Forum de FilmDeCulte

Je découvre Pierre Huyghe, dont j'avais vu par hasard (puis revu récemment) le superbe The Third Memory (essai documentaire autour du braquage qui avait donné l'idée à Sydney Lumet pour son Dog Day Afternoon), et dont je viens donc de choper l'incroyable Streamside Day.

Bon, encore une fois, on va encore m'accuser de parler de films que personne ne voit, des courts métrages documentaires qui n'intéressent que moi... Bon, bah si au moins ça donne envie à ne serait-ce qu'une personne d'en savoir plus (qu'il/elle me fasse signe) eh bien ça sera toujours ça de gagné...

Et c'est vrai que pour Streamside Day, c'est comme pour Ariane Michel ou d'autres découvertes récentes (Christelle Lheureux, Ange Leccia, etc.), j'ai vraiment l'impression de poser le pied sur des terres mal connues, mal défrichées, et qui pourtant gagneraient à l'être. De voir des films de cinéastes qui pensent vraiment le cinéma au présent, dans le contemporain, qui ne sont pas dans l'imitation d'une forme, d'une technique, mais bien dans l'invention, dans la création d'une forme singulière, d'une esthétique cohérente avec les moyens et la modernité auxquels ils se rattachent.

C'est p-ê plus "facile" parce qu'il s'agit de documentaires -- disons que je pense que c'est matériellement plus faisable, d'un point de vue strictement rationnel. Mais comme on est souvent, dans tous ces cas, sur le fil tendu entre la fiction et le documentaire, c'est assez difficile de trancher. Même s'il est évident qu'il y a dans tous ces films un rapport très personnel au réel.



Et de quoi ça parle, va me demander Julilo, qui aura bien raison?

Bon, cherchez pas les résumés sur le web, ils sont en général stupides parce qu'inutilement embrouillés (genre : "Derrière le mythe paradisiaque du jardin d’Eden, le film de Pierre Huyghe met en scène une privatisation pernicieuse de l’espace, et de l’innocence. Tentative de produire du lien en inventant des rites, du mythe, de l’enchantement, là où il n’y en a plus ?".... ouais, c'est ça, ouais...). Alors que Streamside Day est justement d'une simplicité désarmante (comme la plupart des autres films cités plus haut, d'ailleurs).

Il prend place dans un petit bourg pavillonnaire américain, ces villages-maisons de poupées comme on en voit dans les films US, et s'attache à filmer avec une grande rigueur, une grande tendresse et une grande élégance -- jamais moqueuses, jamais neuneus, jamais surfaites -- le jour de la fête annuelle de la Streamside Celebration.

Uniquement ceci.



Ce n'est absolument pas du Strip-Tease, on n'est pas là pour pointer la bande de beaufs en train de s'empiffrer de hamburgers avec des masques de lapins... Bien au contraire, le film est plutôt du côté du ravissement, "il panthéise" comme dirait Renard (désolé, toujours ma référence livresque de chevet), ce Dieu (au sens que vous voudrez) qui gît dans les détails, même ceux qui pourraient relever du pire des pittoresques, du pire des naturalismes...

C'est d'un immense respect, d'une immense beauté, d'une immense tendresse.

Et c'est filmé magistralement, avec un sens du plan large tellement rare en documentaire qu'on en viendrait presque à croire que c'est "du chiqué", et une rythmique de montage franchement bouleversante, et un montage son en état de grâce.

Voilà, évidemment je ne vous dis pas tout, notamment je ne vous dévoile pas le secret de l'incroyable ouverture (comment a-t-il fait pour avoir ces plans?), qui m'a immédiatement cloué...



(bliss, je pense vraiment que tu adorerais)

(et tba, je sais pas si les docs entrent dans ton corpus de recherche, mais si oui, ça peut t'intéresser...)

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Ca se trouve où?

je te mpise

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ça m'intéresse aussi !

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L'ennui est le mal suprême, le péché originel, l'avant-goût du néant déja sur les lèvres et dans les tripes.

c'est quoi le type de tes fichiers zad ??

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L'ennui est le mal suprême, le péché originel, l'avant-goût du néant déja sur les lèvres et dans les tripes.

???

quoi?


bon, essaie d'ouvrir avec VLC.

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Deuxième vision, nouveaux horizons...

Les liens entre les deux parties m'apparaissent plus clairement, c'est très subtil et du même coup tout à fait diabolique... Le plan de forêt qui conclut la 1è partie, et qui pourrait surgir d'un film d'horreur, et son dézoom final qu'on ne pouvait en qq sorte plus attendre (qui semble dire : documentaristes oublieux, le plan large existe, et même davantage), cette métamorphose, de Bambi en Nuit du chasseur jusqu'aux survivals forestiers, ou aux zones pavillonnaires Halloweeniennes...

