Voilà les gens, sur vos conseils (et grâce à TiQ qui a fait remonter un topic que je connaissais pas), je suis donc allé découvrir ça, et je rejoins la mêlée, c'est un ravissement.
C'est un film doux : c'est vraiment le premier truc qui me reste en tête, cette douceur qui enveloppe chaque scène, du rythme régulier et apaisant à l'aspect-même de l'image (enfin faut voir, j'en reparle plus bas). Le métissage des langues et des cultures (anglaise, japonaise, birmane), l'omniprésence des éléments et des variations joueuses de lumière, le désamorçage de tout conflit dans les interactions entre personnages (un côté "communauté masculine pacifiée" qui ferait passer La ligne rouge pour Rambo) : au-delà de la harpe et des cantiques, le film est déjà en soi d'une grande musicalité.
La première grande scène, peut-être la plus belle, nous montre les deux armées sur le point de combattre commencer à communiquer par la musique : la scène nous montre "en direct" les deux camps inventer une façon de communiquer en tâtonnant, dans la crainte et l'appréhension, comme deux animaux qui s'apprivoisent (la harpe qui démarre et les chants qui s'arrêtent, attendent, reprennent...).
Cette scène est un peu le mode d'emploi du film dans son ensemble, qui va raconter une histoire semblable : la "réincarnation" d'un de ses personnages, même si dans les faits stricts du récit le soldat ne meurt pas. Réincarnation difficile, douloureuse, qui ne se fait pas sans déchirements : la vie d'avant est difficile à laisser derrière soi. D'où cette étrange impression, par la façon dont la musique va devenir l'unique moyen de communication (ce moyen plein d'affect, subjectif et peu tangible), de voir s'opérer un échange entre les vivants et un mort - guettant les signes, les indices, dépendant de la foi en la personnalité d'une simple mélodie entendue. Au point que
Ichikawa en tire une poésie inespérée sans jamais devoir prendre la pose du poète justement : l'ensemble reste d'une généreuse simplicité. Cet aspect du film est réellement touchant et émouvant, et je me serai finalement bien passé, du coup, de
Superbe film en tout cas, je connaissais pas du tout ce réalisateur en plus.
Une question, sinon, comme je le disais : la copie que j'avais vient du master HD de Master of Cinéma. L'image y est extrêmement douce, grisée en fait, aux contraste réduits au maximum (c'est particulièrement sensible dans les scènes à basse lumière) :

Puisqu'on est dans la journée kubrick-qu'est-ce-que-voulait-exactement-le-réal, je me demandais si c'était prévu ainsi, où si c'est là un défaut de restauration. Le film le semble pourtant, restauré, et pas qu'un peu, donc je vois mal ce qui aurait empêché de contraster le tout. C'est le cas de la copie Criterion (et des autres copies SD, il me semble), comme on le voit sur DVDbeaver :
http://www.dvdbeaver.com/film2/DVDRevie ... e_harp.htmJe me demande néanmoins de plus en plus si Criterion n'a pas tendance à sur-contraster automatiquement tout vieux film qui lui passe par les mains pour lui donner un aspect plus fidèle aux noirs et blancs récents, tant c'est là dans toutes les copies que j'ai pu voir de leurs éditions... Bref, quelqu'un l'aurait vu en salles pour trancher ?