Aucune déception de mon côté, je pense même l'avoir préféré à Énorme. Letourneur joue de la confusion entre réalité et fiction à son maximum (j'aime beaucoup l'imbrication des deux dans le précédent, mais ils sont aussi clairement distincts et identifiables, quand ici ils sont entremêlés de manière inextricable), dans ce qui s'apparente à un véritable éloge de la trivialité. Trivialité des images, de leur qualité à leur contenu, Voyages en Italie c'est certainement ce qui est le plus proche de n'importe quel film de vacances, qu'il soit tourné en 8mm, au caméscope ou smartphone (et j'imagine aisément que c'est l'un des reproches que l'on aura le plus exprimé à son encontre). Trivialité de ses personnages principaux, de leur comportement et de leur souhait de vacances un peu minable et très formaté. Trivialité dans leur propos et l'humour que le film véhicule (des remarques sur le fil du rasoir raciste de Katerine, entre italiens dragueurs et voleurs à la bouffe espagnole dégueulasse, les blagues potaches à base de statue au sexe brûlant et autre pouffement pour le simple carton BIBITE).
Et malgré tout cela, et c'est là le tour de force de Letourneur de mon point de vue, c'est qu'elle réussit à nous les rendre infiniment attachant. Pourquoi, parce qu'ils sont tout bêtement profondément humains. Et c'est aussi là où je trouve ce film supérieur à son précédent, c'est que j'y vois une démarche esthétique et politique plus forte. Qui questionne à la fois le régime des images et l'importance de la mise en scène du quotidien, à une époque où tout cela s'est largement démocratisé, où il est devenu la norme de se mettre soi-même et sa famille en scène, que cela soit sur Facebook ou Instagram (voir le jeune couple de touristes qui pose de manière ultra affectée lorsqu'ils arrivent en haut de la montagne). Et dans cette perspective, je trouve que la dernière partie (où il se raconte la fin de leur séjour depuis leur lit parisien) fait parfaitement sens, puisqu'il s'agit bien d'y décrire le processus du souvenir de ces quelques jours passés et de ce qu'ils en retiendront pour un film à venir.
J'ai par ailleurs pu lire que le film pouvait être perçu comme une critique de l'industrie touristique et/ou de ceux qui s'y adonnent (préférer passer son temps dans la piscine de l’hôtel plutôt que de profiter pleinement de la nature ou de la culture qui les entoure). Je pense que cette idée n'a même jamais effleuré Letourneur, tout en ayant une parfaite conscience de ces comportements, il n'y absolument jamais aucun jugement de valeur porté. C'est même tout l'inverse, ils sont venus passer 4 jours loin de leurs enfants pour essayer de relancer leur couple qui semble battre un peu de l'aile à cause des petits soucis du quotidien, ont décidé de le faire de cette manière sans qu'il y ait quoi que ce soit à en conclure. C'est leur vie, leur choix, point barre.
Et enfin, quel plaisir de voir (et Letourneur me semble avoir fait le meilleur choix en interprétant son personnage féminin principal) qu'une actrice au cinéma ne doive pas nécessairement être jeune, belle et avoir un corps aux proportions de mannequin pour avoir le droit d'exister. La quarantenaire type y a également parfaitement sa place, comme elle a le droit d'y exposer son corps nu sans gêne ni honte, et oui les femmes ont de manière cyclique leur menstrue qui peuvent parfois venir souiller les draps du lit. Je serais curieux d'avoir l'avis des femmes sur ce film, la mienne (qui est loin d'être une grande cinéphile) était très touchée par le geste, par l'incarnation d'une femme vraie dans un film plutôt qu'une projection sexualisée (et bien sûr sans serviette périodique ou tampon) comme c'est assez largement la norme au cinéma.
Sur ce, je m'en vais boire les paroles de François dont je ne doute pas qu'elles seront positivement dithyrambiques.
5/6
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), assez antipathique mais tu arrives pas à le détester totalement. 