Sergeant Rutledge en VO.
Durant la guerre de Secession, un jeune lieutenant de la cavalerie defend un sergeant noir injustement accuse de meurtre et de viol. On parlait l'autre jour du niveau de finesse du cinema de John Ford, eh bien ce
Sergeant Rutledge est candidat au titre de film le plus bourrin de sa filmographie.
La presence du theme du racisme et, plus indirect, de la segregation qui en decoule est tout a l'honneur de Ford, mais c'est fait avec des tres gros sabots qui de minutes en minutes n'ont fait que m'enfoncer un peu plus dans mon fauteuil...
Deja, tout l'humour bonhomme et bateau qu'on peut deceler dans les westerns de Ford est ici porte a son paroxysme. On dirait que l'homme s'est lache tant les blagues potaches mais moyennement convaincantes s'enchainent. Cela aurait pu passer si le ton du film n'etait par ailleurs pas grave voire tragique (on parle de meurtre et de viol quand meme) et supporte par une mise en scene presque expressionniste par moments. Disons que le melange des deux tons n'est pas grave en soi mais il me semble ici mal equilibre. C'est au point que parfois on ne sait pas si on est cense s'esclaffer, etre mortifie par le drame, ou tout simplement etre consterne par la lourdeur des effets et du scenario.
Ensuite, le cote precheur de Ford, qui m'a toujours un peu rebute, est ici tres important. Le symbolisme est super grossier de ce point de vue la, jusque dans les dialogues: "La verite du seigneur, monsieur? - La verite du seigneur, mon jeune ami." Ca retranscrit bien sur une realite de l'Amerique de cette epoque ou les gens avaient la main sur la Bible en permanence, reste qu'on peut denoter dans ce film-la une certaine complaisance un peu agacante (certains diront "tosgra").
De plus, et ca mine le film, les acteurs sont quand meme assez mauvais, je trouve. Jeffrey Hunt, le lieutenant qui defend l'accuse, est pas mal; mais le reste de la troupe compose pour la plupart des personnages aux reactions outrees et carricaturales devant des situations qui elles aussi, sont carricaturales. Ils ont l'air deboussole eux aussi par la double exigeance comedie/drame que le film imprime tout du long.
Enfin, le visuel du film est pas vraiment du niveau auquel m'avait habitue Ford. Les couleurs sont criardes, plutot moches. Les mouvements de camera, d'habitude plutot rares et utilises a bon escient chez Ford, sont ici tres presents et pas toujours avec la plus grande grace. Il ya notamment un nombre incalculable de mouvements avant vers un gros plan de visage, effet de style qui notamment dans La prisonniere du desert faisait merveille, mais justement parce qu'il etait utilise rarement (une fois? deux fois?) et au moment propice.
Bon la je casse car je suis decu et enerve qu'un mec comme Ford puisse a la fois faire des chefs d'oeuvre absolus comme Les raisins de la colere, Young Mr. Lincoln ou L'Homme qui tua Liberty Valance, pour n'en citer que trois, et des films mediocres voire parfois ridicule comme ce Sergeant Rutledge.
Mais le film a des qualites, comme l'audace de sa structure qui raconte le personnage du sergeant noir a travers differents points de vue et avec des ellipses de temps parfaitement gerees; ou encore le coup de theatre final qui surprend.
Je n'avais pas entendu parler de ce film et j'ai envie de dire, meme si c'est facile, que je comprends maintenant pourquoi.
2/6