Tetsuo a écrit:
C'est quand même 2h30 de dialogues en vieux françois dans les décors de l'Ile aux enfants...
> Oh yeah !
Son époux et ses deux fils aînés ayant péri au combat, la mère de Perceval a voulu préserver son dernier enfant des dangers de la chevalerie. Elevé dans un manoir isolé, le jeune Gallois s'adonne à la chasse et ignore tout du monde. Un matin de printemps, il rencontre cinq chevaliers. Dans sa naïveté, il les prend pour Dieu, entouré de ses anges. Sa vocation s'éveille : il décide de se rendre à la cour du Roi Arthur pour être fait chevalier.
Gros kiff pour ma part. Je sentais bien que poussé dans ses derniers retranchements, le cinéma de Rohmer (que je trouve habituellement plutôt tiède) pourrait enfin déployer toute sa puissance. Et c'est donc ça son dernier retranchement : la tendance au littéraire qui se défoule via une langue vénérée et ultra respectée, la distance froide du moraliste qui épouse l'abstraction du roman courtois, l'atone de la mise en image qui se fond à merveille dans les représentations médiévales diaphanes.
On ne pouvait pas imaginer meilleur moyen de nous réinsérer dans les récits médiévaux. Le moyen-âge passe au ciné par de nombreux filtres (dark age crade, ou légendarisation merveilleuses, ou foisonnantes cours de châteaux fantasmées...) qui évitent finalement soigneusement de se confronter à ce qu'a vraiment été le moyen-âge, c'est à dire une façon si particulière de penser le monde - la façon de raconter les histoires, la façon de représenter ces histoires, une idée de ce qui est beau et de ce qui ne l'est pas, mais aussi une certaine conception de l'espace, du temps, de l'autre... Par la fidélité religieuse dont fait preuve Rhomer, rien n'est contourné ici (que ce soit par les décors eux-même fidèles aux représentations d'alors, par la musique d'époque, mais aussi par l'anti-spectaculaire des gestes mous et de combats rapides, des costumes simples, de figurants gauches). Il faut juste quelques minutes pour se mettre dans le bain, mais une fois habitués le film est très prenant. Le Lancelot de Bresson, sur des bases en partie voisines, manquait je pense d'une chose importante : l'espèce d'humour désintéressé qui parcourt le film, qui comme le dit Cosmo tient effectivement d'une absence totale de peur dans le ridicule, d'une capacité presque inconsciente à naviguer entre premier et second degré, tout naturellement, comme la narration passe de bouche en bouche, souvent par celle des personnages vivant l'action, sans que personne ne s'en froisse. Malgré le respect orthodoxe au roman original, le film donne ainsi paradoxalement le sentiment d'une grande liberté.
On pourrait souhaiter que Rohmer poétise un peu son dispositif, qu'il en appuie l'étrangeté tranquille, mais c'est aussi sa fidélité au texte médiéval que de rester sobre, épuré et vide (jamais le rythme ne s'emballe, jamais l'image quasi-dénuée de figurants et d'accessoires ne perd sa fragilité). Il y a là un amour, une sorte de foi dans le mot et le symbole dont on respecte l'exactitude et les contours, qui me rappellent beaucoup ce qui fait aussi la beauté du cinéma d'Ocelot.
Vachement envie de voir L'anglaise et le duc, maintenant.
C'est un de ses films les plus tièdes "L'Anglaise et le duc".
(mais le texte est très joli)