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La belle personne (Christophe Honoré, 2008)
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Auteur:  Think Bud Spencer [ 02 Sep 2008, 11:02 ]
Sujet du message:  La belle personne (Christophe Honoré, 2008)

Allez tba, régale-toi.

diffusé le 12 septembre sur Arte / sortie en salles le 17 septembre

Junie (Léa Seudoux) débarque dans un nouveau lycée en cours d'année. Elle est vite intégrée à la bande dont fait partie son cousin. Très courtisée, elle accepte de devenir la meuf d'un garçon sage (Grégoire Leprince-Ringuet). Mais le prof d'Italien (Louis Garrel) tombe fou amoureux d'elle.

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Je ne crois jamais aux histoires d'amour dans les films d'Honoré. C'est mon problème, vous allez dire, mais il faut quand même que j'essaie de le résoudre… Emma de Caunes avec Louis Garrel (Ma mère), Romain Duris avec Joana Preiss, toutes les conquêtes urbaines de la journée de Louis Garrel (Dans Paris), Louis Garrel avec Ludivine Sagnier puis Clotilde Hesme (Les chansons d'amour), Louis Garrel avec Léa Seydoux (La belle personne), tout ça me semble théorique, abstrait, fabriqué… J'ai moins de souci cependant avec les histoires d'amour homosexuelles: Isabelle Huppert avec Joana Preiss (Ma mère), Grégoire Leprince-Ringuet avec Louis Garrel (Les chansons d'amour).

Voilà ma théorie: le souci (ou le sujet) des films de Christophe Honoré, ce n'est pas l'amour, c'est l'adoption. Disons qu'être aimé, pour Honoré, c'est être adopté.

Le corollaire de cette conception de l'amour, c'est que pour être "aimable", il faut d'abord être orphelin. Ne sont dignes d'amour que ceux qui ont vécu ou vivent un deuil (c'est le cas de Béatrice Dalle dans 17 fois Cécile Cassard ou de Louis Garrel dans Les chansons d'amour) ou un drame (l'inceste pour Louis Garrel dans Ma mère, la dépression pour Romain Duris dans Dans Paris).

Bon, et cette Junie (Léa Seydoux) dans La belle personne, pourquoi est-ce qu'elle fait tourner toutes les têtes ? Franchement, contrairement à ce que prétend le titre, elle n'est pas si belle que ça. Ce n'est qu'une morveuse (au sens propre) plutôt mimi, oui, mais on a beau la filmer comme si c'était Anna Karina, y'a pas de quoi bouleverser la vie du prof ultra-séducteur que joue Louis Garrel… En fait, elle est belle parce qu'elle est orpheline (elle vient de perdre sa mère), elle est belle parce qu'elle pleure en classe, elle est belle parce qu'elle est isolée géographiquement et socialement (elle vient de changer de lycée). Elle est parfaite pour être aimée dans un film de Christophe Honoré, et c'est parfaitement dégueulasse.

Plus vous êtes isolé, plus vous êtes beau et aimable. Moi, je n'aime pas ça. Je n'aime pas qu'on fasse comme si ces lycéens n'étaient pas des lycéens mais des figures éternelles de la jeunesse fougueuse, belle, intelligente. Comme s'ils n'avaient pas de parents et pas de bulletin trimestriel. Comme si ce n'était pas intéressant de savoir s'ils sont bons en classe. Christophe Honoré n'aime pas la sociologie, OK. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de sociologie dans l'art ? Ou parce qu'il n'y a que le Paris chic qui l'intéresse, et que ça la fout mal ? Là, on est dans un lycée du XVIème arrondissement, bon, y'a pas de honte à la base, c'est intéressant, y'a pas qu'Entre les murs dans la vie… mais occulter la réalité sociale, ne jamais entrer chez les parents mais s'arrêter toujours au seuil, filmer un lycée bourgeois en choisissant des murs joliment décrépits, ce n'est pas exclure la sociologie, c'est la traficoter… Voilà, je suis gêné parce que je trouve ça un tout petit peu malhonnête.

Mais Christophe Honoré a beau foutre la sociologie à la porte de son scénario, elle revient par la fenêtre du casting. Evidemment, c'est facile de se moquer, mais le synopsis de La belle personne rapporté à ses choix de casting, c'est un peu: Si l'héritier des Leprince-Ringuet se mettait en ménage avec l'héritière des Seydoux, est-ce que le fils Garrel pourrait s'interposer ?

C'est étrange, quand même, cette fascination pour les héritiers… On a l'impression qu'il n'y a que ça dans la jolie bande de La belle personne: en plus des trois suscités, on y voit une Bonitzer (Agathe, très bonne actrice, fille de Pascal), une Audiard (Jeanne, que je ne connais pas, elle n'est peut-être pas de la famille), une Garrel (Esther, petite fille de Philippe), un Honoré (Julien, frère de Christophe), on croise même une Lang (Valérie, fille de Jack) et évidemment la fille Deneuve (Chiara Mastroianni) pour une scène de "passation de pouvoir" avec la petite Seydoux assez gratuite. Quand c'est poussé à ce point, ça fait sens, non ?

