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Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)
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Auteur:  Lohmann [ 29 Avr 2022, 22:44 ]
Sujet du message:  Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

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Pendant cinq ans, le réalisateur Jonás Trueba suit un groupe d’adolescents madrilènes et les transformations qui rythment leur passage à l’âge adulte. Portait générationnel multiforme, Qui à part nous est une question collective adressée à nous tous : qui sommes-nous, qui voulons-nous être ?

Pour l'anecdote la version de travail de 2018 de Quien lo impide, projetée à la cinémathèque de Madrid, avait été partagée sur La Loupe version Facebook. Je me l'étais mis de côté mais je craignais un peu de le voir sans sous-titres, mes compétences en espagnol étant plutôt limitée. Joie de le voir donc finalement sortir en salle (même si de manière très confidentielle, à Paris en deuxième semaine il n'y a plus que 2 séances par jour :| ), dans une version sensiblement remaniée (la version de 2018 atteignait les 5 heures, celle de 2021 inclus les dernières scènes tournées pendant ou juste après le premier confinement dû au COVID - scènes qui sont ce que j'ai vu de plus juste au cinéma sur cette période si particulière). Et pour motiver les QGJ de ce forum, la projection est agrémentée de deux intermèdes de 5 minutes, c'est donc plutôt 3 films de 1h15 qu'un seul film de 3h40 à laquelle on assiste (sans compter que l'on ne voit absolument pas le temps passer).

Forcément la première référence à laquelle on pense (parce qu'à la fois proche temporellement et dans ses intentions), c'est Adolescentes de Lifshitz, pour lequel j'avais exprimé des réserves en particulier sur le flou qu'il entretenait entre documentaire et fiction (ou pour être plus exacte, sur la fausseté de certaines séquences documentaires). La dialectique est tout autre chez Trueba, qui fait du flou entre réalité et fiction la substance même de son film, l'un interpénétrant l'autre naturellement, de manière essentielle même, comme si l'aspect tangible de la fiction ne pouvait nécessairement provenir que de la réalité qu'elle cherche à incarner, en y puisant sa source que ce soit dans ses éléments contextuels ou l'aspect profondément véridique des personnages qui nous sont montrés à voir à l'écran. Ça n'est donc pas innocent si le film s'ouvre sur une séquence où le réalisateur aiguille les jeunes acteurs dans la préparation de leur rôle, ou si plus tard Trueba demande à ces mêmes adolescents la manière dont ils souhaiteraient se voir représenté dans la fiction - séquence qui se transforme en travail collaboratif de mise en scène où certaines idées sont reprises in extenso dans le film, comme cette voix-off qui accompagne quelques scènes muettes, l'image étant du registre de la fiction quand le texte lui renvoie au réel, à la note d'intention de ce que l'acteur est amené à exprimer durant la scène. Mais l'influence de la fiction sur le réel, sur ces adolescents en pleine croissance et en pleine maturation est également vrai, ce que l'on voit en particulier lors des scènes finales tournées en 2020.

Mais, au-delà de la maîtrise formelle, Qui à part nous c'est aussi (surtout ?) un approfondissement de la thématique Truebienne de la place de l'individu au sein de la société. Après ses deux précédents films j'avais l'impression que son cinéma était marqué par le trauma (ce qui me semble être clairement le cas dans Eva en Août), sur la manière dont l'individu se reconstruit après avoir vécu un événement traumatique. C'était un peu moins vrai dans La Reconquista (à moins de considérer la rupture de sa première relation amoureuse comme telle), mais dans ce film Itsaso Arana exprimait une opinion dont on retrouve un large écho dans Quien lo impide, lorsqu'elle exprimait son dégoût pour sa condition de célibataire - on y prend goût, on s'y habitue de plus en plus et on s’éloigne chaque jour un peu plus de la société. Cette question est la véritable colonne vertébrale de ce dernier film (jusqu'à citer l'aphorisme d'Aristote celui qui ne peut pas vivre en société, ou qui n'a besoin de rien parce qu'il se suffit à lui-même, ne fait point partie de l'Etat, c'est une brute ou un dieu), à savoir comment l'adolescent peut construire sa propre identité tout en conservant son instinct grégaire, comment fonctionne les mécaniques de groupe au Lycée, la difficulté du nouveau à s'intégrer, les jalousies, les premiers émois amoureux. Ça éveillera nécessairement beaucoup de souvenir à ceux qui verront le film (la palette des personnages est tellement large qu'il est impossible que vous ne vous reconnaissiez pas dans l'un d'entre eux), c'est traité toujours avec justesse, sans sensationnalisme, avec une importance accordée à la parole qui libère qui m'a d'un certain côté fait penser à Hamaguchi (même si leur cinéma n'ont pas grand chose à voir).

