Ferdinando Cefalu, un noble sicilien, est amoureux de sa jeune cousine, Angela. Mais il est marié à Rosalia, une femme insupportable, et le divorce est illégal en Italie... Plein de ressources, Ferdinando concocte donc un " divorce à l'italienne " : pousser sa femme dans les bras d'un amant, surprendre l'infidèle en pleine action et commettre un crime passionnel qui n'entraîne qu'un minimum de peine de prison.
Mariage à l'italienne, Un vrai crime d'amour, Le Cocu magnifique, Romances et Confidences, l'Italie, ses mariages, adultères et autres ménages à 3 ont fini de me faire perdre le fil de qui a réalisé quoi dans ses fameuses comédies des années 50 à 70, d'autant que la liste des réalisateurs qui ont fait les belles heures de ce genre est longue (pauvres italiens quand on voit ce qu'ils ont à se mettre maintenant sous la dent en terme de comédies populaires). La découverte de l'un de ses prétendus fleurons et aussi l'occasion pour moi de me frotter pour la première fois à l’œuvre de Pietro Germi, et force est de constater que c'est effectivement du très très solide.
D'une le film est éminemment drôle, ce qui est loin d'être toujours le cas dans la comédie à l'italienne, vraie partition de funambule ni outrancière ni graveleuse, où les saillies comiques fusent comme des éclairs (totalement ma came en terme d'écriture, savoir faire rire avec le mot juste quand d'autres en auraient utilisé deux ou avec un seul mouvement de caméra et non une séquence de 2 min). Drôle mais également retorse, Germi entreprend ici de confronter la loi (l'illégalité du divorce) à la réalité de l'époque (on a beau être en Sicile et le prêtre de s'opposer à sa projection, toute la ville accoure pour aller voir La Dolce Vita au cinéma, film interdit aux moins de 16 ans), et pour se faire va en quelque sorte retourner les textes de lois contre eux-mêmes. Parce que si le divorce n'est pas encore légalisé en 1961, la durée de la peine pour les crimes d'honneurs (entre 3 et 7 ans) elle est clairement définie. Et c'est bien l'inanité de cette situation que Germi va utiliser pour vilipender ces mœurs archaïques où lorsque l'on est cocu, il en est de l'honneur de toute la famille de se faire justice soi-même.
De deux, Marcello Mastroianni. J'ai beau apprécié Gassman ou Sordi, aucun autre acteur italien n'aurait pu camper cet aristocrate tendance dégénéré avec autant de finesse que lui. Pour la petite histoire, il a même piqué à Germi l'un de ses propres tics (un petit claquement en coin de bouche), qu'il utilise avec un sens du timing absolument parfait. D'un flegme quasi britannique (il s'avère qu'il parle d'ailleurs assez peu dans le film, il partage l'essentiel de ses pensées honteuses au travers d'une voix-off), d'un absolu cynisme (comment par ailleurs ne pas penser à se très forte parenté avec le Michel Simon de La Poison, qui abusait pareillement de la justice pour se débarrasser d'une épouse inopportune ?), à l'appétence amoureuse moins qu'avouable (autre temps autre époque, Stefania Sandrelli a exactement l'âge de son personnage, à savoir 15 ans) et pour autant c'est probablement l'un des criminels les plus sympathiques jamais vu à l'écran.
De trois, la modernité de la mise en scène, qu'on imagine mal avoir ses 70 ans. Il y a bien quelques effets passés de mode (Mastroianni en version accéléré dans les couloirs de la grande demeure), mais il suffit de voir la séquence où, après avoir caché un micro il écoute et manipule l'enregistreur, on est à mi-chemin entre Conversation secrète et Meurtres mystérieux à Manhattan.
C'est dispo sur Arte.tv jusqu'à fin Octobre.
5/6