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Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)
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Auteur:  Mr Chow [ 08 Déc 2014, 13:17 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Adieu au langage = To Rome with Love :mrgreen:

Auteur:  Gontrand [ 25 Aoû 2015, 23:11 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Le début (le jeu déclamatoire des jeuebns et beaux acteurs, subissant un mélange de distanciations brechtienne et de mise en scène où la conscience politique devient une sorte de sacrifice lent et impuissant, le décadrage entre le discours politique et la situation sur les sages rives tranquilles du Léman) m'a laissé craindre un remake de For Ever Mozart, sans doute le pire Godard que j'ai jamais vu. Je m'explique: chez Godard, il y a toujours une tension entre la tragédie que vivent les personnages, d'ordre éventuellement politique, et l'idée que le cinéma et la littérature, par le seul fait de montrer les choses, les situent de manière complète et déterministe dans l'histoire. Il n'y a pas d'excès sur ce qui dans la politique, est à la fois un sens et un symbole, l'histoire selon Godard à la fois produit et consomme elle-même ces symboles, et ces films semblent souvent des gestes votifs adressés à des idées. Pour parler de la guerre en Yougoslavie, cela ne marchait pas, cela devenait un discours sur l'isolement des consciences qui est le même partout, que ce soit par rapport à l'échec de l'idée européenne, du communisme, où chez un père trop riche et avare. Finalement cette commensurabilité (qui concentre plus le sens et l'idée morale que le signifiant ou le symbole) semblait nommer d'abord la guerre afin de produire ensuite du neutre. Depuis le début Godard filme en fait des catalogues de situations et d'attitudes possibles, dans ces films chaque personnage pris à part incarne une attitude existentielle spécifique, et est radicalement séparé de ses congénères (et ce que ce soit dans la "Chinoise", dans "Tout va Bien", dans "le Petit Soldat", dans "Sauve qui Peut", où même dans les films plus légers de son histoire d'amour avec avec Karina comme "une Femme est une Femme" et surtout "Bande à Part" où la danse donne l'occasion de spécifier en fait ce qui sépare et replie sur lui-même les personnages, à la fois sous forme de perception et de destin). Catalogue est d'un certaine façon neutre par rapport au monde, parce qu'il prétend tenir un discours trop universel où l'orientation vers un seul sens n'est jamais privilégiée. Mais ce neutre est toujours rattrapé par la mort et la tragédie, il échoue (Resnais, lui, filme l'inverse, la découverte du point de vue ineffable et fragmentaire à partir duquel un discours politique ou moral perdure).


Je n'avais pas non plus tenu plus de 20 minutes à "Film Socialisme", j'avais l'impression de lire (enfin de regarder mis en image) un supplément d'été "Spécial Déclinisme, où va la Pensée française?" de Marianne.
Mais là ce film est assez différent, il se passe quand-même quelque chose avec le chien (l'angle du film est parfois pas si loin de ce lui de "L'Animal que donc je Suis" de Derrida, et peut-être par moment capable de continuer ce qui dit le philosophe: le regard du chien c'est le regard qui regarde vraiment vers l'extérieur, et peut-être qu'il parvient encore du fond de cette extériorité à aimer: il y a ces très beaux panoramiques où l'image de départ reste en en surimpression qui essayent réellement de donner une texture et un équivalent visuel à cette idée ). On dirait qu'en vieillissant, Godard semble s'aviser que le discours des Sciences Naturelles (versant Darwin, Buffon) et plus stable (à la fois méthodiquement et historiquement), moins soumis à l'inflation de signifiants et d’investissements que celui des référents de la gauche (mais je pense que Godard ne les a connu que de manière parcellaire, et composite, comme des signes efficaces mais disparates: ce n'est pas pour rien qu'il a critiqué assez fermement Foucault: ce qui ordonne ces signes lui paraît arbitraire et ne l'intéresse dès lors pas). Du coup on se demande si le vrai destinataire du cinéma de Godard n'a pas toujours été la nature elle-même, s'il ne fait pas un cinéma sur les hommes pour la nature plutôt que l'inverse, et enfin si cela n'explique pas sa fascination envers la stabilité et la survivance des significations et du langage par lequel s’exprime l'idée communiste, malgré son échec et peut-être sa mort ("On demandait à Mao ce qu'il fallait penser de 1789, après une longue réflexion: il est trop tôt pour le dire"). Mais j'ai pourtant l’impression qu'il manque et ne parvient pas à comprendre ni la science ni la nature, elle sont représentées ni comme une activité ni comme une présence, mais l'objet d'une projection et d'un rêve d'immortalité, où ce qui est soustrait au monde des phénomènes continue à concerner son "sens", sa "signification" (on sait que chez Godard, les êtres et les peuples signifient directement quelque chose, mais c'est la première fois qu'il filme ce rapport de signification en tant que tel). Mais cette idée va de pair avec un reproche sévère, assez rigide, envers le discours politique qu'il semble congédier, en lui reprochant de n'avoir pas été à la même hauteur que le flux héraclitéen du temps et des choses, dans lequel son chien est capable de se baigner (idée qui correspond à une scène inquiétante, le maître semble ne pas avoir hésité à balancer le chien de sa compagne dans un torrent où aucun chien un peu averti ne mettrait les pattes, je me demande comment il a survécu si tant est qu'il ait bien survécu, c'est quasiment un snuff movie). Finalement la seule chose qui n'est pas désavouée c'est la place de littérature, depuis le début à la fois vecteur et consolation de cet échec, elle exprime alors le monde des objets, plutôt qu'une subjectivité.

