Forum de FilmDeCulte

le true crime dégueullasse de netflix de la saison.

sentiments très ambivalents sur celui-ci, en permanence.

d'un côté, c'est génial qu'il y ait un documentaire propre, bien fait, a l'excellente visibilité pour raconter cette histoire et revenir dessus. on rajoute à ça le fait de la présenter à une nouvelle génération, de la faire redécouvrir à ceux ayant vécu l'histoire mais n'ayant pas forcément tout saisi à l'époque (==> moi), de participer à un profond changement culturel sur la question, c'est super.

d'un autre, on est dans la dégueullasserie netflix dans toute sa splendeur. tout ça est d'un goût absolument désastreux, tu as des petites reconstitutions, effets de style, une putasserie générale qui est juste répugnantes.
c'est raconté et réalisé par une journaliste de 35 ans, qui se met outrageusement en scène, multiplie les "moi, à l'époque..." (elle avait 14 ans à l'époque...), ne parle qu'en soundbites pour bande annonce de réseaux sociaux... horrible.
ça te manipule en permanence pour te dire précisément quoi penser et ressentir tout le temps, ton autonomie intellectuelle est de : 0, c'est épouvantable.
ça surjoue le "ils étaient épouvantables à l'époque mais aujourd'hui nous sommes formidables et toi spectacteur tu es formidable puisque tu les trouve épouvantables !!", ce qui est quand même une défaite de la pensée et la traduction de sales tendances de l'époque et des réseaux sociaux. sachant que les gens désignés comme méchants ont le droit à 4 secondes de parole ou une capture de bouts de phrase, tout ça est un peu malhonnête et ne respecte simplement pas la complexité des choses et des êtres.
(il y a aussi le truc où, pour dénoncer les médias voraces, ils montrent l'image de marie trintignant sortant sur une civière et tous les médias qui filment, et nadine trintignant qui essaye de cacher le visage de sa fille en hrulant "bande de chiens !!!"... et ils montrent ça pour "dénoncer" sauf qu'au final ils le montrent aussi quoi).

et il y a un aspect particulier : il y a beaucoup d'archives assez folles, la vidéo de garde à vue de cantat, des caméras de surveillance, de enregistrements de coups de fil... assez fou. et c'était compliqué à évaluer : d'un côté, on est tellement pas habitués à voir ça en france que ça choque. d'un autre, si on n'est pas habitués c'est à cause de lois et d'une certaine conception de "transparence de la justice" avec laquelle je suis en profond et intense désaccord - et certains trucs vont certainement trop loin ici mais dans l'absolu je préfère sûrement un excès d'accès à un excès d'opacité.
(le moment où le juge d'application des peines est confronté et doit rendre des comptes sur sa décision répugnante indéfendable et responsable de la mort d'une femme c'était quand même du porn pour moi)

du coup c'était utile mais épouvantable, intéressant mais horrible, puissant mais affreux, bien fait mais dégueulasse.
et je n'ai jamais réussi à décider quoi penser sur la poursuite des activités de cantat et je ne suis pas plus avancé, ce que j'ai trouvé intéressant.

Rien que a bande annonce est à gerber sur le ton, la mise en scène. l'impression de voir le pire du reportage de maintenant dans la mise en scène.

C'est exactement l'impression que j'en avais, le truc fait un peu trop l'unanimité sur "lérézosocio" pour être potentiellement intéressant, next, ça me laissera du temps pour ANDOR.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Ok, point de vue intéressant, moi c'est justement ça qui m'a dérangé parce que je l'ai pas vécu de cette façon et j'ai trouvé malhonnête à quel point le doc présente le ressenti de l'époque comme léger et inconscient. Comme de dire que Lio était SEULE CONTRE TOUS, que les médias donnaient des excuses à Cantat et plaidaient l'accident. Dans mon souvenir le soutien à Cantat était quand même bien timide et la sympathie allait largement au clan Trintignant. Les fans de Noir Des' qui ont (comme moi) été dégoûtés de Cantat sur le champ sont la norme plutôt que l'exception. Enfin je peux aussi me gourer.

Honnêtement, je suis pas sûr que ça ait évolué tant que ça, les fans qui demeurent aveugles ou indifférents aux crimes de leur idole, ça existe et existera toujours. Par contre, on est plus conscient des systèmes qui permettent ça et le doc est très bien pour l'éclairer.

J'ai quand même découvert plein de choses, les images d'interrogatoire ou résultats d'autopsie que j'avais préféré zapper à l'époque tellement tout ça me rendait malade. Mais également le récit du retour avec son épouse et bien sûr les révélations sur le passif du mec, déjà couvert par son entourage.

Tu ne te goures point. Il y a toute une "industrie" désormais dédiée à dépeindre le passé récent comme une ère barbare vs. aujourd'hui avec la première génération vraiment éclairée qui a su dire "Non". C'est ce dont je parlais l'autre jour en shoutbox sur les archives de "On ne peut pas plaire à tout le monde" comme si c'était une sorte de norme totalement acceptable de l'époque alors que non. Evidemment y a des choses qu'on disait à l'époque qu'on ne pourrait ou ne voudrait plus dire maintenant, les choses évoluent, en bien, en mal, elles changent. Mais cette description monolithique d'un passé avec des Jean Moulin isolés qui ne peuvent l'ouvrir que maintenant car "à l'époque personne ne les écoutait", mouais.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Aïe, Qui-Gon tu ne pouvais pas plus mal tomber car j'étais justement plongé dans cette capsule temporelle pour mesurer le ressenti de l'époque (au moment de sa libération) :
https://forum.plan-sequence.com/the-eye-the-tiger-t7836.html

Aucune idée de tes sources mais si c'est vrai, il ne manque pas de toupet le Cluze à se la ramener en père la morale depuis sur cette affire.

