Qui-Gon Jinn a écrit:
Pathé Parnasse : embarquez en première classe
« Alors on va s’occuper du réglage », dit, souriant d’aise, cette jeune femme derrière nous, qui tient dans une main son cornet de pop-corn XXL. C’est la première fois qu’elle vient au Pathé Parnasse (Paris XIVe) découvrir ces sièges à quatre boutons, pour incliner la position de la tête et étendre ses jambes, et visionner « Astérix et Obélix ; l’Empire du Milieu », ce mercredi 1er février, jour de sa sortie.
Nous avons découvert ces fauteuils flambant neufs à l’occasion de la réouverture du cinéma pour « Avatar 2 », après de longs travaux. Ils existent aussi au Pathé Beaugrenelle (XVe) et dans certaines salles du Pathé Quai-d’Ivry, à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Ne barguignons pas : les essayer, c’est les adopter. Les jambes se détendent immédiatement, l’ergonomie est telle que la matière épouse le corps comme un matelas à mémoire de forme. « Je suis tellement bien installée que je ne suis pas à l’aise. C’est un truc de privilégiés », rigole Noa, notre progéniture.
Pour nous, venus à trois en famille pour 50,50 euros — il y a une réduction pour les moins de 26 ans — après avoir fait chauffer la carte bleue, pas question d’un moment tiède. C’est presque un automassage, ces sièges inclinables. Il suffira de tester une autre salle pourtant correcte le lendemain pour sentir la différence, écrasante. Hicham, notre voisin, restaurateur qui prend souvent l’avion, fait la comparaison : « Ici, on n’est pas en classe éco ! Je voyage beaucoup et sur les long-courriers, je prends la classe business maintenant. Pareil au ciné : j’ai fait sciemment le choix de payer 18,50 euros et je ne le regrette pas, conclut-il après la séance. Je préfère m’offrir trois bons cinés que dix mauvais. »
Le choix d’Ilhane, aussi, jeune femme venue avec son compagnon, et qui travaille dans l’immobilier : « Personne devant pour vous déranger. Je choisis de payer 4 euros de plus pour avoir cette tranquillité », tranche-t-elle. Public principalement composé de jeunes actifs, qui n’ont pas lésiné non plus sur le pop-corn, les glaces ou les boissons, tous bien chargés en cherchant leur place numérotée et réservée. Se faire plaisir.
À la fin, seule Noa, 19 ans, qui a profité du portefeuille paternel, ose se dire « pas transcendée ». « Le cinéma est cool, mais si j’avais dû payer ma place avec ma bande de potes, j’aurais choisi une salle de base avec une place à 7 euros. Peut-être qu’étendre ses jambes, c’est bien pour les vieux ! », nous nargue-t-elle, ingrate. Ces sièges ultraconfort, c’est une potion magique.
MK2 Gambetta : allez, au lit… à deux !
Le confort est parfois bien caché. Nous pensions bien le connaître, ce cinéma de l’Est parisien qui en compte si peu, déserté par le septième art et pourtant très habité. Nous sommes un habitué du MK2 Gambetta, mais n’avions pas remarqué que la rénovation du hall s’accompagnait d’une refonte totale de la grande salle, avec l’arrivée… de lits au premier rang, depuis octobre 2022. Et sans surcoût, ce n’est pas la politique maison.
La salle a été réduite de 496 à 298 places pour offrir un meilleur confort. Fauteuils « 100 % love seats », qui permettent d’échapper aux accoudoirs si l’on vient à deux, et dans tous les cas offrent une place plus vaste et 13 méridiennes doubles au premier rang. Ce mardi 31 janvier à la séance de 13h35 de « Tar », avec Cate Blanchett en cheffe d’orchestre géniale jouant avec le feu dans sa vie privée, les nombreux retraités présents — à la joie du directeur, qui les voit beaucoup moins depuis le confinement — évitent les lits. « Je m’endormirais à coup sûr », sourit une dame.
La sieste est tentante en s’allongeant de tout son long, excepté les chaussures qui dépassent tout juste. Un coussin rouge à glisser sous sa tête. Il ne manque que le plaid. Détente immédiate, comme si l’on matait une série sur son lit, mais face à un écran géant. Trop prêt de l’écran ? Moins que collé à l’ordi, après tout, et en immersion. Le son Laser fait son effet. À un moment, on tourne la tête, persuadé que quelqu’un tape fort derrière une porte de la salle comme si un incident se produisait. C’était dans le film. Seul bémol : les méridiennes sont faites pour deux et, en cas d’affluence, on imagine difficilement un voisin qui ne serait pas un proche allongé à ses côtés. Il paraît qu’au MK2 Nation (XIIe), qui a les mêmes, les ados adorent : un bon plan drague.
MK2 Gambetta, 6, rue Belgrand (Paris XXe).