4/6 Sans doute le Godard le plus intéressant depuis "Eloge de l'Amour", même si politiquement et esthétiquement cela me fascine de moins en moins.

Auteur:  Gontrand [ 25 Aoû 2015, 23:56 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Et donc, je rejoins assez l'avis de Tom (même si pour moi le film finit mieux qu'il ne commence), qui malheureusement n’écrit plus (il est vrai qu'il faut certainement se méfier particulièrement de certains c**s sur les forums, voire même de manière plus fondamentale de l'expression sur Internet en général chez quiconque y compris soi-même, la langue du populisme et de l'agression compensatrice devient dominante, importée dans la critique et la culture).

Auteur:  Gontrand [ 26 Aoû 2015, 00:09 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Si on voulait supprimer réellement l'EI, la destruction des monuments Palmyre, la logique qui pousse aux décapitations et défenestrations, et lutter contre les populismes chez nous il faudrait aussi supprimer les sites de réseaux sociaux, de tweet, et les robinets à images de type YouTube (ou trouver quelque chose d'autre) , ce qui est proprement impossible vu leur capitalisation boursière, qui elle fait consensus (les vidéos de terreur participent à la valorisation de ces compagnies, en les rendant incontournables - d'ailleurs les nouveaux médias hyper-individualisés sont épargnés par la logique de terreur et d'intimidation). Mais sans ces robinets, une partie du problème serait résolue, et l'opinion n'en serait pas pour autant anéantie.

Cela rejoint un peu ce que dit Godard ("Aujourd'hui tout le monde a Peur"), même si j'ai l’impression qu'il parle dans ce film de la nature pour contourner l'enjeu de la terreur liée à l'image (il la pense comme un effet de l'idéologie, alors qu'elle en est en fait une source) Il n'est jamais parvenu à parler de ce problème, même s'il l'a touché du doigt dans "Notre Musique", mais en le diluant dans des enjeux mémoriels. C'est un cinéaste du visuel au sens de Daney finalement.

Auteur:  Abyssin [ 26 Aoû 2015, 22:09 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Gontrand a écrit:
qui malheureusement n’écrit plus (il est vrai qu'il faut certainement se méfier particulièrement de certains c**s sur les forums, voire même de manière plus fondamentale de l'expression sur Internet en général chez quiconque y compris soi-même, la langue du populisme et de l'agression compensatrice devient dominante, importée dans la critique et la culture).


HS : tu te gourres totalement sur les raisons de son départ qu'on regrette beaucoup.

Auteur:  Gontrand [ 27 Aoû 2015, 12:58 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

J'avoue que je n'ai pas tout suivi au départ de Tom (je crois que l'on a "outé" son identité sans qu'il ne le demande ni le souhaite?), mais c'est dommage.

Sinon, certains plans d'Adieu au Langage sont étonnamment proches de Sayat Nova de Paradjanov (notamment le sang dans la baignoire), tout comme le rythme des séquences, l'impression que le cadre dissout la figure humaine dans le même moment où cette figure a conscience du cadre et essayait elle-même de l'exprimer, l'impression aussi bizarre que les personnages de Godard, malgré où à cause du caractère littéraire et poétique des propos, sont en fait mutiques (ils énoncent des phrases ditn le sens se complète, mais ne communiquent pas entre eux, comme chez Praadjanov où un sens global est obtenu par composition d'attitudes physiques individuelle, muette, mais obsédées par la fidélité au texte). Finalement Godard a aussi peut-être la même notion d'"universel" et de "nationalité" que Paradjanov. C'est assez étonnant, car a-priori on rapprocherait Godard d'un pan moins contemplatif, plus idéologique et plus "urbain" du cinéma russe. Par ailleurs, il semble que Godard apprécie plutôt Paradjanov.