Bon, on pourrait être plus méchant si on s'attardait un peu sur le personnage de la cafetière (pas l'appareil à faire le café, non: la limonadière, la tenancière), si sympathique, si grosse, si pittoresque. Parce qu'il faut bien que le peuple façon Groseille vienne lui aussi adopter le personnage principal pour valider sa bonté foncière.

Voilà pourquoi je n'aime pas tellement l'amour dans les films d'Honoré. Parce que je trouve que l'amour, qui se présente comme une adoption, est finalement une élection sociale. Parce qu'on ne tombe pas amoureux d'une personne (contrairement à ce que dit le titre, bis) mais d'un visage, de préférence en pleurs (voir la scène en classe, quand Louis Garrel est bouleversé par Léa Seydoux), parce qu'on ne tombe pas amoureux d'un caractère mais d'une figure nue et orpheline.

Je trouve qu'il y a chez Christophe Honoré, depuis les premiers films et particulièrement dans La belle personne, une entreprise de séduction que je trouve franchement déplaisante, un appel à l'adoption ("Adoptez-moi comme cinéaste moi qui suis écrivain") dans les castings et dans les effets mimétiques de cinéma (la fameuse touche Nouvelle Vague) que j'ai du mal à supporter.

Sinon, Agathe Bonitzer (l'ado surdouée et agressive du Grand Alibi) et Anaïs Demoustier (je crois me souvenir que Bliss l'aime beaucoup, c'était l'héroïne de L'année suivante) sont deux très bonnes actrices, ça se confirme. Il y a aussi un garçon très bien, mais je ne connais pas son nom, c'est le type à droite sur la photo :

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Il me semble que Louis Garrel est trop jeune pour le rôle, c'est une des petites lâchetés du film.

Auteur:  Jericho Cane [ 02 Sep 2008, 11:08 ]
Sujet du message:  Re: La belle personne (Christophe Honoré, 2008)

J'adore Dans Paris et les Chansons d'Amour.

Je dois être malhonnête.

Auteur:  Think Bud Spencer [ 02 Sep 2008, 11:10 ]
Sujet du message:  Re: La belle personne (Christophe Honoré, 2008)

Jericho Cane a écrit:
J'adore Dans Paris et les Chansons d'Amour.

Je comprends qu'on puisse aimer Les chansons d'amour, mais Dans Paris, pour moi, c'est un mystère. Tu aimes même la première partie, là, quand on comprend rien à keski disent ?

Jericho Cane a écrit:
Je dois être malhonnête.

Tu te sens mal aimé aujourd'hui encore ? Je croyais que j'avais embelli ta journée avec le DVD "interminable" de Dieu seul me voit...
Allez, va teuteuter ta peluche Totoro, ça va passer mon Jerichounet.

Auteur:  Stark [ 02 Sep 2008, 11:16 ]
Sujet du message:  Re: La belle personne (Christophe Honoré, 2008)

Think Bud Spencer a écrit:
Je comprends qu'on puisse aimer Les chansons d'amour, mais Dans Paris, pour moi, c'est un mystère.


Mystère que je vais alimenter alors, parce que je préfère assez nettement le deuxième au premier.

Sinon, Honoré c'est typiquement le réalisateur dont je comprend les raisons qui font qu'on adore aussi bien que celles qui font qu'on rejette violemment, sans doute parce que je suis tiraillé entre les deux.
Ta critique confirme a peu près tous les a priori que j'avais sur cette Belle personne (en bien comme en mal, d'ailleurs).

Auteur:  Billy Budd [ 02 Sep 2008, 11:17 ]
Sujet du message: 

Dans Paris, c'est une histoire de frères avant tout, non ?

Auteur:  Think Bud Spencer [ 02 Sep 2008, 11:19 ]
Sujet du message: 

Billy Budd a écrit:
Dans Paris, c'est une histoire de frères avant tout, non ?

Dans mon souvenir, ça commence par une demi-heure d'une histoire d'amour / rupture entre Romain Duris et Joanna Preiss dans des décors années 70 (j'y vois de nouveau le côté anti-sociologie d'Honoré, et là la conséquence c'est que ça devient des décors de pub, puisque la pub depuis quelques années adore les décors 70, les marrons et les beiges, les gros téléphones blancs et les coussins orange velus). Je me souviens de dialogues incompréhensibles. J'exagère ?

Auteur:  Billy Budd [ 02 Sep 2008, 11:23 ]
Sujet du message: 

Non, mais la suite est plus importante et elle n'a de sens qu'en raison de ce début que j'admets être à la limite du supportable

Auteur:  Stark [ 02 Sep 2008, 11:24 ]
Sujet du message: 

Think Bud Spencer a écrit:
Billy Budd a écrit:
Dans Paris, c'est une histoire de frères avant tout, non ?

