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 Sujet du message: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 08:31 
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Confidence : je suis pas très fan de Shoah, malgré le remarquable travail documentaire (au sens premier du terme) mais qui manque pour moi de force cinématographique. Je n'ai jamais réussi à le voir intégralement d'ailleurs...

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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 08:40 
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Moi Shoah je n'en avais vu que des bouts à la télé et autant je trouve que c'est bien qu'on le repasse régulièrement, autant ce morcellement en plein de petits épisodes pour le prime de France 3 porte un sérieux coup à la puissance du documentaire. Je l'ai vu en deux après-midi un weekend à l'Institut Lumière de Lyon et ça a été une expérience extraordinaire. Le silence absolu qui a régné durant les deux fois 4H30 était sidérant, on était quelques uns à se regarder les yeux hagards quand les lumières se rallumaient, en se comptant comme on se compte entre survivants. Parce que oui, "Shoah" a vraiment la capacité à mettre le spectateur au coeur de l'horreur, avec toute sa complexité et son opacité, et pas juste "aux premières" loges scandaleuses comme tant de fictions l'ont fait. Et tout ça grâce aux témoins convoqués, dont on vit la souffrance mot après mot, regard après regard, admirablement mis en situation dans des lieux très concrètement rattachés au génocide. La puissance cinématographique, elle vient justement de cet entrelacement des mots et des séquences d'exposition des lieux.


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 09:02 
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Les juifs n’ont pas le droit à leur calembour ?


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 09:07 
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Shoah est diffusé en intégralité sur Arte demain soir. Idéal pour un petit samedi soir détente, bière, pizza.

Sinon pareil je n'en ai vu que des bouts mais ça m'avait bien marqué. Envie de le voir en entier mais pas certain d'en avoir la motivation. C'est le genre de film au long cours que je n'envisage quasiment qu'en salle.

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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 09:15 
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Baptiste a écrit:
Moi Shoah je n'en avais vu que des bouts à la télé et autant je trouve que c'est bien qu'on le repasse régulièrement, autant ce morcellement en plein de petits épisodes pour le prime de France 3 porte un sérieux coup à la puissance du documentaire. Je l'ai vu en deux après-midi un weekend à l'Institut Lumière de Lyon et ça a été une expérience extraordinaire. Le silence absolu qui a régné durant les deux fois 4H30 était sidérant, on était quelques uns à se regarder les yeux hagards quand les lumières se rallumaient, en se comptant comme on se compte entre survivants. Parce que oui, "Shoah" a vraiment la capacité à mettre le spectateur au coeur de l'horreur, avec toute sa complexité et son opacité, et pas juste "aux premières" loges scandaleuses comme tant de fictions l'ont fait. Et tout ça grâce aux témoins convoqués, dont on vit la souffrance mot après mot, regard après regard, admirablement mis en situation dans des lieux très concrètement rattachés au génocide. La puissance cinématographique, elle vient justement de cet entrelacement des mots et des séquences d'exposition des lieux.


C'est hyper intéressant hein, mais sur la longueur je trouve ça assommant. Je suis plus bien sensible aux 32 minutes de Nuit et Brouillard qui convoque l'horreur grâce au pouvoir d'évocation du cinéma plutôt que par le didactisme lanzmannien, même si ici il n'est pas sans valeur.

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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 09:41 
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Lohmann a écrit:
Les juifs n’ont pas le droit à leur calembour ?

Serait-ce essouflé ?


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 09:41 
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Lohmann a écrit:
Les juifs n’ont pas le droit à leur calembour ?

Si Spielberg n'a pas le droit de faire un film sur les camps alors Lanzmann n'a pas droit à un calembours.

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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 09:52 
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Tetsuo a écrit:
C'est hyper intéressant hein, mais sur la longueur je trouve ça assommant. Je suis plus bien sensible aux 32 minutes de Nuit et Brouillard qui convoque l'horreur grâce au pouvoir d'évocation du cinéma plutôt que par le didactisme lanzmannien, même si ici il n'est pas sans valeur.