La splendeur plastique de la 2è partie, son extrême douceur, est sans cesse sous le poids de cette menace de métamorphose (importance la pleine lune, d'ailleurs... film lycanthrope?). C'est une façade, un lieu où les gyrophares de police deviennent guirlande de fête -- variante : lumières de cinéma -- mais restent quand même des gyrophares de flics. Ne sont plus des gyrophares de flics que quand le cadre décide qu'ils ne sont que lumières (comme on dit chez Ruiz : quand un gros plan coupe une tête, alors la tête est coupée)...

L'homme craint cette nature qu'il ne maîtrise pas, qui n'est pas Bambi, qui n'est pas non plus Swamp Thing... Qui est autre chose, qui existe malgré lui. Alors il met des masques d'animaux, ou bien il les bouffe ; alors il accroche une fausse lune, pour y voir clair en plein jour ; alors il pose des maisons de poupées à l'orée des bois...

Terrifiant rêve bucolique.

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Les images de Zad m'avaient interpellées. Et j'ai donc regardé.

J'ai trouvé que c'était un très beau film, à tous les niveaux. Formellement, c'est en effet plein de maestria dans le cadrage et le montage (que ce soit image ou son). Le début sent le chiqué (dans l'optique documentaire) mais est là pour apporter le propos du film, sur le rapport de l'homme à la nature.

La seconde partie est assez fascinante mais m'apparait trop longue. Cinq minutes de moins n'auraient fait absolument aucun mal mais cette partie n'en reste pas moins terrifiante. C'est un portrait de ces banlieues privées américaines, créées de toute pièce par des entreprises et qui tentent de créer "une communauté" à partir de rien. l'éclairage est assuré par les gyrophares de la police, les enfants se construisent des maisons en carton devant celles en plastoc de leur parent, les burgers dégoulinent et on les mange déguisés en lapin et en cheval... Tout cela est très bien vu.

Bon, c'est muet et c'est pas franchement "user friendly", donc faut ouvrir ses chakras.

absolument, noony, grand film politique, en vérité, puisque chaque image porte en elle ces deux sens, de ravissement et d'écoeurement (il y a un film-palindrome de Ruiz qui, vu dans un sens, montre un geste de tendresse entre un mari et sa femme, et dans l'autre, un couteau planté dans le ventre du mari... pourtant le couteau est dans un sens comme dans l'autre, mais il n'y a qu'un sens où on le voit...).

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Oui ça peut rentrer dans mon corpus. Je veux bien le voir.
Mais je suis revanchard, après tes insultes envers la graine et le mulet j'ai le sentiment que je vais dire que ça ressemble à un documentaire de National Geographic.

Non blague mise à part, c'est avec plaisir que je découvrirai. Merci.

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je veux bien aussi...

Ayé j'ai vu.

Et cet habile alliage de Gummo, des animaux du bois de Quat'sous et de Desperate Housewives remixé Mardi Gras vaut le coup d'oeil.

A noter que Pierre Huygue a son nom grave sur la chrono des grands mouvements artistiques et des meilleurs artistes mondiaux depuis 1900 qui ouvre chacun des etages de la Tate Modern. A la difference de Sophie Calle par exemple.

Donc en fait il n y a aucune chance qu il ne sorte un jour de films en salle.

Moi je le trouve pas mal ce résumé. Tu lui reproches quoi?



On peut affirmer son point de vue cynico-satirique sans tomber dans du Strip-Tease, non?
Je trouve ça d'ailleurs un peu faible dans ce film, le côté "humaniste" qui est justement un peu cliché, un peu neuneu, comme s'il fallait trouver du beau partout.
Dès les premiers plans dans la ville, ça suinte le glauque, la misère, le conformisme désespéré. Et puisque formellement c'est juste bien (je vois pas en quoi ce montage son ou ces cadres sont si éblouissants), l'alchimie ne marche pas. Chez moi, en tout cas. Dans la durée, le glauque ne devient pas beau, mais lassant...
Après, je préfère que le film se contente de sa simplicité et de sa structure pas si subtile que ça mais très efficace, plutôt que de nous dire à nous qui le savons déjà : "regardez ces pauvres humains comme ils sont ridicules mais un peu touchants".



Booo, le mec laisse quand même les plans des types qui causent devant un auditoire absent (j'aime beaucoup ces plans, d'ailleurs). Ensuite, je pense pas que "respect" soit le mot. Il regarde tous ces gens comme un entomologiste, ce qui ne me dérange pas, mais y a pas de respect réel, ni d'irrespect d'ailleurs. C'est de la curiosité, de l'amusement peut-être, mais du respect?

bonne nouvelle : http://www.ubu.com/film/huyghe.html

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