La Balade sauvage (1973) 4/6 - C'est bizarre, je trouve le film à la fois très Malick et parfois assez loin de ce qu'il sait pourtant faire le mieux. Bon, c'est pas si bizarre vu qu'il s'agit de son premier mais je dois avouer avoir été décontenancé par cette narration très elliptique au début (la relation naissante est dressée en une séquence "montage") et assez redondante au milieu (on tue quelqu'un, on bouge, on tombe sur quelqu'un, on le tue, on bouge, on tombe sur quelqu'un, on le tue, on bouge, etc.) et même si je comprends la nécessité de cette répétition qui transforme Kit en vulgaire malade aux yeux de Holly qui le considérait jusqu'alors comme son prince venu la délivrer, ce sentiment passe non pas par la mise en scène ou l'écriture mais par une voix off qui, sans être lourdingue, reste quand même très explicite. Bon, je suis un peu difficile avec ce premier essai, parce que sur le reste, c'est déjà assez brillant. Il y a déjà le talent de Malick à cristalliser en une image tout un ressenti. Quelque part, la qualité elliptique du premier acte évite tout enlisement inutile, et les personnages sont remarquablement bien cernés en à peine quelques minutes. Deux personnages assez beaux, surtout lui en fait, totalement hors de ce monde, faux James Dean, vrai psychopathe, mais pas forcément là où on l'attend. J'ai été par exemple très agréablement surpris par le dénouement, là où je m'attendais à une fin classique style "mec encerclé et abattu comme le nase qu'il est". Tout cet épilogue sur son jeu face aux flics, où il apparaît presque sous un nouveau jour, comme si tout avait mené à ça, ou comme s'il ne s'en rendait pas compte, comme un enfant (Kit/Kid).
Les Moissons du ciel (1978) 4/6 - J'accroche davantage à la deuxième moitié qu'à la première. Je trouve que ça met longtemps à démarrer et dans un premier temps, l'histoire ne m'évoque rien, ne me touche pas. Je crois que c'est principalement les personnages qui me laissent complètement froid, zéro identification. Quand la situation commence à s'envenimer, j'accroche pas plus aux personnages mais au moins l'action prend le dessus et à partir de l'arrivée des sauterelles, je trouve ça très, très fort. Et puis bon, y a quasiment pas un plan qui ne soit joliment composé et/ou tout simplement à tomber tellement c'est beau.
La Ligne rouge (1998) 5/6 - T'as ce premier plan "mise de pression" sur le croco qui se fond dans la vase avec une musique sourde qui enfle par-dessus, le genre de plan qui te "nanise" de par sa puissance, qui te dit "assieds-toi, tu vas prendre". Puis tu enchaînes avec un avant-goût de l'état élégiaque auquel Witt (Jim Caviezel) - l'Homme - aspire, ou devrait aspirer, avant de poser les bases dès ce dialogue en tête-à-tête entre Witt et Welsh (Sean Penn), d'introduire les personnages sur le navire, et enfin de plonger dans l'enfer de la guerre. Et là, on te lâche plus. On ne te laisse plus d'échappatoires. Il y a des ellipses. Mais c'est comme s'il n'y avait pas d'ellipses. Il n'y a pas d'entracte. On te montre l'assaut de la colline dans son "intégralité" : les soldats qui s'enfoncent dans les hautes herbes, la pénible ascension, le parcours du combattant, l'inanité des ordres hurlés, l'inéluctabilité de la mort, l'inefficacité du nombre, la violence des armes à feu, etc. Et ça dure, et ça dure, et ça dure... J'étais vraiment épaté, j'avais totalement oublié que c'était aussi "exhaustif". L'opposition entre la paix de la communion de l'Homme avec la nature avec la nature violente de l'Homme peut paraître simpliste mais je trouve ça jamais lourdingue. Comme les monologues de chacun. En soi, ils peuvent paraître surchargés, didactiques, et pourtant il n'en est rien. Je les trouve savamment dosés, comme le reste. En donnant une voix au monologue intérieur non pas d'un seul protagoniste mais de plusieurs, elle donne corps aux membres de cette compagnie, faisant d'eux "one big self" comme le dit Witt, parvenant à transcender la notion de protagoniste comme jamais enfin d'en tirer une figure : le Soldat. Ou l'Homme.
