J'avais beaucoup aimé. Peut-être mon Wang Chao préféré.
Ma critique de l'époque
BLACKOUT
Pour son second film, l'écrivain et cinéaste Wang Chao opère un virage à 180 degrés, à l'encontre du système esthétique du troublant Orphelin d'Anyang. Finis les cadres rigoureux et le réalisme urbain. Place aux grands espaces désertiques de la Chine du Nord, aux panoramiques vertigineux qui piègent les hommes dans une nature colossale. Si Wang Chao opère cette révolution, il n'abandonne pas la forme du conte politique. L'Orphelin d'Anyang montrait la face cachée du capitalisme sauvage des villes, Jour et nuit s'attache à décrire celle des champs. Le lumineux Blind Shaft nous avait déjà permis de découvrir l'enfer des mines chinoises et les conditions inhumaines qui y régnaient. Le cadre de Jour et nuit est dans un premier temps similaire. Guangsheng et sa famille de substitution - le patriarche, la femme infidèle et l'adolescent - se tuent à la tâche avec le seul souci de ramasser suffisamment de charbon pour assurer leur survie. Le prolétariat minier ne connaît pas de répit.
MINE DE PLOMB
Intéressant dans sa première partie, Jour et nuit devient fascinant au fil de l'intrigue. Après le coup de grisou provoquant l'explosion de la mine, Guangsheng doit prendre son destin en main et assurer le rôle de paternel auprès du rejeton de son ancien mentor. A lui seul, il reprend l'exploitation et profite d'une inattendue ascension sociale. Devenu un riche patron, il mène grand train et arbore des signes extérieurs de richesse: voiture, datcha, vêtements de luxe. Fin de l'histoire, d'une success story à la chinoise que nous vante sans cesse le pouvoir de Pékin. Sauf que Wang Chao ne partage pas la vision économique simpliste du PC relooké. L'argent ne fait pas le bonheur ; Guangsheng se montre toujours incapable d'exprimer le moindre sentiment, comme si son coeur avait été gelé par tant d'années de labeur et de sacrifice. Le spectre de son maître lui apparaît la nuit. Son absence de reproches plonge l'infortuné Guangsheng dans les affres de sa conscience. Pourquoi cette réussite? Pourquoi cette vie? Pourquoi une telle douleur? Maîtrisé dans son moindre souffle, Jour et nuit pose des interrogations universelles.
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