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MessagePosté: 06 Jan 2013, 03:43 
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Camille en VO.

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1847. Marguerite Gautier, une courtisane renommée de Paris à la santé fragile, s'éprend d'un jeune homme tombé fou amoureux d'elle.


Par la crudité rêche qui gronde sous le glamour, on a presque l'illusion d'une production pré-Hays (alors que concrètement, aucun des interdits n'est brisé). Le luxe que ce film déploie, cette parure propre et étincelante, ce n'est pas seulement l'esthétique du code : c'est surtout son sujet - comme chez Lubitsch, celui qui à l’ouverture de Haute Pègre entamait un dialogue entre l'ordure et le clean. Mais ce serait ici un Lubitsch gueule de bois, fielleux et dépressif, où le geste du cinéaste ne renverrait plus à l'extase lumineuse d'une représentation noble (le plaisir érotique du mot, le champagne, l'esprit), mais à ce qu'elle encadre : la vulgarité, l'argent, la prostitution, la mort. Jusqu'au rire répété de Garbo, manié comme un leitmotiv morbide, quand il aurait été chez d'autres la célébration lucide d'une vie de feu follet... Tout ramène La Dame aux camélias à sa dimension de conte sévèrement moral.

Le regard cynique (puritain ?) de Cukor a quelque chose de profondément féroce (le passage désespéré au piano, où le désespoir se fête comme on se saoulerait), un couperet condamnant le milieu, sinon les personnages : n'en épargnant qu'un (Gaston), n'oubliant pas de donner toute sa bénédiction au père... Je l'ai peut-être mal compris, mais il y a quelque chose là-dedans qui semble donner raison à la pression sociale qui broie et punit son héroïne, qui ne peut s'accomplir en tant que personnage que par une trajectoire de martyre.

Cette relative brutalité d'un regard par ailleurs très civilisé (élégant, maîtrisé), c'est bien la seule chose qu'on puisse associer à Cukor (que je découvre par ce film). Difficile d'identifier un style hors de quelques saillies, qui ne sont d'ailleurs peut-être pas très caractéristiques. C'est plutôt un épanouissement de l'acteur qui frappe en premier lieu : Garbo qui abandonne pour une fois le masque icônisant pour réellement jouer, le jeune Robert Taylor enthousiaste et beau comme un pinson, la parade énergique des seconds rôles parisiens... Cukor sait avant tout créer cet espace pour l'acteur sans jamais sacrifier à l'efficacité narrative, sans un instant faire voir la performance de jeu. Il reste que l'impression d'un réalisateur présent me manque quelque peu, notamment dans les passages romantiques plus faibles (quand le ton se fait moins sévère, justement), ou encore dans l'absence d'un final où le film se réaliserait pleinement, dévoilerait le sens de son projet.

L'impression générale est celle d'un film efficace, capable de nous impliquer dans les tourments de ses personnages (la scène de la fausse rupture est intenable), mais peut-être trop volontairement impersonnel pour bien vieillir ; on verra bien.


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MessagePosté: 19 Mar 2013, 21:01 
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Inscription: 07 Oct 2005, 10:23
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Dans ce que j'ai vu de lui, Cukor ne m'a jamais passionné et effectivement ça m'a toujours paru assez quelconque comme cinéma, en tout cas au niveau de la mise en scène j'ai rarement eu le sentiment de quelque chose qui se démarquait. Même dans le ton aussi j'ai du mal à y trouver une véritable marque, à part un regard au mieux un peu glacial sur des débauches de frou-frou et de luxe. Indiscretions, Hantise... souvenirs de quelques films bien ennuyeux.

Je n'ai jamais lu La dame aux camélias, mais les références que se font les deux amants à ceux de Manon Lescaut m'a rendu curieux de voir le résultat sur la plan littéraire. Pour le reste La transposition ici parait un peu fâde. Ce film vaut quasi-exclusivement pour la prestation de Garbo, effectivement extraordinaire et très naturelle, et son jeu de séduction désabusé avec Taylor dans la première partie est passionnant à suivre. Toute la mise en place dans le théâtre est ce qu'il y a de plus réussis et amusant car on pourrait vraiment se croire au bordel, les courtisanes qui attendent dans les loges, les échanges dans les couloirs... Vingt belles minutes. La maladie et l'enveloppe de cynisme de l'héroïne répondent également presque du tac au tac à ce milieu de luxure High Society il y a comme une légèreté vénimeuse, et toutes les hésitations de l'héroïne sont ce qu'il y a de plus réussis...

En fait Cukor a l'air plus à l'aise quand il n'a pas à jouer franchement de la gravité au premier degrés. Une fois qu'on cède à la passion, le film s'éteint vraiment, on tombe dans le déroulé mélodramatique particulièrement convenu. Il manque beaucoup de choses pour offrir à Marguerite une déchéance "programmée" autre qu'ennuyeuse, mais ça dure une bonne heure de film hélas. Tout ça ne se démarque jamais vraiment de ces adaptations littéraires tournées à la pelle, malgré des appels d'air à tous les niveaux pourtant à de potentielles belles scènes (par exemple ce passage avec les abeilles et l'arrivée du père, l'affrontement au jeu entre les deux rivaux mâles...). On empile en plus les épilogues, le temps est vite long...


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MessagePosté: 19 Mar 2013, 21:30 
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Rhaaa, je te trouve sévère, quand même. Effectivement, le début fielleux est plus réussi (c'est plus intéressant, ce personnage masculin tout innocent plongé dans cette sorte de bordel officiel qu'est la haute société parisienne), mais même si elle est plus molle, je trouve des choses touchantes dans la partie mélodramatique (les confrontations de Garbo avec le baron, les derniers passages), à défaut de déborder de personnalité - disons en tout cas que l'absence d'originalité là-dedans ne me dérange pas, tant que c'est "concerné".

