En vrac, quelques couples (et donc quelques histoires d'amour) merveilleux parmi ceux qui m’émeuvent le plus.
Rick & Ilsa dans Casablanca
Légendaire
Il est l’un des plus beaux personnages du cinéma, dissimulant la noblesse chevaleresque de ses idéaux sous une fausse désinvolture. Elle dégage la force exaltée des grandes héroïnes passionnées. Ils se sont aimés, se sont perdus de vue sans jamais s’oublier, se retrouvent dans le décor sublimement romanesque de Casablanca. Du morceau de piano qui marque leurs retrouvailles au final sur le tarmac, ça fait soixante ans que ces deux-là font rêver.
Bud & Lindsay dans Abyss
Retrouvé
Une foi indéfectible en les rapports humains, à l’intérieur d’un groupe soudé comme entre les deux membres d’un couple séparé que les événements font de nouveau réunir : voilà peut-être le socle d’
Abyss, chef-d’œuvre magnifique de Cameron. Entre le meneur d’hommes et la femme à poigne (deux personnages merveilleux d’humanité), l’amour un temps endormi se réveille, lien plus fort que tout capable de ressusciter la noyée et de transformer derniers mots ("I love you, wife") en déclaration essentielle.
Jackie & Max dans Jackie Brown
Nostalgique
L’hôtesse de l’air quinquagénaire consciente de négocier la dernière ligne droite de son existence, le prêteur sur gages à la virilité tranquille revenu de tout, qui voit surgir sans prévenir celle qui pourrait bien changer la fin de sa vie. Deux rescapés magnifiques, filmés avec une immense tendresse par un cinéaste qui révèle in fine, à travers un baiser chaste et profond, la nature intensément romantique de son récit.
Jackie Brown cache bien son jeu : c’est l’une des plus belles histoires d’amour des années 90.
Betty & Rita dans Mulholland Drive
Féminin
La première est adorable, douce, innocente, arrivant à L.A. avec des étoiles plein les yeux et de l’affection à revendre. La seconde est amnésique, perdue, déphasée, papillon en détresse comme tombé de la Lune. Naomi et Laura, belles comme le soleil, intègrent mon panthéon personnel. La relation naissante, émerveillée, entre ces deux anges fragiles, au cœur d’un Hollywood garni de rêves et d’illusions, atteint des sommets de délicatesse, de grâce et de sensualité, jusqu’à la plus belle scène d’amour de tous les temps.
Francesca & Robert dans Sur la route de Madison
Suspendu
Aucun film, depuis presque douze ans, n’a retrouvé à ce point l’essence du mélo immémorial. Meryl Streep et Clint Eastwood y sont les figures inoubliables d’un amour qui se heurte à l’impératif du destin, la soumission à un choix de vie qui fera de leurs quelques jours de bonheur un souvenir sacré, religieusement entretenu. L’intensité des regards, le trouble des gestes, l’importance accordé au moindre souffle, la moindre vibration, la moindre parole : tout, dans ce film, est de l’ordre du sublime.
Scottie & Madeleine dans Vertigo
Obsessionnel
Fantasmé, idéalisé, inatteignable, source d’une torture sans cesse ravivée pour Scottie, qui se tue à essayer de transformer un être de chair en l’image illusoire d’un fantôme. James Stewart souffre le martyr d’une passion qu’il ne parvient pas à concrétiser. On peut comprendre son obsession : l’objet de sa flamme est Kim Novak, irréelle et charnelle à la fois. Personne n’a mieux réussi qu’Hitchcock à mettre en scène le regard fasciné d’un homme amoureux.
Han & Leia dans L’Empire contre-attaque
Naïf
Ou un certain esprit délicieux des comédies romantiques des années 40 catapulté dans le space opera. Ils passent leur temps à se chamailler, à se lancer des piques et pratiquent constamment l’ironie mais, on l’a compris depuis le début : ces deux-là s’aiment. Jouée d’abord sur un mode ludique et léger, leur relation, sans prévenir, met soudain les larmes aux yeux au moment même de leur séparation et de leurs derniers mots échangés. A l’instar du film, ce couple est comme à l’origine de tout pour moi.
Bess & Jan dans Breaking the waves
Absolu
Simple et illuminée pour les membres de sa paroisse, Bess (époustouflante Emily Watson) est une femme transfigurée par une passion brute, de celles qui déplace les montagnes, pulvérise le rigorisme religieux, mène au don complet de soi. Lars von Trier fait de son chemin de croix un hymne éperdu à l’amour fou, osant, pour la première fois peut-être depuis Dreyer, filmer le miracle final comme écho spirituel à l’incandescence des sentiments.
Si j’aime autant toute ces couples, c’est bien sûr parce que je suis amoureux des personnages : il me semble que pour être touché par une love story, il faut aimer les personnages un peu de la manière dont les personnages s’aiment entre eux.
Et gros poutou également aux acteurs et actrices qui les interprètent, sans lesquels les couples et l’intensité de leurs relations ne seraient bien sûr pas ce qu’ils sont.