Le Nouveau Monde (2005) 5/6 - Sublime. Magnifique. A l'image de cette première partie...je crois que j'ai jamais été autant à fond dans le film que durant ses 20 premières minutes, de l'ouverture avec la voix off, en passant par le générique pour évidemment culminer avec cette séquence muette où la musique monte, monte, s'amplifie, augmente en intensité jusqu'à son paroxysme alors que les indiens découvrent les bateaux qui arrivent... Pffooo...j'étais soufflé...ça vous pèse alors que c'est léger...le coeur qui enfle, prêt à éclater... Le film n'est jamais aussi fort que lorsqu'il illustre la relation entre Smith et Pocahontas...comme ils s'apprivoisent, comme ils tombent amoureux, comme ils se manquent et finissent par se séparer, se pleurer... Et quant c'est au tour de John Rolfe, c'est encore mieux...ou pire, c'est selon...perso, toute leur histoire ne m'a pas moins touché que celle de Smith...les premières approches, la demande en mariage, quand elle tombe et qu'il la relève, ils rient...j'avais les larmes aux yeux...c'est l'histoire d'un paradis perdu. Marrant qu'il s'appelle Le Nouveau monde alors que on y voit surtout la fin d'un monde (un amour condamné, une civilisation menacée). Incroyablement dense, l'oeuvre évoque colonialisme, religion, amour, deuil... Le film parle également de langage...celui de mots ou le langage corporel, ou encore le langage universel de l'amour et la plus grande force du film c'est de réussir à s'appuyer sur le VRAI langage universel, celui des images : le langage cinématographique. Et c'est en cela que le film est grand.
The Tree of Life (2011) 4/6 - Énorme déception. Film qui, à l'exception de certaines scènes, n'a jamais la maîtrise des deux précédents. Je suis assez intrigué par l'intro, très elliptique, presque abstraite, où chaque plan semble être une image-cristal sortie de L'Année dernière à Marienbad, et je m'avoue envoûté par la séquence de la création du monde, d'un courage et d'une majestuosité sans égal, mais le reste m'a très vite laissé sur le carreau avec ce récit redondant et décousu. L'universalité à laquelle tend le réalisateur évolue maladroitement entre cliché et justesse, trop évident pour m'atteindre. Je remets pas en cause la nécessité des scènes avec Sean Penn mais, à l'instar du de la séquence de la création du monde, j'aurai aimé qu'elles soient plus habilement liées au reste.
To the Wonder (2012) 2/6 - Les premières minutes annoncent la couleur avec les images filmées au portable et le début de cette voix off lourdingue où l'on déclame des aphorismes ridicules sur l'amour, même si on passe aux magnifiques images de Lubezki par la suite, on est pas loin du film d'étudiant. J'ai vraiment eu l'impression que le style de Malick tournait à vide, que souvent la beauté était ici au service de rien, et son cinéma semble se faire de plus en plus redondant. J'ai retrouvé globalement tout ce qui m'avait laissé de marbre dans Tree of Life, notamment la répétition des mêmes scènes ad nauseam (en lieu et place des soucis en famille, les soucis en couple), régulièrement entrecoupées de quelques plans sensoriels sur une surface d'eau ou des herbes hautes (c'est sans aucun doute le plus caricatural, du moins caricaturable, des films de l'auteur). Outre le fait que, perso, ma conception de l'amour ne correspond pas trop à l'image qu'en fait Malick, entre le mutisme et le "je cours comme une gogole" qui caractérise une séquence sur deux dans le film, je trouve que son approche impressionniste plombe complètement le film. J'ai du mal à ressentir quoi que ce soit tant l'auteur met tout au même niveau, temporalité, espace, drame, légèreté.
1. The New World 2. The Thin Red Line 3. The Tree of Life 4. Badlands 5. Days of Heaven 6. To the Wonder
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