Cinéma des cinéastes : un vrai décor de film
Paris (XVIIe). La salle principale du Cinéma des cinéastes accueille les spectateurs dans des fauteuils classiques mais offre un décor remarquable, composé d'arches métalliques, issues des surplus de
Le confort, c’est aussi se sentir chez quelqu’un. Accueilli, dans un cadre très déco. Avec des tapis, des fresques, et même la machine de montage de Claude Lelouch pour « Un homme et une femme », qui trône dans le hall d’entrée avec d’autres antiquités du septième art. Le Cinéma des cinéastes, près de la place Clichy, a été créé par l’ARP, la Société civile des auteurs réalisateurs producteurs, et ça se voit, comme cette belle fresque peinte d’après l’affiche de « l’Atalante », de Jean Vigo, « que Bertrand Tavernier avait voulue absolument à l’ouverture du lieu », confie le directeur actuel.
Dans la grande salle, aux fauteuils classiques mais confortables, les arches en forme de croisillons de fer récupérées de matériaux destinés à la tour Eiffel donnent un cachet, comme l’ajoute le responsable : « Beaucoup de bâtiments parisiens ont hérité à l’époque des pièces en surplus d’Eiffel, et le cinéma était un cabaret ». Dont il reste le bistrot très cosy à côté de la salle, pour grignoter avant ou après — ouvert du mardi au samedi — avec sa spécialité, une planche de gouda fermier aux truffes, et un bar digne des pubs historiques avec ses collections de bouteilles.
Ce jeudi soir, à l’avant-première de « la Grande Magie », de Noémie Lvovsky, Anne, enseignante, une habituée, résume bien le charme de ce cocon : « Ce design moderne change des grands réseaux standardisés avec toujours les mêmes codes couleur qui font que vous ne savez même plus où vous êtes, tant les cinémas sont identiques d’un quartier à l’autre. Ici, c’est une grande salle, mais avec une âme. » Autre atout : tarif maximal à 10 euros, un rapport qualité prix devenu rare.
Cinéma des cinéastes, 7, avenue de Clichy (Paris XVIIe).
Pathé la Villette : un mur d’escalade et des poufs pour les « kids »
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, ne géolocalisez pas ce complexe sur votre téléphone, vous vous perdrez. Ce cinéma, avec son atout spécial « salle kids », est simple à trouver quand on sait : pas en bord d’avenue à l’adresse indiquée, mais dans le bâtiment même de la Cité des sciences, au parc de la Villette, extrémité gauche, dans l’ancien centre commercial dont les boutiques n’ont pas survécu à la pandémie.
Il faut donc arriver un peu laborieusement au deuxième étage, mais une fois dans la salle enfants, la spécificité apparaît : un grand décor Lego, d’immenses poufs, des coussins partout, une armoire à chaussures et un mur d’escalade tellement plus drôle que les marches menant aux derniers rangs, emprunté par Oscar, 3 ans, que sa maman emmène voir des courts-métrages pour les petits à la séance de 13h30 du mercredi. « Veux aller tout là-haut », lance-t-il à quatre pattes. « On était à la Cité des sciences, à côté, et on cherchait une activité pour cet après-midi. C’est la première fois qu’on vient », confie Charlotte, la maman, arrivée avec une amie portant le même prénom et mère, elle, d’une petite Romane. Qui s’étire au maximum sur une sorte de matelas — « Ça s’appelle Fatboy », sourit la mère — très à l’aise.
La pub commence. « C’est ça, en fait, leur film ? », hasarde Oscar, qui ne cesse de changer de place en courant partout. Ici les enfants peuvent élever la voix et gigoter pendant la séance. Quand le film commence, le petit garçon choisit de se tenir debout, adossé à la banquette devant lui, suffisamment haute pour le protéger dans un espace vaste qui ne lui bouche pas la vue s’il tombe sur ses fesses. Ça crie. « C’est qui, maman ? » entend-on à chaque arrivée d’un nouveau personnage. « C’est un renard ? ». Voix stridentes. « Y a quelqu’un dans la botte ? » hurle Oscar à l’écran, comme si un personnage allait lui répondre, faisant rire sa mère. Tarif attractif (5 euros), mais les mamans se récrient : « Ça ne dure que trente minutes, le film lui-même, alors c’est normal ». D’accord, mais les salles de ce type, très ludiques pour les jeunes enfants, restent rares.
Pathé la Villette, 30, avenue Corentin-Cariou (Paris XIXe).
Les 7 Batignolles : la plus propre !
« Il est bien ce cinéma. » Joséphine, jeune femme qui travaille dans l’investissement, a basculé de l’Opéra à la porte de Clichy. Celle qui sort de la projection d’’« Astérix » avec son copain est devenue une habituée. Les 7 Batignolles, immense complexe indépendant un peu planqué, lancé par le réalisateur Djamel Bensalah ( « Neuilly sa mère » ) a poussé juste avant le confinement dans ces quartiers sortis de terre autour du nouveau palais de justice. Un côté campus avec les tables en plein air pour les fumeurs, face à une promenade.