Justement c'est bien parfois que le cinéma et son pouvoir d'évocation aillent se cacher de temps en temps... Je reconnais être un peu l'anti-Resnais (ou l'anti-Zad) concernant les docus, j'aime bien quand c'est sans fioritures, quand ça ne vise qu'à la mise en valeur du sujet, à l'efficacité. "Nuit et brouillard" est un grand film et est historiquement d'une grande importance mais a hélas ouvert la voie à une façon stérile et creuse de représenter le passé. Aujourd'hui, c'est typiquement le genre de sujet qui a besoin d'être représenté de manière épurée (désolé pour la formule malheureuse), la tendance très nette depuis quelques temps déjà à ne représenter la Shoah que sous l'angle d'une horreur très cinématographique est épuisant et tend à rendre incompréhensible le génocide. Ca vaut aussi de manière générale pour la seconde guerre mondiale, le conflit est de moins en moins compréhensible. On a besoin du retour du terne, du chiant, du didactisme.

Récemment j'ai découvert la série de France 3 "Un village français", qui couvre la vie d'un village français de 1940 à 1946 (puis jusqu'aux années 2000 avec des flash-forwards) à la facture très télévisuelle, assez cheap, assez grossière visuellement et dans ses ficelles scénaristiques, et pourtant c'est sûrement ce que j'ai vu de mieux pour comprendre les années d'occupation en France. Le refus sûrement purement économique de la forme (parce que ça coûte cher, et parce qu'il ne faut pas souler ou heurter le téléspectateur de 70 ans devant sa TV) force les showrunners à tirer leur épingle du jeu ailleurs, à savoir dans la reconstitution et la véracité historique. Ce choix de tout filmer à hauteur de personnage permet entre autres de saisir pourquoi la résistance, la collaboration ou le ni l'un ni l'autre, mais aussi pourquoi peu de français se sont rendus compte sur le moment de l'horreur du génocide (la saison centrée sur la déportation devient glaçante de par son caractère "plat", presque monotone) ou "saisir" comment s'est vraiment produite la libération, autrement dit de manière plus complexe que l'enchainement habituel nazi => américain => tonte de femmes. Je n'ai rien appris mais j'ai été satisfait de voir une illustration de tout ça, et je pense que le monde irait mieux si tout le monde avait cette illustration là en tête, plutôt qu'un film de Rose Bosch, de Roberto Benigni ou de Christopher Nolan.
Pour l'anecdote, j'ai lu récemment une interview de De Palma où il dit que c'est ce qu'il a vu de mieux ces dernières années tout confondu, si c'est pas un aveu de l'inanité de la masturbation formelle pour les grands sujets parfois... Bref une série super intelligente qui a pas mal remis en cause mes opinions sur la représentation historique au cinéma.

Bon je dis ça mais je n'ai jamais vu "Shoah" en entier, il faudrait que je m'y mette.


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 10:29 
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Je ne sais pas si on a besoin de chiant et de dictatisme mais plus ça va plus je rejoins la position de Lanzmann dans cette incapacité réelle du cinéma (et de tout art visuel) à représenter ce qu'était la Shoah...


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 10:32 
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Marlo a écrit:
Justement c'est bien parfois que le cinéma et son pouvoir d'évocation aillent se cacher de temps en temps...


Ce à quoi j'aurais envie de te répondre que le cinéma ce n'est QUE du pouvoir d'évocation, mais bref...

Citation:
Je reconnais être un peu l'anti-Resnais (ou l'anti-Zad) concernant les docus, j'aime bien quand c'est sans fioritures, quand ça ne vise qu'à la mise en valeur du sujet, à l'efficacité. "Nuit et brouillard" est un grand film et est historiquement d'une grande importance mais a hélas ouvert la voie à une façon stérile et creuse de représenter le passé.


Nuit et Brouillard ne représente pas le passé, mais l'horreur justement, c'est le coeur même de son sujet. Et je vois pas trop où tu y vois de la fioriture tant le film me semble "sec". Mais bref...

Citation:
Aujourd'hui, c'est typiquement le genre de sujet qui a besoin d'être représenté de manière épurée (désolé pour la formule malheureuse), la tendance très nette depuis quelques temps déjà à ne représenter la Shoah que sous l'angle d'une horreur très cinématographique est épuisant et tend à rendre incompréhensible le génocide. Ca vaut aussi de manière générale pour la seconde guerre mondiale, le conflit est de moins en moins compréhensible. On a besoin du retour du terne, du chiant, du didactisme.


Je ne trouve pas - même si j'ai pas vu intégralement Shoah - qu'on comprenne ce génocide justement, mais seulement son implacable mécanique, ce qui ne m'éclaire pas tellement sur l'Histoire. Il me manque quelque chose. Godard, devant une photo d'archive d'une fillette qui sourit à pleines dents pendant un défilé nazi dira : "c'est par cette image que Lanzmann aurait dû commencer son film." C'est-à-dire le chaînon manquant qui rattacherait tout ça à la réalité, au monde, plutôt que d'en faire une parenthèse cauchemardesque. Je pense qu'il a raison. Et je pense aussi, naïf romantique que je suis, que seul le pouvoir d'évocation du cinéma permet ça.

