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Tous les deux ou trois ans, je parviens à décrocher un petit intérim d'un mois ou deux dans un établissement du secondaire, en remplacement d'une prof de morale enceinte, ou en burn-out.
En Belgique, en vertu de l'imprégnation du catholicisme, on avait jusque l'an passé dans les écoles du secondaire: un cours de morale et un cours de religion , à la place du cours de philosophie (comme en France) qui jusqu'ici n'a jamais pu se créer. Ce sont des cours dit "convictionnels", cad qui sont là pour représenter les "convictions philosophiques" de tout un chacun, sic. Ceux qui "croient en dieu" vont au cours de religion catholique, ou protestante, ou musulmane (ou juive, dans quelques établissements), les autres suivent "morale". Déjà, c'est énorme .
L'an passé est arrivé le cours de "philosophie et citoyenneté", aussi appelé "cours de rien" (par les profs, les élèves & les parents). Avec un programme barnumesque qui au total n'est ni plus ni moins que le parfait doublon de celui des cours de religion & morale.
Les professeurs de religion & morale ayant vivement protesté de l'arrivée de ce cours "de rien" qui à leur sens risquait de remplacer leurs cours, pour un contenu "identique", ont assez rapidement obtenu d'être prioritaires pour occuper les postes ouverts pour "philo & citoyenneté", moyennant une petite formation d'une vingtaine d'heures à la "citoyenneté" assurées par les universités.
Ce qui donne désormais la situation suivante. Dans chaque établissement du secondaire, il y a: 1h obligatoire de "philo & citoyenneté" plus 1h optionnelle. Ceux qui choisissent cette heure optionnelle ne suivent plus le cours de morale ou de religion et passent ainsi à 2h par semaine de "philo & citoyenneté". Les autres gardent 1h de morale ou de religion.
Afin que les profs de morale & religion déjà en place ne se retrouvent pas à enseigner, dans le même établissement et aux mêmes élèves, leur cours ET "philo-citoyenneté", et afin d'assurer qu'ils restent bien prioritaires pour assurer ce nouveau cours, on a mis en place un indescriptible système de tourniquet: un prof de religion dans un lycée A y enseigne la religion pour la moitié de son horaire, et pour l'autre moitié donne cours de "philo-c" dans le lycée B, etc etc. C'est énorme, derechef.
Mais le truc que j'ai appris aujourd'hui, ou plutôt qui m'a été confirmé lors d'un entretien pour un intérim dans le secondaire avec une inspectrice du cours de morale (où j'étais censé officier dans 5 établissements différents en courant d'un bus à l'autre d'une heure à l'autre: ce qui m'a été épargné car je n'ai pas de bagnole mais une insuffisance respiratoire), c'est que non seulement les diplômés en philosophie passent après tout le monde pour ce fameux cours, mais encore ce sont eux qui doivent combler les trous pour les cours de morale ou religion (selon leurs "convictions").
Les professeurs de morale (dont 99% ont un diplôme d'histoire, ou de français, ou d'histoire de l'art, etc) et les professeurs de religion catholique (formés à l'évéché ou que sais-je) et islamique (j'ignore leur cursus) restent donc prioritaires et occupent donc les places de "philosophie & citoyenneté".
Voilà pourquoi, si tu es belge et que tu aimerais enseigner la "philosophie" dans un lycée ou un athénée, général, technique ou professionnel, ne fais surtout pas des études de philosophie. Et pour former les citoyens à l'esprit de la laïcité, de préférence, sois catholique ou musulman.
Étonnant, non? Quand-même.
Dernière édition par Jerzy Pericolosospore le 07 Jan 2019, 19:02, édité 3 fois.
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