Les responsables de ces sept salles installent la confiance : des livres en accès libre près de l’entrée, sur Humphrey Bogart ou Audrey Hepburn. Un zeste d’humour dans la gestion des poubelles et même des toilettes ( « Devenez un superhéros, tirez la chasse ! »). Et c’est vrai, ce que dit Joséphine : « C’est hyperpropre partout, comme dans un musée. » Le sol brille, les salles semblent astiquées. On l’avait oublié, ce plaisir du côté nickel. Coin enfants, espace coworking, bar, et on peut même emporter son verre de vin dans la salle. La plus grande, en pente pour ne pas être gêné, ne comporte que des sièges inclinables. Pas de boutons ici, mais un peu l’équivalent d’une voiture Espace. Il y a, partout, de la place.
Dans la salle Family, ce vendredi soir, nous nous attendions à être perdus parmi des adolescents, pour la diffusion d’un concert du groupe de K-pop BTS. « Bi-Ti-S », nous corrige un jeune couple d’un œil amusé. Mais la star de la salle, c’est Cassia, 7 ans, venue avec sa mère et le meilleur ami de celle-ci, Cédric, fan des chanteurs sud-coréens et qui travaille dans le marketing pour hôtels de luxe en Asie : « Là-bas, toutes les salles sont comme ici, très confortables, avec des poufs, des lits. On est tellement en retard, en France », lâche-t-il. La gamine multiplie les sauts dans les poufs qu’elle trouve un peu durs. Elle s’allonge au premier rang dans une méridienne. « Tu peux écrire que le cinéma, il est trop confortable ? », nous demande-t-elle, fière de nous apprendre qu’elle possède la poupée BTS.
Sara, jeune femme venue de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a fait du chemin avec sa maman, par la ligne 13 en étant obligée de remonter jusqu’à La Fourche puis revenir par l’autre branche de la ligne. C’est qu’elle est fan du groupe coréen, et les autres salles parisiennes proposant le concert affichaient complet. Elle s’est assise au fond. Cassia, elle, se lève pendant la projection et esquisse des pas de danse en legging sur sa méridienne. Juste avant le début, elle se lance dans une envolée hyperbolique sur cet endroit de toutes les couleurs : « C’est plus gros que la Terre, plus gros que le soleil ! » Si la salle de cinéma fait encore rêver les enfants, il ne faut pas désespérer du septième art. Et soigner les spectateurs, surtout ceux qui représentent l’avenir. Un pouf plutôt qu’un plouf.
Les 7 Batignolles, 25, allée Colette-Heilbronner (Paris XVIIe).
Pathé Beaugrenelle : premier en tout
Nous avons plusieurs fois parlé de cette salle, alors juste un mot : ce cinéma en bord de Seine, près de la tour Eiffel, reste le graal des cinéphiles, malgré son prix, car sa technologie Dolby (image et son, d’une qualité sans égale), lui donne une longueur d’avance, vitale pour les films à haute technologie comme « Avatar ». Le confort des fauteuils fait de sa grande salle la Formule 1 du secteur.
12, rue Linois (Paris XVe).
Louxor : j’adore
C’est un peu la salle de « la Dernière Séance », une ambiance entre Eddy Mitchell et « Emily in Paris » qu’on ne trouve que rarement. Le Louxor, un bâtiment Art déco « néoégyptien » au pied du métro Barbès, est longtemps resté une façade tristement close, un trou noir, rénové et rouvert en 2013 après une très longue fermeture. Un miracle : le confort, ici, c’est de respirer Paris, sur une terrasse d’où l’on admire les pentes, les toits et le métro aérien vers Montmartre, en buvant un verre autour d’une plancha. La grande salle, avec son balcon, évoque aussi un Paris disparu.
170, boulevard Magenta (Paris Xe).
UGC Ciné Cité les Halles : pour la diversité
Le confort, c’est aussi d’avoir le choix, de pouvoir se décider au dernier moment, voire d’avaler deux films à la suite, dans le cinéma le plus fréquenté de France avec ses 26 salles. Certes, ce n’est pas le complexe le plus cocooning de Paris, mais il a annoncé une révolution, en 1995, quand on pensait que ces « hypers » du cinéma seraient très formatés alors qu’ils ont offert une grande qualité de vision et, dans son cas, une diversité inégalée de films du monde entier. Les Halles étaient le ventre de Paris. Le Ciné Cité, construit dans le Forum sur le même emplacement, reste le cœur et le baromètre du métier.
7, place de la Rotonde (Paris Ier).
CGR Paris Lilas : la périphérie a son centre
Un cinéma immense, en lisière, entre Paris et Les Lilas (Seine-Saint-Denis). Dans un endroit pauvre en salles obscures, un vrai cocon amené par un réseau surtout présent en régions, et qui a introduit ici son système Ice avec ses écrans latéraux qui diffusent des lumières autour de l’écran central. Fauteuils très confortables. Ceux qui vivent loin du centre et en proche banlieue Est lui disent merci.
2, place du Maquis-du-Vercors (Paris XXe).
Putain j'ai cru que t'étais parti dans un délire solo avant de voir que tu répondais à Cosmo en postant un article. Pour le reste, TLDR.