Citation:
Récemment j'ai découvert la série de France 3 "Un village français", qui couvre la vie d'un village français de 1940 à 1946 (puis jusqu'aux années 2000 avec des flash-forwards) à la facture très télévisuelle, assez cheap, assez grossière visuellement et dans ses ficelles scénaristiques, et pourtant c'est sûrement ce que j'ai vu de mieux pour comprendre les années d'occupation en France. Le refus sûrement purement économique de la forme (parce que ça coûte cher, et parce qu'il ne faut pas souler ou heurter le téléspectateur de 70 ans devant sa TV) force les showrunners à tirer leur épingle du jeu ailleurs, à savoir dans la reconstitution et la véracité historique. Ce choix de tout filmer à hauteur de personnage permet entre autres de saisir pourquoi la résistance, la collaboration ou le ni l'un ni l'autre, mais aussi pourquoi peu de français se sont rendus compte sur le moment de l'horreur du génocide (la saison centrée sur la déportation devient glaçante de par son caractère "plat", presque monotone) ou "saisir" comment s'est vraiment produite la libération, autrement dit de manière plus complexe que l'enchainement habituel nazi => américain => tonte de femmes. Je n'ai rien appris mais j'ai été satisfait de voir une illustration de tout ça, et je pense que le monde irait mieux si tout le monde avait cette illustration là en tête, plutôt qu'un film de Rose Bosch, de Roberto Benigni ou de Christopher Nolan.


Lol. Ta provocation m'a frôlé mais pas touché.

Citation:
Pour l'anecdote, j'ai lu récemment une interview de De Palma où il dit que c'est ce qu'il a vu de mieux ces dernières années tout confondu, si c'est pas un aveu de l'inanité de la masturbation formelle pour les grands sujets parfois... Bref une série super intelligente qui a pas mal remis en cause mes opinions sur la représentation historique au cinéma.


J'ai lu ça aussi, mais plus ça va, moins j'accorde d'importance à De Palma. J'ai pas vu la série. Et tu ne viens pas de me donner envie.

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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 10:37 
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Moi il me donne envie :)
Par contre je trouve pas qu'on puisse séparer cinéma/autres prod visuelles. Même Un Village français, si cheap se veut-il, prend des décisions sur ce qu'il montre et ce qu'il ne montre pas et en soi cela reste donc une oeuvre avec un point de vue. Y a pas de didactisme "pur", éloigné de toute esthétique et sens politique.


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 11:42 
C'était aussi une belle plume, avec un côté "hussard de gauche, "le Lièvre de Patagonie" est très bon, belle langue à la Philip Roth, et pas sans humour, même si on sentait parfois une tendance a la mythomanie ou à la vantardise personnelle (en fait attachante et qui rehausse sa lucidité politique). Son articie sur l'affaire du curé d'Uruffe est remarquable.
C'était quand-même un des derniers représentants d'une génération ayant eu un rapport riche à l'écrit, à la politique et à l'histoire qui s'éteint.
Finalement un passeur au sens daneyien du terme, même si les deux hommes avaient l'air d'avoir une histoire et des tempéraments très différents.


Dernière édition par Gontrand le 06 Juil 2018, 13:02, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 11:58 
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Tetsuo a écrit:
Je ne trouve pas - même si j'ai pas vu intégralement Shoah - qu'on comprenne ce génocide justement, mais seulement son implacable mécanique, ce qui ne m'éclaire pas tellement sur l'Histoire. Il me manque quelque chose. Godard, devant une photo d'archive d'une fillette qui sourit à pleines dents pendant un défilé nazi dira : "c'est par cette image que Lanzmann aurait dû commencer son film." C'est-à-dire le chaînon manquant qui rattacherait tout ça à la réalité, au monde, plutôt que d'en faire une parenthèse cauchemardesque. Je pense qu'il a raison. Et je pense aussi, naïf romantique que je suis, que seul le pouvoir d'évocation du cinéma permet ça.