Le film est plein d'autres qualités (deux magnifiques scènes de couple naissant en particulier), d'une vitalité ébouriffante, de questionnements pertinents sur l'état actuel de la société (espagnole en l'espèce, qui m'ont rappelé ce documentaire vu l'an dernier El Año del descubrimiento), et on y découvre (même si elle était déjà présente dans La Reconquista) une jeune actrice qui par sa fougue et sa coupe de cheveu m'a rappelé Maria Schneider, pleins de bonnes raisons pour que je vous encourage à tenter l'expérience en salle.

5/6

Auteur:  Art Core [ 30 Avr 2022, 09:06 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

J'arriverai jamais à le caler mais très envie de le voir. Eva en août a très bien vieilli chez moi j'y repense très souvent.

Auteur:  Lohmann [ 30 Avr 2022, 09:16 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

Art Core a écrit:
J'arriverai jamais à le caler mais très envie de le voir. Eva en août a très bien vieilli chez moi j'y repense très souvent.

J'ai regardé La Reconquista cette semaine (également récupéré sur La Loupe), les deux acteurs principaux de celui-ci jouant dedans je me disais qu'il devait y avoir une certaine continuité, ce qui n'est pas vraiment le cas, film qui est tout aussi bon qu'Eva en Août. Je placerai Qui à part nous un petit cran au-dessus, il est d'une ampleur folle.

Auteur:  Lohmann [ 04 Mai 2022, 13:16 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

Et donc en 3ème semaine à Paris une séance samedi et une autre le dimanche au Reflet Médicis, quelle tristesse.

Auteur:  Film Freak [ 04 Mai 2022, 13:18 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

Ça m'a troué le baba.

Auteur:  Art Core [ 04 Mai 2022, 13:43 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

Je trouve ça triste mais honnêtement difficile de s'en étonner, c'est déjà un miracle qu'il sorte en salles (on est sans doute le seul pays au monde à part l'Espagne qui sorte le film en salles et pas uniquement en séance spéciale ou en festival).

Auteur:  Lohmann [ 04 Mai 2022, 13:50 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

Art Core a écrit:
Je trouve ça triste mais honnêtement difficile de s'en étonner, c'est déjà un miracle qu'il sorte en salles (on est sans doute le seul pays au monde à part l'Espagne qui sorte le film en salles et pas uniquement en séance spéciale ou en festival).

De part sa durée ? Je sais pas, ça me semble moins compliqué que de sortir Senses en 3 parties ou La Flor en 4.

Auteur:  Art Core [ 04 Mai 2022, 14:09 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

De par sa durée et sa nature également. Le documentaire fonctionne moins bien de base au cinéma alors quand en plus il dure 3h40... Depuis sa sortie le film a fait 1500 entrées, c'est absolument rien. Senses c'est plus de 100 000 entrées cumulées et La Flor 30 000, c'est une autre catégorie.

Auteur:  Lohmann [ 04 Mai 2022, 14:13 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

Art Core a écrit:
De par sa durée et sa nature également. Le documentaire fonctionne moins bien de base au cinéma alors quand en plus il dure 3h40... Depuis sa sortie le film a fait 1500 entrées, c'est absolument rien. Senses c'est plus de 100 000 entrées cumulées et La Flor 30 000, c'est une autre catégorie.

Le pire c'est que ça n'est pas un documentaire...

Auteur:  Art Core [ 04 Mai 2022, 14:21 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

Vendu comme tel en tout cas (et l'affiche est horrible et donne pas du tout envie je trouve).

Auteur:  Lohmann [ 04 Mai 2022, 14:38 ]
Sujet du message:  Re: Qui à part nous (Jonás Trueba, 2021)

L'affiche, ça n'est pas celle que je m’empresserais de mettre dans mon salon...

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