Trop bon, merci.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

souvenir de coline serreau a un q&a qui s'agacait de l'omniprésence de me too dans les analyses, en disant qu'il s'était quand même passé 2-3 trucs dans le militantisme féministe avant ça et que chaque génération aime bien s'imaginer avoir inventé la roue, mais que de ne nier l'histoire à ce point ça ne permettait pas de comprendre.

ensuite le doc a un rapport compliqué à l'altérité intellectuelle. pascal negre est littéralement la seule personne a avoir le droit de parler 2 minutes pour dire autre chose que ce que disent tous les autres. donc même sans avoir un souvenir précis de la perception de l'époque, c'est très perceptible que cette présentation est assez mensongère.

Ca m'a bien fait rire quand j'ai revu Le Péril Jeune récemment. Film de 94 qui parle de 75 et les discussions autour du féminisme n'avaient pas pris une ride.

Ah c'est priceless.
Ce qui m'étonne c'est qu'au moment de la sortie de prison, soit 4 ans après les faits, une partie des membres du forum avait encore dans la tête la version édulcorée du clan Cantat (2 gifles, elle tombe, trauma crânien, c'est vraiment pas de bol, zut).

d'où l'utilité du doc, oui, qui permet d'imposer comme vérité collective la vérité médicale : une pluie de coups ultra violents, qui l'ont détruite, et un mec qui la regarde agoniser pendant 7 heures avant d'appeler quelqu'un.

Ma seule intervention est un jeu de mots. Fier de moi.

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En effet jusqu'à maintenant, je ne réalisais pas qu'il y avait eu un tel déchaînement et la lâcheté qui a suivi.

Vrai amateur de Noir Désir avec Tostaky (leur meilleur, mais aussi celui avec lequel j'ai découvert le groupe donc ça joue) et 666.667 Club (leur plus cool) qui sont quand même exceptionnels niveau rock français, et moins client des précédents et de leur énorme carton boursouflé Des Visages, des Figures (aux bords de l'inconsciente parodie même si toujours d'un autre niveau que tout ce que fera jamais Indochine), j'ai l'impression rétrospectivement que le meurtre par Cantat marque une certaine fin symbolique de l'innocence par rapport à la "gauche culturelle" qui amènera la génération suivante à se droitiser, et notamment à un réel cynisme envers l'explosion du rap commercial qui suivra, dans l'ensemble plus droitard que tout ce que Sardou n'aura jamais produit.

Alors je continuerai comme depuis cette époque à ne pas hurler avec les loups (une discussion justement aujourd'hui sur le fait qu'une connaissance arborant un t-shirt de Shaka Ponk -le machin inidentifiable tellement ça me semble juste être du punk bourgeois sous coke- s'est vu conspuer par les gauchistes de son milieu suite au soutien du groupe à Cantat), en assumant de différencier l'homme de l'artiste mais j'avais tout de même été très gêné par l'itv de Cantat et sa couv' par les Inrocks. Pas pour les Inrocks, que j'ai toujours trouvé inintéressant mais par le peu de dignité que j'imaginais encore chez Cantat, a priori victime collatérale de sa pulsion violente, qui s'est définitivement découvert comme un narcissique minable, qui pointait déjà un peu avec son côté chanteur engagé mais ayant quand même le bénéfice du doute. Là, c'était quand même un gros connard, doublé d'une machine à cash.
Et Tessot-Gay, et peut-être les autres membres de NoirDez, ont quand même eu la grande classe à assumer leur amitié, faisat parler leur passion, dans un premier temps, avant d'assumer la raison en refusant le malaise de continuer comme si pas grand chose n'était.
Le mec est chanteur, il avait purgé sa peine, il pouvait tout à fait continuer sa carrière mais sans assumer les à côtés promotionnels relevant de la promotion et de la célébrité. Sauf que ce gros connard ne semblait pas gêné plus que ça.
Et finalement, après des années et des oppositions de militants, il arrive à ce statut d'artiste qui ne s'exprime que par ses chansons (qu'il ait arrêté la scène me semble excessif mais je peux aussi comprendre qu'il n'ait pas à profiter du shoot d'adrénaline d'adulation vivante d'un public).

Et j'ai écoute son dernier album que j'aime bien (écouté vraiment les autres d'une oreille).
Notamment le tubesque https://www.youtube.com/watch?v=bOKVKzsN3bY

Tenté par le docu (qui m'a rappelé la sortie de son album que j'avais vu que du coin de l'oeil), on m'a parlé du positionnement de la réal et ça m'a découragé.
Même si le sujet reste super intéressant et qu'il y a vraiment matière à quelque chose de grand autour de cette histoire (ça existe peut-être déjà d'ailleurs, sous forme d'essai ou que sais-je, mais sinon, ça devrait arriver un jour, le sujet est fantastique et mérite un traitement à la hauteur).
Le sentiment que l'homme ayant enfin présenté une attitude d'expiation par son retrait derrière ses chansons se voit malgré tout encore plus férocement attaqué maintenant que plus rien ne puisse vraiment encore le défendre avec force, contrairement à l'époque.
On appellera ça le karma. Et Cantat m'émeut finalement encore un peu. Et peut-être plus que jamais.
Mais jamais autant que la malheureuse Marie Trintignant et sa famille.