Ou
Les Quatre sœurs, ou
Neige fine, ou
Fine Snow, ou
The Makioka Sisters...
Sasame-yuki en VO.
Les quatre sœurs Makioka tentent de préserver le prestige de leur nom. Depuis que leurs parents sont décédés, les deux aînées ont pris en charge les deux cadettes, essayant de leur trouver un époux. Mais les deux jeunes filles, chacune à leur manière, se montrent réticentes à se conformer aux obligations que leur imposent les traditions...C'est donc une grande et longue fresque en creux (= peu de coups d'éclats : ca a plutôt une forme de chronique). Étalé sur trois saisons, cadencé par la rencontre des époux proposés à l'une des sœurs (beau perso résistant en silence), le film nous plonge très facilement dans la familiarité de ces personnages, sans pourtant jamais réellement profaner ce qui révèlerait d'une profonde intimité : c'est plutôt en effaçant au maximum le monde extérieur (le film se déroule presque exclusivement entre les murs) qu'Ichikawa nous fait épouser leur regard, donnant l'impression que tout tourne autour de ce quatuor. Au point, par exemple, de tendre à confondre les espaces, très poreux : on passe de la maison de l'aînée à celle de la seconde sans prévenir, comme si ces habitations ne formaient qu'un grand lieu, celui du "clan" où les quatre sœurs évoluent comme bon leur semble, régnant sur un petit monde où leurs maris sont seulement tolérés (j'ai lu "adoptés" sur une review US, c'est tout à fait ça).
Le film, très loin du lyrisme de
La Harpe de Birmanie, en a gardé le doigté et le premier degré, dans un feutré généreux qui donne à Ichikawa des airs de Peter Weir nippon, adoucissant l'approche jusqu'à l'extrême d'une image à la sobriété totale - terne et décolorée, sans profondeur, jamais trop composée, laissant entrer sans résistance des bribes d'inserts ou de souvenirs muets, comme rêvés. C'est un cinéma patient sans être lent ou contemplatif, discret ou simple dans ses interventions, sans doute bien plus travaillé qu'il ne le laisse paraître, mais d'abord soucieux de nous transmettre le rythme d'un temps qui se déroule avec indifférence (au prix d'évènements complètement inutiles scénaristiquement, conservés par l'adaptation : la maladie de la petite, le chantage financier...), micro-péripéties alignées et superposées dans un tissage à l'apaisante régularité. L'effet est très réussi : quand la bulle familiale, ce "clan" immatériel que la réunion constante des sœurs préservait, apparaît s'être déchiré pour laisser à chacune la possibilité de vivre, le spectateur est presque pris par surprise, alors que deux heures viennent de lui montrer la chose tranquillement advenir sous ses yeux.
Voilà, excellent film, simple et évident : c'est certes pas une proposition de cinéma hautement novatrice, mais l'aboutissement exemplaire, ainsi que ce qui peut d'une certaine façon constituer son ambition (peindre le grand portrait d'une fratrie), font vraiment plaisir. Plus anecdotiquement, c'est assez fort et agréable de voir un cinéaste reprendre une pléiade de motifs fidèlement liés à Ozu sans une seconde en singer le style.