Auteur:  Slacker [ 27 Aoû 2015, 13:12 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Gontrand a écrit:
J'avoue que je n'ai pas tout suivi au départ de Tom (je crois que l'on a "outé" son identité sans qu'il ne le demande ni le souhaite?), mais c'est dommage


+1 :cry:

Auteur:  Film Freak [ 27 Aoû 2015, 13:13 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Ce n'est pas ce qui s'est passé.

Auteur:  Caribou [ 27 Aoû 2015, 13:15 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Il est parti par solidarité pour Léo, dont l'identité a été découverte par des membres du forum mais pas outé en public.
BLABLABLA.

Gontrand a écrit:
Si on voulait supprimer réellement l'EI, la destruction des monuments Palmyre, la logique qui pousse aux décapitations et défenestrations, et lutter contre les populismes chez nous il faudrait aussi supprimer les sites de réseaux sociaux, de tweet, et les robinets à images de type YouTube (ou trouver quelque chose d'autre) , ce qui est proprement impossible vu leur capitalisation boursière, qui elle fait consensus (les vidéos de terreur participent à la valorisation de ces compagnies, en les rendant incontournables - d'ailleurs les nouveaux médias hyper-individualisés sont épargnés par la logique de terreur et d'intimidation). Mais sans ces robinets, une partie du problème serait résolue, et l'opinion n'en serait pas pour autant anéantie.


Ton point de vue se comprend.
Après, ça paraît ultra-liberticide comme proposition. Tu ne serais pas stalinien par hasard?

Auteur:  Gontrand [ 27 Aoû 2015, 13:17 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

OK d'accord, je ne poserais pas la question. Est-ce qu'il a le droit d'avoir des visites des ses proches et du courrier au moins?

Auteur:  Gontrand [ 27 Aoû 2015, 13:20 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Caribou a écrit:
Il est parti par solidarité pour Léo, dont l'identité a été découverte par des membres du forum mais pas outé en public.
BLABLABLA.

Gontrand a écrit:
Si on voulait supprimer réellement l'EI, la destruction des monuments Palmyre, la logique qui pousse aux décapitations et défenestrations, et lutter contre les populismes chez nous il faudrait aussi supprimer les sites de réseaux sociaux, de tweet, et les robinets à images de type YouTube (ou trouver quelque chose d'autre) , ce qui est proprement impossible vu leur capitalisation boursière, qui elle fait consensus (les vidéos de terreur participent à la valorisation de ces compagnies, en les rendant incontournables - d'ailleurs les nouveaux médias hyper-individualisés sont épargnés par la logique de terreur et d'intimidation). Mais sans ces robinets, une partie du problème serait résolue, et l'opinion n'en serait pas pour autant anéantie.


Ton point de vue se comprend.
Après, ça paraît ultra-liberticide comme proposition. Tu ne serais pas stalinien par hasard?



Quelle libertés nous perdrions? Par ailleurs il peut très bien y avoir un Internet sans YouTube, Facebook, Google; Twitter.
C'est plutôt l'hyper-concentration des technologies dans quelque firmes qui est stalinienne et liberticide. Elles rachètent leurs concurrents à la manière de l'URSS qui créait un glacis à ses frontières. C'est bien Facebook qui développe une technique de reconnaissance de visages et Google des lunettes-caméras-détecteur, Apple des montres-tablettes (bientôt il faudra un accès serveur pour connaître l'heure)? L'image est alors juste un rejetons de ces technologies.

Auteur:  Film Freak [ 27 Aoû 2015, 13:22 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Caribou a écrit:
Il est parti par solidarité pour Léo

Non plus.

Auteur:  Caribou [ 27 Aoû 2015, 13:23 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Il est juste loin le temps de la révolution de jasmin.

Auteur:  Gontrand [ 27 Aoû 2015, 13:25 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Il a dit en AG "étant donné la baisse des recettes publicitaires liée au basculement vers les apps, nous avons peut-être trop de modérateurs..."?

Auteur:  Gontrand [ 27 Aoû 2015, 13:40 ]
Sujet du message:  Re: Adieu au langage (Jean-Luc Godard - 2014)

Sans compter que le contenu le plus intéressant sur un site comme YouTube est en général piraté et ne lui appartient pas, mais comme Google pèse autant qu'un état et que l'HTML permet de le forwarder directement sur d'autres plateforme cette firme ne risque rien. Ce piratage est sans doute une des raisons principales de la spirale déflationniste actuelle (ces images sont massivement consommées mais d'une part le producteur de l'ouvre initiale ne touche au bout d'un certain temps plus rien sur son travail, d'autre part le spectateur en doit rien investir du tout pour y accéder). D'ailleurs la croissance est plus forte en Afrique qui est une société quand-même moins connectée (mais où les technologies liées au téléphone portable offrent quand-même des services dématérialisés, comme le SMS ou le payement).

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