

Faux documentaire de 45 minutes, ou plutôt demi-documentaire, filmé lors de la première partie de carrière d'Abbas Kiarosami, alors qu'il était rattaché à un organisme pédagogique public, qui mêlait (à vrai dire de façon un peu 
floue, on va y revenir) éducation des masses avec une forme de recherche sociologique.
 Il est aussi représentatif de la première phase de la révolution iranienne, quand la gauche et les islamistes se partageaient tant bien que mal le pouvoir.
Il s'agit d'une sorte d'expérience à la Milgram.
Dans une classe de lycée, entre la quatrième et la seconde, un prof dessine une gigantesque oreille (tiens tiens, l'oreille de l'état, la Savak un peu donc) au tableau noir. 
On le devine nerveux et peu sûr de lui. Dans son dos, un élève tapote plusieurs fois sur son bureau, selon un rythme, qui (le générique de fin le soulignera) fait sans doute écho à un slogan politique.
Il choisit d'exclure en bloc les deux derniers rangs de la classe, où se placent les élèves réputés "à problèmes". Ils seront confinés pendant une semaine dans le couloir, derrière la porte, condam,é à rester debout, à la fois oisifs et fatigués, et à entendre ce dont ils sont privés.
Kiarostami interroge alors les parents (les pères), la situation est jouée mais ils représentent un échantillon de différentes classes sociales et situations (jusqu'à un gradé militaire, que l'on devine impliqué dans la transition politique).
 La plupart défendent l'idée que le groupe doit rester solidaire et ne pas balancer le responsable, mais plus le niveau social du père parait modeste, moins cette idée est affirmée de façon radicale. 
Le dispositif liant la père au fils est assez  sophistiqué et même ludique, avec des flêche et métatexte bilingues persan/anglais clignotant au dessus d'un portrait de groupe (un peu comme une présentation de personnages de jeu vidéo), indiquant le nom du fils, sa position dans le groupe (à la fois symbolique et spatiale donc)  et son prénom . Chaque élève est caractérisé par une attitude physique bien différente, de la fiérté stoïque à la soumission , ce sont des types, même si c'est discret et rapide.
Suis alors deux déroulement symétriques : un des élèves balance, après plusieurs jours (beaux fondus au blanc dans le même plan matérialisant le passage du temps, malgré l'aspect globalement terne et télévisuel de la mise en scène il y a des idées de msies en scène notables) le coupable (ou un bouc -émissaire...) et réintègre la classe, dans la position du fond, doublement honteux et le somatisant dans des tics 
 Dans l'autre moitié le groupe tient bon et rentre en groupe en classe après une semaine, ouvant ses livres.
Chaque situation est commentée par un panel de véritables experts et décideurs poltiiques et religieux : pédagogues, cinéastes, poète en cravate, responsables de médias laïcs et islamistes, chefs de partis politiques (notamment du Toudeh, le parti communiste), ministres, ayatollah et même les représentants religieux des communautés juive et arménienne.
Il ya bien sûr dans ce film le regard de Kiarostami sur l'adolescence, assez difficile à commenter car à la fois dilué et structurant massivement l'occasion du film. 
Et un propos politique, apparemment neutre du fait de son exhaustivité, qui est fascinant: aux seules nuances des témoignages et par les manières de varier la formulation du problème, on comprend que la gauche est en train de perdre la main. 
Les ambivalences que la gauche entretient par casuistique et souci dialectique (avec l'idée qu'une contradiction "objective", vécue jusqu'au bout et apuisée permet d'aboutir à une conscience totalisante ) correspondent exactement à ce que les islamistes défendent par calcul : la solidarité politique et la conscience de classe est  idéalisée (et donc c'un certain côté matériellement impossible) pour la gauche, et relative mais instrumentale pour les islamistes.
Le chef du Toudeh n'arrive réllement pas à trancher le noeud entre les deux fins possibles. Il explore les deux alternative dialectiques complètement, souffre réellement de son irrésolution, paralysé non pas par la rhétorique, mais au contraire par son absence. Son angle d'attaque est l'absurde existentiel, et il le relève là où il est caché.
Les Islamistes, même (et en fait surtout, le chef de la télévision qui assume l'autorité et l'impératif d'ordre en meêm temps la relativité de la spontanéité politique est par contraste franc dans son cynisme un peu cabot) en simulant la compassion pour le plus faible (tout en l'anonymisant dans une notion abstraite de justice) considèrent l'institution publique de l'école comme une négativité, anéantie par ce qui la devance : la force. Tout en feignant l'attachement au front  politique avec la gauche qui a provoqué la chute du Shah. Le consensus qui avait été trouvé, était une création (pour la gauche) mais pas l'"état" que recherchent les isamlistes , dans les deux sens dun terme- l'alternative entre solidarité consentie et ordre rigide nait après l'accès réel au pouvoir, celui-ci ne la dilue pas mais l'exacerbe.  On voit dans le film que la gauche ne sait pas quoi faire de sa victoire.
Ironiquement, le leader de la communauté juive, en étant l'un des rares à défendre la légitimité de la première issue (l'élève a le droit de s'éduquer individuellement, et la solidarité politique qui l'en prive, est sa propre fin, donc une apparence), rejoint le chef de la télévision islamiste, mais ce qui est formulé en terme de fausse conscience et de dialectique  entre apparence et vérité par le premier (
si c'était un problème politique ma réponse seraiy différente, c'est aussi que l'intériorité indviduelle est pour lui est la sphère par excellence du conservatisme politique) est formulé comme une anti-valeur par le second. Attention au chausse-trappe : un ayatollah apparement modéré, joufflu et rondouillard, à lunettes, défend la solidarité de groupe, et  estime qu'en trahissant le groupe  l'adolescent le plus zêlé abime aussi son estime de soi. 
Mais il s'agit de l'ayattolah Khalkali, au centre des purges contre les prisonniers de gauche en 1979 puis 1988. Un autre défend la résistance des élèves, mais leur reproche de s'être présenté à l'école pour purger leur exclusion. Il leur fallait nier d'un même geste à la fois leur aliénation et le monde, dans la mesure où celui-ci est aussi le symbole muet d'une valeur.
La mise en scène est donc fonctionnelle (qus possède quelque chose, avec la multiplication des films dans le films et la fascination pour l'enregistrement produit devant un autre à son tour filmé qui rappelle finalement ce que De Palma faisait à la même période), mais traversée par des fulgurance. Par exemple quand le prof se retourne et dévisage la classe, prenant la résolution d'une punition collective, il est montré dans le flou, ce qui accentue paradoxalement l'intensité de son regard qui se veut perçant. Il est foncièrement injuste (mais aussi le seul sujet fictif du film, jouissant du provilège d'avoir été écrit), à la fois autoritaire, producteur de situation et passif.  L'exclusion est pour lui une manière de donner un nom à ce qu'il vit, l'espoir d'en finir avec une situation et une honte. Il faudait que tout lui soit connu pour qu'il ait le ressort moral de la  juste. Il faudrait qu'il soit le public et non le sujet filmé pour être politiquement justifié, que la douleur et doute ne se perdent pas.
Par ailleurs, ce qui m'a frappé : la structure du film, avec une inversion/reprise brutale n à mi-parcours, et un débat polémique qui redémarre avec les mêms faits mais une issue opposé, sans que l'on ne sache  vraiment qui évalue une situation et qui la vit, est exactement celle de son avant-dernier film, 
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