Dans mon souvenir, ça commence par une demi-heure d'une histoire d'amour / rupture entre Romain Duris et Joanna Preiss dans des décors années 70 (j'y vois de nouveau le côté anti-sociologie d'Honoré, et là la conséquence c'est que ça devient des décors de pub, puisque la pub depuis quelques années adore les décors 70, les marrons et les beiges, les gros téléphones blancs et les coussins orange velus). Je me souviens de dialogues incompréhensibles. J'exagère ?


Non, non.
La première demi-heure est pas loin du ratage total, pour moi. J'ai trouvé ça assez monstrueux de prétention toc. Le reste est beaucoup, beaucoup plus beau et émouvant.

Auteur:  Jericho Cane [ 02 Sep 2008, 11:25 ]
Sujet du message:  Re: La belle personne (Christophe Honoré, 2008)

Think Bud Spencer a écrit:
Allez, va teuteuter ta peluche Totoro, ça va passer mon Jerichounet.

Rhoo, le prends pas mal. :P

Auteur:  Jericho Cane [ 02 Sep 2008, 11:34 ]
Sujet du message:  Re: La belle personne (Christophe Honoré, 2008)

Think Bud Spencer a écrit:
Tu aimes même la première partie, là, quand on comprend rien à keski disent ?

Je reconnais que c'est pas ce qu'il y a de mieux, mais je comprends pas pourquoi on peut détester à ce point.... Chacun ses mystères !

Auteur:  Think Bud Spencer [ 02 Sep 2008, 11:35 ]
Sujet du message: 

Stark a écrit:
La première demi-heure est pas loin du ratage total, pour moi. J'ai trouvé ça assez monstrueux de prétention toc. Le reste est beaucoup, beaucoup plus beau et émouvant.

Billy Budd a écrit:
Non, mais la suite est plus importante et elle n'a de sens qu'en raison de ce début que j'admets être à la limite du supportable

Ah, alors peut-être que ce début m'a fait haïr le film, et que j'ai eu du mal à raccrocher les wagons. J'ai le DVD, je peux peut-être lui donner une seconde chance...
Je me souviens que je n'avais pas aimé la trajectoire du personnage de Louis Garrel dans la deuxième partie. Ce mec qui recouche avec les filles, je ne supportais pas l'idée (je trouvais que c'était un peu "importé" donc encore une fois à la limite de l'honnêteté). Par contre, j'aimais beaucoup l'idée du rendez-vous fixé entre les deux frères, à l'autre bout de Paris (si je me souviens bien).
De la même manière, je déteste la première partie des Chansons d'amour et j'aime beaucoup la deuxième partie.

Jericho Cane a écrit:
Rhoo, le prends pas mal. :P

Je ne le prenais pas mal, j'étais tout en complicité. :D

Auteur:  Billy Budd [ 02 Sep 2008, 11:49 ]
Sujet du message: 

J'ai pour ma part beaucoup aimé tout l'artifice justement

Auteur:  the black addiction [ 02 Sep 2008, 12:24 ]
Sujet du message: 

Léo a écrit:
Allez tba, régale-toi.

Ah oui, je serai à tes côtés sur ce coup là, c'est clair.

Moi du moment qu'un cinéaste ne me raconte rien de plus que "t'as vu, j'ai vu les films de Godard, Truffaut et Demy" je décroche de suite.

Auteur:  Think Bud Spencer [ 02 Sep 2008, 12:42 ]
Sujet du message: 

the black addiction a écrit:
Moi du moment qu'un cinéaste ne me raconte rien de plus que "t'as vu, j'ai vu les films de Godard, Truffaut et Demy" je décroche de suite.

Ça c'est le côté "karaoké cinéphilique" qu'il y a souvent dans les films d'Honoré, comme disait je ne sais plus qui.
Mais ça vaut le coup de se demander pourquoi c'est comme ça. Pour moi, c'est parce qu'Honoré considère qu'être aimé c'est être adopté et qu'il doit s'inventer une "filiation". C'est pour ça que je développais.

Auteur:  the black addiction [ 02 Sep 2008, 12:45 ]
Sujet du message: 

Think Bud Spencer a écrit:
the black addiction a écrit:
Moi du moment qu'un cinéaste ne me raconte rien de plus que "t'as vu, j'ai vu les films de Godard, Truffaut et Demy" je décroche de suite.

Ça c'est le côté "karaoké cinéphilique" qu'il y a souvent dans les films d'Honoré, comme disait je ne sais plus qui.
Mais ça vaut le coup de se demander pourquoi c'est comme ça. Pour moi, c'est parce qu'Honoré considère qu'être aimé c'est être adopté et qu'il doit s'inventer une "filiation". C'est pour ça que je développais.


Oui oui, c'est pas bête du tout. On sent un besoin de se retrouver aimé un peu de partout. En fait Honoré c'est moi.

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