 10 ans et coup ça la fout un peu mal, dans la salle, tous ces gamins qui se demandent quand est-ce que l'histoire va enfin démarrer. Et quelque part, ils n'ont pas tort : U est très cinéma d'animation à la française en cela que le scénario est assez laborieux. On pense régulièrement à la Prophétie des grenouilles, avec en tête cette insupportable propention de l'animation frenchie à vouloir faire de la pédagogie jusqu'à l'excès. L'intention est certes louable de tenter de parler sexualité, d'utiliser un langage de tous les jours (en fait un rien passéiste, ce qui est d'autant moins évident pour les mômes... ou alors en anglais, ce qui n'est pas non plus simple à capter sous 10 ans!), de ne pas privilégier l'action tonitruante. Ca devient plus gênant quand toutes ces intentions prennent le pas sur le minimum d'exigeance narrative. U est extrêmement bavard, oublie d'exploiter le visuel pour faire passer l'information (et pourtant, il y aurait de quoi faire, ce visuel étant riche et expressif, et plutôt joli à regarder, notamment grâce à des textures complexes et un côté fait main très appréciable), oublie également, et c'est extrêmement gênant, d'être drôle (ou bien s'y applique parfois de manière très appuyée, via des jeux de mots ou des allusions pas super-fines (les allusions sexuelles entre Monseigneur et la mère Lapin, sont d'une part assez lourdes et d'autre part sans intérêt réel, parce que mal exploitées... exploitées en fait sous l'angle vaguement comique, ridicule... mais un comique adulte, connivent, de connaissance des choses du sexe... et si, bien sûr, les enfants sont sexués, de là à attendre d'eux un deuxième degré, une capacité d'ironie sur le sexe... pas très habile, ni très adapté, je trouve), et au final pas drôles... seul éclat de rire, justifié, de la salle avec les oiseaux, qui sont eux excellents mais n'ont droit qu'à deux micro-apparitions!) et a bien du mal à s'engager sur le terrain d'une histoire.
Histoire pourtant il y a, alambiquée et allégorique du passage à l'adolescence. Mais elle semble toujours traitée avec un train de retard (on nous raconte ce qu'il y avait avant -- l'histoire du raz-de-marrée, exemplairement, racontée par U, à laquelle on ne pige rien et qui n'a pas d'utilité et qui n'est jamais illustrée visuellement --, on nous parle des intentions d'avenir des personnages, mais on ne les fait pas vivre au présent, c'est un vrai souci...) et souvent avec un manque de clarté assez embarrassant (pourquoi ne nous montrer clairement que U rapetisse que si tardivement ? il y a des indices, mais les mômes les zappent et ne le comprennent vraiment, non pas quand le rat pense qu'il a grandit, mais bien quand dans un seul plan U devient plus petite! c'est la base de la narration visuelle et c'est complètement oublié! un comble pour un dessin animé!).
Autre problème: les personnages. Belle idée que de faire du brassage d'espèces et de les prétendre toutes de la même famille. Vraiment belle idée. Mais alors pourquoi l'assumer si mal, avec tant d'imprécision? Les mômes n'y pigent rien, surtout que les dialogues, toujours trop touffus, entretiennent l'incompréhension. Exemple: quand Mona voit le chat pour la première fois, elle demande à Lazare si lui aussi est un lézard. Lazare hésite puis finit par dire que oui. Evidemment, immédiatement, un môme dans le ciné: "Mais non, c'est un chat!". Du coup, incompréhension. Mona appelle les rats papa et maman, et puis en fait non, ses parents sont morts et les rats sont des domestiques qui l'ont élevée, et puis finalement quand même papa et maman, et pourtant les rats ont eux-mêmes un rapport de filiation et non pas de conjugalité... On s'y perd.
Difficile, du coup, de s'identifier. D'autant que les deux héroïnes sont un peu neuneus, il faut bien le dire, voire insupportables quand il s'agit de Mona (Isild le besco au doublage en fait trop... d'ailleurs le doublage est assez mauvais, je trouve, comme souvent, une fois encore, dans les DA français... trop ouaté, pas assez expressif et surtout, cette impression agaçante que, lorsque les personnages parlent, les bruits alentour cessent... et comme en plus c'est super-bavard, ça plombe vraiment le film...)
D'autant que les personnages secondaires souffrent souvent d'un manque d'épaisseur. La méchante rate ne fait jamais peur, ne représente jamais une menace et sa fin est un réel foutage de gueule. On ne comprend rien à ses plans (on nous parle d'un faux pistachier qui proterait du poison au lieu de pistaches, et finalement on n'en reparlera jamais... le thème du poison revient plus tard, puisque la rate en prépare, mais jamais elle ne met son plan à éxecution...) et encore moins à sa personnalité.
Plus grave, un personnage comme la sorte de loup rouge est simplement inutile. Il n'apporte rien, n'a aucune personnalité, pas d'essence, que dalle... Il est encombrant. Pareil, mais en moins prononcé, pour Papa lapin.
Voilà, je vais pas m'acharner, mais ça m'énerve. Parce que Loulou et autres loups était autrement plus réussi. Et parce que, après la Prophétie des grenouilles, c'est la deuxième fois que le cinéma d'animation français me semble avoir les défauts de ses trop prétentieuses ambitions. Il manque de modestie, de l'idée simple de raconter une histoire, quoi. Raconter une histoire, et injecter dans cette histoire des intentions pédagogiques, oui, là, je veux bien, c'est même plus que bienvenu et c'est ce qui fait la richesse des bonnes histoires pour enfants. Mais tricoter une vague intrigue sur des intentions, ça foire, forcément. Ca fait du surplace et ça reste à niveau d'adulte. Pour moi, les intentions passent en contrebande. Prenez un film comme McDull dans les nuages. C'est pour moi un film exemplaire, visionnable à tout âge, brassant des tas de sujets, ouvrant de stas de pistes de lecture, laissant ouverte l'interprétation de chacun, présentant de spersonnages complexes, et ne cessant d'inventer sa narration visuellement, tout en restant drôle, accessible, riche, pas du tout classique (au feu les trois actes et toutes ces conneries) et pas du tout convenu (morale à plusieurs sens, étrangetés, surprises, chacun y pioche ce qui lui convient).
Et ce qui est d'autant plus énervant, c'est que le film a des qualités également, malgré ces problèmes de scénario. La musique est excellente, l'approche de la musique est plutôt bien vue, les séquences, trop rares, basées strictement sur le visuel (le feu de camp) sont vraiment très bonnes, le character design est séduisant (le chat à bonnet a une tronche géniale), la toute dernière partie (à part la mort de la rate, honteuse) assez réussie (l'histoire d'amour entre la licorne et le lézard, prolongée dans le générique de fin, est vraiment belle et touchante... Même si le lézard est un peu énervant dans son rôle de comique qui parle trop, mais qui n'est pas drôle...)...
Voilà, ça m'énerve, parce qu'il y a un savoir-faire plastique évident et qu'il est gâché par excès de prétention... Faire simple, ça paraît trop compliqué, en fait...
2-3/6 (la Prophétie des genouilles était pire... c'est au moins ça de pris)
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