Tu as raison sur l'absence criante de style chez Cukor, et comme tu le dis, d'absence de "ton". Mais en même temps je trouve pas ça académique. C'est la plupart du temps mis en scène, ça raconte. Ce paradoxe m'intrigue pas mal, pour le coup.


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MessagePosté: 19 Mar 2013, 22:06 
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Inscription: 07 Oct 2005, 10:23
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C'est là que c'est difficile à définir l'académisme finalement... sans doute que c'est quelque chose d'assez ostentatoire en plus de paresseux? A côté de ça j'adore certaines mise en scène qui se font totalement oublier. Là j'ai juste trouvé une grande banalité sans que ça ne soit choquant ou pénible non plus, juste ennuyeux. Dans les scènes dialoguées de la seconde partie, les confrontations sont raides, l'espace et les décors paraissent figés (mention spéciale pour ce plan du château du Baron), même les dernières scènes mondaines sont bien plates comparées aux premières.

Peut-être est-ce un moyen pour Cukor de ne laisser aucun espoir dés la virée campagnarde, de montrer une totale absence de rêve et de possible, je ne sais pas, mais juste devenir très conventionnel me parait étrange comme choix de mise en scène. En même temps on voit qu'il vise à appuyer quelques chose de vain et presque mort, jusque dans les toilettes de Marguerite qui deviennent très insistantes et caricaturales, jusqu'à la scène finale...


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MessagePosté: 20 Mar 2013, 07:25 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
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Mr Chow a écrit:
Peut-être est-ce un moyen pour Cukor de ne laisser aucun espoir dés la virée campagnarde, de montrer une totale absence de rêve et de possible, je ne sais pas, mais juste devenir très conventionnel me parait étrange comme choix de mise en scène.

Non non, je vais pas demander jusque là quand même :D
Après ça m'étonnerait pas que Cukor soit plus à son aise dans les salons parisiens que dans la campagne dont il a l'air de se foutre un peu...

Mr Chow a écrit:
C'est là que c'est difficile à définir l'académisme finalement... sans doute que c'est quelque chose d'assez ostentatoire en plus de paresseux? A côté de ça j'adore certaines mise en scène qui se font totalement oublier.

Je peux pas te contredire complètement, pour avoir eu un Hawks sur-invisible et autrement plus marquant y a quelques jours... Je te dis "académique", c'est au feeling : même si c'est un peu neutre émotionnellement, même si j'irais revoir aucune scène (enfin si, quand même, celle au piano), je trouvais ça beaucoup plus solide qu'un Wyler, par exemple, où là j'ai l'impression que le mec fait juste du coloriage. Je rejette un œil aux confrontations, là (celle où elle fait semblant de le quitter après la visite du père, qui m'avait effectivement pas marqué des masses), sans qu'il y ait d'éclairs de génie y a toujours une narration minimum :


Trop près l'un de l'autre, lui placé en dessous
("Je supporte pas d'être près de lui à le voir soumis comme ça") :

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Va se mettre en représentation pour jouer une image détestable, sans regarder vers lui
("Je m'isole, je reprend de la force, et je lui balance une saloperie") :

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Lui regarde, statique, en plongée
("Prends ça dans la gueule") :

Image

Se relève, passe de plongée à contre-plongée, vient dans l'ombre
(Il arrête d'en prendre plein la tronche, se met en colère et fait face) :

Image
(d'ailleurs juste après il devient "violent")

Rien de fou, ça empêche sans doute pas d'ennuyer, mais j'ai quand même l'impression que le mec derrière la caméra garde au moins en tête ce qui est entrain de se passer, comprend ce qu'on est entrain de raconter. C'est "conscient", d'où l'absence de sentiment d'académisme pour moi (que je définirais plutôt comme une forme aléatoire, appliquée à vide). Après tu sens clairement que c'est d'abord une direction d'acteurs précise, et qu'ensuite les choix de cadre sont venus s'adapter pour accueillir ça, et c'est peut-être autre chose que porter un sens sur toute la scène (faire quelque chose de cette scène qui dépasserait ce que les péripéties te disent déjà toutes seules), et qui te tiendrais éveillé. Je vais pas défendre le film outre-mesure, je l'ai pas adoré non plus.


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MessagePosté: 20 Mar 2013, 09:18 
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Inscription: 07 Oct 2005, 10:23
Messages: 8088
Oui je crois que cet aspect narratif ne me parle pas des masses, mais c'est limpide dans tes caps. On va dire que le conventionnel et l'académique sont différents alors! Cette scène a quand même un truc en plus par rapport à d'autres de la seconde partie, il y a déjà une mise en scène toute disposée par le personnage de Marguerite (robe, éclairage, Garbo qui redevient Garbo)


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MessagePosté: 27 Juil 2014, 10:37 
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Et donc, l'un des films qu'adorait Hitler.

Goebbels a écrit:
« Tout s'estompe en présence du grand art de cette femme divine. Nous sommes éblouis et conquis de la plus profonde des manières. Nous ne cherchons pas à sécher nos larmes. Robert Taylor est le partenaire idéal de Garbo. Le Führer est resplendissant. Il pense qu'un mauvais choix pour une star masculine peut anéantir le travail de sa partenaire. Mais dans ce film, tout se noue à la perfection. »

http://www.lemonde.fr/le-magazine/artic ... 16923.html

Ça change tout.


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