Je comprends. Perso, je suis revenu de cette vision là (sans non plus la dénigrer bien sûr). Je trouve aujourd'hui que certaines choses ne sont explicables, et même racontables, que dans des livres longs de non-fiction. La série TV aujourd'hui, de par la possibilité qu'elle a de s'étirer et de multiplier les points de vue, pourrait s'en approcher mais vise souvent à autre chose.
Ce que Godard dit, c'est beau, je partage presque son avis, mais je me dis aussi que si Lanzmann avait commencé Shoah par ça, ça aurait surtout eu pour effet de créer cet effet de sidération qu'on recherche nous cinéphiles. Mais, parce que ça n'aurait pas dit pourquoi cette fillette a été amenée par ses parents à ce défilé nazi, ça aurait été surtout un effet gratuit, un peu facile, une digression qui aurait fait tâche dans cette oeuvre somme forte parce qu'elle ne dévie jamais de son sujet.

Baptiste a écrit:
Moi il me donne envie :)
Par contre je trouve pas qu'on puisse séparer cinéma/autres prod visuelles. Même Un Village français, si cheap se veut-il, prend des décisions sur ce qu'il montre et ce qu'il ne montre pas et en soi cela reste donc une oeuvre avec un point de vue. Y a pas de didactisme "pur", éloigné de toute esthétique et sens politique.


Oui tout à fait.


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 12:45 
Chez Resnais et Marker il y a aussi des points aveugles. Resnais avait aussi gommé (je crois de sa propre initiative) l'image d'un gendarme français dans "Nuit et Brouillard".
"Les Statues meurent aussi" sont courageuses politiquement en dénonçant le colonialisme et en montrant qu'il était déjà en crise terminale quand il croyait s'exposer en 1955 tout aussi triomphalement qu'en 1896. Mais ils immobilisent les Africains dans un discours essentialiste, avec l'idée malrasienne que l'histoire est une chose en elle-même transparente, mais qui pourrait être volée (politiquement) puis restituée (cette fois-ci par des myens esthétiques ) à des peuples entiers.
Il y a une forme de conversion de valeurs politiques en valeurs esthétiques, qui n'est que partiellement réflechie.


Lanzmann ne tombait pas dans ce travers, parce qu'il ne faisait pas de l'opacité du réel et de la mémoire de l'histoire les conséquences d'un vol que l'on pourrait ensuite de compenser, en forgeant une sorte d' imaginaire culturellement opératoire à la fois commun et réparateur, qui verse parfois dans l'ethnologie comparée.

Cette opacité était pour lui l'effet de la mauvaise foi (au sens sartrien, c'était quand-même un héritier intellectuel de Sartre, directeur des Temps Modernes) des témoins. Ce qui l'intéresse et est pour lui un problème, c'est que cette mauvase foi soit elle-même dans le réel qu'elle travaille et indissociable du travail de mémoire et des récits personnels et collectifs qu'on en tire.

C'est particulièrement frappant dans "un Vivant qui passe", où il déconstruit un témoignage en apparence neutre pour en faire ressortir la complicité ou du moins une très forte complaisance idéologique envers le nazisme et sa politique d'extermination des Juifs. La neutralité de l'agent de la croix rouge devenait un mensonge et une mise en scène du même ordre que le théâtre cynique du ghetto "humain" de Theresienstadt. Il utilise d'ailleurs une technique socratique (maintenir le dialogue quand les contradictions de l'autre sont là pour l'empêcher, tout en imposant un sens) pour mettre à jour une vérité morale plutôt sartrienne (les vérités morales et politiques ne sont accessibles que si on lutte contre la mauvaise foi et la facticité).


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 Sujet du message: Re: RIP Claude Lanzmann
MessagePosté: 06 Juil 2018, 13:32 
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Marlo a écrit:
Ce que Godard dit, c'est beau, je partage presque son avis, mais je me dis aussi que si Lanzmann avait commencé Shoah par ça, ça aurait surtout eu pour effet de créer cet effet de sidération qu'on recherche nous cinéphiles. Mais, parce que ça n'aurait pas dit pourquoi cette fillette a été amenée par ses parents à ce défilé nazi, ça aurait été surtout un effet gratuit, un peu facile, une digression qui aurait fait tâche dans cette oeuvre somme forte parce qu'elle ne dévie jamais de son sujet.


Non mais pas genre littéralement t'ouvres le film sur la photo puis t'enchaînes avec Shoah. Ce qu'a voulu dire Godard c'est surtout qu'il s'agit là du vrai point de départ de l'histoire, là où Shoah ne montre que les conséquences, je pense qu'il critique la démarche même de Lanzmann parce qu'elle occulte le lien d'une image à l'autre, d'un champ à son contre-champ (éternelle obsession godardienne).

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