Karloff a écrit:
car pour moi l'appréciation de la musique répond à une plus grande subjectivité. Le journaliste musical pour moi est plus un dénicheur qu'un analyste.
Je ne vois pas trop en quoi dans l'absolu. Quelle raison peux-tu donner pour soutenir cette proposition? Si les critiques musicaux ne sont plus des analystes, c'est parce que la plupart ne connaissent pas la musique. Il est plus "facile" de connaitre les techniques de base du cinéma (pour diverses raisons), donc ca génère immédiatement un autre type de discours. Tout les critiques de cinéma (ou presque) savent ce qu'est un traveling, une scène, un scénario, ils connaissent un minimum les types de plans, ce genre de choses... alors que tu demandes à un critique musical ce qu'est l'harmonie ou la tonalité, ou les figures rythmiques, et 99% sont incapables de répondre (alors que c'est la base, l'équivalent de "zoom" ou de "plan" au cinéma).
Adorno le disait déjà dans les années 50, de manière particulièrement agressive. Il disait que ceux qui se prétendaient "spécialistes" (de la musique à la mode à l'époque, c'est à dire le jazz) parce qu'ils connaissaient un tas de noms sans connaitre une seule note de musique, n'avait rien de spécialiste de la musique, c'était au mieux des documentalistes, pas des critiques musicaux. Peut-on imaginer un critique de cinéma qui ne sache pas ce qu'est un travelling, une scène, le montage? Pourtant en musique c'est ce qu'il se passe... la plupart des critiques n'ont aucune notion de technique musicale, ils ne savent pas vraiment ce qu'est la musique et ne savent pas vraiment en parler (ce qui est extrêmement difficile), ils parlent toujours à côté ou superficiellement, ils parlent de modes, d'histoire, de biographies, d'instrumentations, mais avant tout de leur propre ressenti. Ce ne sont en fait pas vraiment des critiques, mais juste des gens qui témoignent de leur ressenti.
Donc je comprends quand tu dis "que ca fait plus appel à la subjectivité", mais c'est à mon sens une fausse image, du à la nature de la musique elle-même et à la dégradation de la critique et du discours sur la musique depuis les années 50 (à peu près). Au début du XXème siècle, parler de musique n'avait rien à voir avec parler de musique aujourd'hui, les gens qui en parlaient savaient ce qu'était un scherzo, comment s'organisait une sonate, savaient ce que c'était le contrepoint... il y avait un savoir technique de base qui n'est plus partagé aujourd'hui (il y a bien des tentatives de le remplacer par les techniques modernes, mais c'est d'une pauvreté affligeante).
Pour moi la musique ne répond pas plus à la subjectivité que n'importe quel art. C'est le foisonnement des musiques et la pauvreté de la critique qui donne cette impression là. Une discussion entre amateur de cinéma ressemble à une discussion entre "spécialistes" du cinéma (même si les spécialistes vont plus loin, et que son oeil est bien plus affiné), alors qu'une discussion entre amateur de musique et spécialiste n'a strictement rien à voir. Il suffit de mettre un amateur au milieu d'une discussion entre spécialistes, il ne comprend pas un traite mot alors qu'on parle du même objet. A partir du moment où le savoir technique est partagé, le caractère subjectif de la critique s'aténue. Ca me parait même plus facile qu'au cinéma car le fossé entre ce qu'on peut appeller pauvreté musicale et ce qu'on peut appeller richesse musicale est tellement clair et immense (avec toutes les nuances entre bien sur). Et on peut plus facilement qu'au cinéma détacher des éléments objectifs qui permettent ensuite de se faire un avis. Prends dix "critiques" au sens moderne, aucun ne sera d'accord sur quoi que se soit. Prends dix "spécialistes", des gens qui connaissent la technique, ils seront d'accord sur plein de choses, ou au moins sur une base qui permettra après à chacun de se faire un avis subjectif par la suite.
Après tu as le droit de râler contre les avis négatifs... je te demandais juste pourquoi on pouvait emettre un avis négatif sur un film et pas sur une oeuvre de musique.
Beaucoup de blabla pour rien désolé.