Une amie me fait suivre ceci, lu sur le forum de l'AFSI :
Citation:
En marge du tournage de son dernier film, Inglorious Bastards, Quentin Tarantino a demandé que ses rushes soient projetés à la Fémis. Demande simple à laquelle la Fémis a répondu par la négative, arguant qu’une telle projection bousculerait l’organisation de son planning. Quoi de plus paradoxal, pour une école de cinéma, que de refuser l’accès à ses locaux, la diffusion auprès de ses élèves, des éléments par lesquels un cinéaste tel que Quentin Tarantino élabore sa création ? Quoi de plus évident aussi, au regard de l’évolution des pratiques administratives au sein de ce cénacle conformiste, autocentré et régalien ?
C’est parce que nous sommes de plus en plus conscients des dégâts causés par une gestion en complet décalage avec le monde extérieur, et en premier lieu avec le monde du cinéma, que nous, élèves de la Fémis, avons décidé d’arrêter notre scolarité pendant une semaine pour envisager de l’intérieur, par ses acteurs, qu’ils soient élèves ou permanents, une rénovation de sa structure pédagogique.
Nous sommes dans une tour d’ivoire qui refuse de s’ouvrir au dehors. Contre l’argument qui voudrait qu’une école aussi privilégiée soit moralement tenue d’obéir aux structures d’Etat qui l’encadrent, contre l’idée reçue qui veut que parce que nous sommes privilégiés, nous n’avons pas à nous plaindre, nous répondrons que nous désirons avant tout remettre au centre la dynamique créative et donc légitimer d’autant plus les colossales dépenses publiques auxquelles notre école peut donner lieu. Du dedans, elle épuise ses élèves, compartimente ceux-ci en sections centrées sur elles-mêmes, dont les directeurs sont davantage tournés vers la réussite de la mécanique scolaire que vers l’émulation et la mise en valeur des projets proposés par les élèves.
Il ne s’agit évidemment pas pour nous d’articuler travail et qualité. Ce n’est pas à nous de juger de la qualité de notre travail. Ne sommes-nous pourtant pas en droit de demander qu’il soit jugé ? A trop démultiplier les exercices, à trop nous inciter à respecter les codes par lesquels un certain type de cinéma français a jusqu’à présent fonctionné, l’administration de notre école a pris le risque d’étouffer ce qui fait le fondement de notre art. Nous sommes devenus des « petits cons », comme l’a dit Jean-Marie Straub, parce que nous sommes encadrés d’une manière servile, obligés de nous limiter aux exercices qui nous sont imposés.
Cette organisation mécaniste de l’école, fruit de l’émergence d’une administration hiérarchique, qui ne consulte presque jamais ses élèves, induit de facto un décalage entre notre vie scolaire et notre future vie professionnelle. L’école, trop fermée sur ses enseignements, néglige de nous préparer aux difficultés que nous connaîtrons sans doute à sa sortie. Elle se veut le vivier du futur cinéma français, mais nous empêche non pas sciemment, mais indirectement, de penser celui-ci. Toute originalité est sanctionnée. Toute prise de risque est étouffée. L’école fonctionne sur des acquis du passé et refuse de se tourner vers le dehors : les travaux de ses élèves demeurent peu visibles, la faute notamment à une interface Internet quasi inexistante.
Cloisonnée, peu dynamique et fébrile, la Fémis peine de plus en plus, année après année, à faire émerger de nouveaux talents. D’aucuns diront que la faute en incombe avant tout à ses élèves. Mais quel est le sens, dans ce cas, de notre école ? C’est justement pour réfléchir à cela, pour suspendre temporairement la mécanique scolaire, pour en finir avec le jugement qui veut que nous nous considérions comme une élite, que nous avons décidé de former les « Etats Généraux de la Fémis ».
Cette crise de notre école, nous voulons évidemment l’inscrire dans la crise actuelle du cinéma français. La Fémis réfléchit le problème du cinéma lui-même, devenu autocentré, élitiste et sans originalité. Nous voulons, à notre niveau, contribuer à le repenser. Puisque nous rêvons de devenir les acteurs du cinéma de demain, nous commencerons par devenir les acteurs de notre école.
Notre école de fiction est devenue une école fictive.