Le Dr Xavier a mis au point un liquide révolutionnaire qui permet d'étendre la vision au-delà du spectre visible. Il décide de le tester sur lui-même et obtient des résultats prometteurs, devenant capable de lire à travers une feuille de papier ou de voir les organes d'une patiente. En poursuivant les essais, il se rend compte que sa vision devient de plus en plus perçante mais aussi de moins en moins supportable…
Petit classique suranné tout à fait représentatif de la marque de fabrique de Corman, notamment cette écriture fantastique très fine qui arrive à se déployer malgré les contraintes budgétaires. Comme la plupart de ses films, tout ou presque est tourné en studio : sans les draperies et moulures et toute la décadence gothique de ses merveilles adaptées de Poe avec Vincent Price, ces décors perpétuent néanmoins la sensation d'étouffement au coeur des récits de descente aux enfers qui sont si chers au cinéaste. Hôpital gris et aveugle, fête foraine sordide, taudis en rez-de-chaussée... Il n'y a que le casino sur la fin, avec ses rideaux dégoulinants, qui rappelle la surcharge écrasante des intérieurs de forteresse comme dans House of Usher, entre autres.
Et cet écrasement visuel, inconfortable et claustrophobe, sert de manière idéale ce récit d'un scientifique qui dépasse les bornes — littéralement, aussi bien pour ce qui concerne le sens de la vue que de l’éthique professionnelle, puis de la morale, en voyant à travers tout. Addiction à l’hubris plus qu’à la prouesse en elle-même, qui devient vite un fardeau, puis une torture, et dont finalement il ne fera pas grand-chose passé un certain stade. Ray Milland ocille entre la sévérité, l'arrogance possessive, la résignation et le désespoir.
Belle fin lovecraftienne, avec cet effroi pour ce qui se trouve au-delà de ce qui doit être vu et perçu par nos limites naturelles, en pleine époque qui plus est de la recherche de l’expansion de la conscience par voie chimique. On sent encore et toujours l’influence des nouvelles de Richard Matheson, qui a beaucoup contribué au corpus de Corman ainsi qu’à The Twilight Zone (et tant d'autres oeuvres fondatrices au-delà de son propre travail d'écrivain).
Et ça fait drôle de voir Don Rickles jeune.