il y a des films où tu te dis "ils n'en font plus des comme ça" et c'est un exemple spectaculaire.
une comédie dramatique pour adulte, 45 millions de budgets (dont probablement 30 pour les 'talents', soyons honnêtes), ça en a rapporté 95, sans espoir d'oscar, sur un scénario original, et ne décernant pas de diplômes de bien et de mal mais plutôt pour dire que la vie c'est compliqué.
c'est l’intérêt fondamental du film, son scénario, qui ne s’appuie pas sur un pitch high concept ou quoi mais une vraie histoire, porteuse.
ça raconte donc l'histoire d'un riche avocat blanc qui se rend au tribunal pour un procès qui va lui faire gagner beaucoup d'argent, et il a un accident de voiture avec un pauvre travailleur noir qui se rend au tribunal pour avoir la garde de ses enfants. le riche avocat peut redémarrer et arriver à temps, mais le travailleur non, il perd la garde mais il a, par mégarde, gardé une pièce essentielle à l'avocat pour que celui ci puisse gagner.
et l'histoire se déroule intelligemment, avec un axe fondamental qui, lui aussi, ne pourrait probablement plus exister aujourd'hui : l'homme noir n'est pas l'incarnation du pur et du juste , et l'homme blanc de l'avidité destructrice. ils ont tous les deux le droit d'être des êtres humains, avec leurs qualités et leurs défauts personnels - parfois des gros connards et parfois des mecs biens. c'est une illustration merveilleuse de la manière dont les hommes avancent chacun dans leur couloir, et parfois les routes se croisent et parfois ça donne un accident et les circonstances font que deux personnes deviennent ennemies sans être fondamentalement mauvaises ni hostiles personnellement. et leur couleur de peau joue, au final surtout à travers leur position sociale : la violence d'affleck est celle d'un dominant, elle est institutionnalisée et destructrice avec les apparats de la civilisation, celle de jackson est la violence d'un dominé, éruptive, violente, destructrice pour les autres *et* pour lui. et cette dimension n'est jamais formulée dans le film, sauf par jackson dans un moment de colère : leur couleur de peau n'est pas un enjeu pour affleck, mais quand il est au fond du trou ça l'est pour jackson. et de manière plus subtile, sa problématique évoque celle du problème des pères noirs absents - et le film retrace comment jackson en arrive là, le mélange de failles personnelles dont il est seul responsable, de structures de la société impitoyables, de pas de chance, de circonstances qui ne sont que des conséquences de problèmes "systémiques...". j'ai trouvé la trajectoire individuelle d'affleck plus attendue et moins intéressante, ça commence par un truc intéressant, de le voir comme un connard, mais comme ça devient progressivement un white boy héroique abattu par la corruption du monde c'est plus basique - même si ça gagne de l'intéret en parallèle de l'histoire de jackson donc. c'est une étude sociale et de personnage vraiment intéressante, et très efficace narrativement : on ne sait jamais qui est bon ou mauvais, on ne sait pas pour qui "rooter", on ne sait pas si dans la scène qui viendra on aimera ou détestera le personnage, sachant qu'ils ne font rien d'absolument odieux, quand ils font de la merde on s'applique toujours à expliquer pourquoi - ce qui n'est pas la même chose qu'excuser.
et c'est donc le seul scénario de son auteur à avoir été porté à l'écran, la magie d'hollywood.
c'est donc une histoire riche qui aurait sûrement été mieux en roman. c'est court et ça trace, ce qui n'est pas désagréable mais on pouvait sûrement plus développer. et surtout, on sent les relectures et les notes de scott rudin producteur (qui était très choqué par le comportement des hommes blancs en situation de pouvoir qui écrasent et maltraitent plus petits qu'eux - et qui voulait absolument donner une bonne leçon de morale américaine au monde pour dire qu'il faut bien traiter ses frères humains) : il y a des trucs too much qui gâchent (le sabotage de la voiture...!), des bouts de note d'intention écrites telles quelles dans la dialogues (on a l'habitude en france mais dans un film américain ca choque - mais tu sens bien le "les gens ne vont pas savoir qui est le gentil et le méchant - oui c'est l'idée - bah disons le clairement sinon ils vont être perdus"), et la fin feel good totalement artificielle et absolument pas crédible.
le film est efficacement mis en scène par roger michell, bizarrerie post-notting hill dans sa filmo quasi intégralement destinée à des femmes retraitées, ben affleck est légèrement moins nul que d'habitude quand il n'a rien à jouer mais les scènes de dialogues et d'exposition de son âme son apocalyptiques, samuel l jackson était quand même un excellent acteur quand il daignait jouer la comédie, tout ça végète au fond de paramount + mais c'est vraiment un excellent thriller intelligent pour une soirée de 98 minutes.