en me rendant dans la salle premium de l'archipel (non), dans le cadre enchanteur des grand boulevards (non), j'ai tout de même vécu un moment de grâce quand j'ai dit à la jolie caissière "donnez-moi vos yeux, s'il vous plait" et qu'il y a eu une seconde de flottement, un petit sourire, c'était charmant.
un moment de grâce dans le chaos, c'était sûrement une idée fondamental de sacha en réalisant cette histoire en plein pendant l'occupation. l'histoire d'un artiste-sculpteur (grand bourgeois qui traite le petit personnel comme de la merde, sacha restera toujours sacha) qui entame une liaison avec une femme (jeune et jolie et instantanément conquise, sacha restera toujours sacha). que du très banal, donc, mais il y a un ton différent, ce n'est pas une comédie, il n'y a pas de blague. et c'est dans le milieu de l'art, et il est soucieux de montrer la beauté artistique qui traverses les époques et transcendent les contextes de leur création. dans l'histoire sentimentale, il est moins dans le mot d'esprit et dans le marivaudage, et plus dans la bulle que constitue un couple, le miracle de deux êtres qui s'entendent aussi bien, les petits moments de grace donc - et la scène où il la sculpte est de la romcom de haut niveau. et bien sûr, la langue toujours racée, cette élégance constante de tout le monde, du comportement aux moeurs jusqu'aux vêtements.
alors forcément, il y a la problématique morale. est ce que c'est raisonnable de réaliser un film comme ça dans un contexte aussi tragique ? est-ce que ça ne correspond pas profondément à son attitude pendant l'occupation - pas tant une collaboration idéologique qu'un soin de grand bourgeois à trouver et maintenir son confort quelles que soient les circonstances ? ou est-ce que ce n'est pas authentiquement important que les artistes continuent de créer, de chercher la beauté, de fabriquer du lien humain quand tout s'effondre ? je ressentais une gêne, mais je n'arrivais pas vraiment à me décider.
puis vient la dernière partie
et non seulement ça devient un joli et inattendu mélodrame, mais ça règle la question du positionnement vis-à-vis de la période.
alors ça devient un film remarquable, pas son plus spectaculaire - pas le plus drôle, une histoire au délà du basique, lui-même semble un peu éteint - mais sûrement un de ses plus riches thématiquement et - très paradoxalement - un de ceux qui est le moins 'dans sa bulle' et dialogue le plus avec l'époque. de manière subtile et détournée. et très jolie.