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MessagePosté: 18 Mai 2017, 21:09 
Alejandra, jeune mère venue de Tijuana vers une ville plus riche, à la fois belle et éteinte, est un peu coincée entre son mari borné et homophobe, sa belle-mère trop gentille pour être honnête, et ses enfants. Son frère gay, médecin urgentiste, Fabiàn, est la seule personnalité désintéressée et attentive dans son entourage. Un équilibre malsain s'est installé, mais qui tient, au prix toutefois de quelques non-dits forts en café. Tout change quand débarque à l'hôpital Veronika, une belle jeune femme mutique et revêche, mordue par un chien enragé au ventre. Celle-ci, à la vie sentimentale visiblement troublée, va devenir l'amie de coeur et la confidente de Fabiàn.


Image

Film qui commence sur le mode de la chronique de moeurs, comme une remise à jour de Sexe, Mensonges et Vidéo, et bascule dans le body horror, où la sexualité représente à la fois l'occasion d'une séduction émancipatrice et une menance d'anéantissement.

Pour ma part je n'ai pas été convaincu (mais je suis peut-être devenu trop blasé et ai perdu mon allant cinéphile d'antant). Le film n'est pas nul, mais derrière la radicalité apparente de la proposition, je ne l'ai pas trouvé très original et trop balisé pour troubler : il n'apportait pas grand-chose pas rapport à ce que l'on a pu déjà voir chez Cronenberg (période Shivers et the Brood, mais aussi Existenz), Lars von Trier période Antéchrist (ressemblance accusée par l'actrice principale, clône de Charlotte Gainsbourg), Reygadas ou Grandrieux. C'est très années "90".

Ce film est finalement anti-science-fiction et anti-fantastique au possible : les genres ne valent que comme la couverture d'une psychologie des profondeurs lacano-freudienne orientées sur des grands thèmes assez classiques que le film illustre de façon très programmatique (ce ne sont même pas des sous-textes) : l'amour comme double , à la fois pulsion de mort et de pulsion de vie, l'inexistence du rapport sexuel de Lacan, que la juissance annule. L'horreur (relative) n'est que la feinte de découvrir en s'étonnant que la pulsion de mort tapie au fond du désir, et qu'une "punition" auto-limite le plaisir. Autrement dit : le reel objet de la frayeur est ici la loi, en tant que principe d'auto-conservation. Le film oppose ainsi deux rapports à la punition, l'un commun et idéologique, qui voit dans la mort la punition de l'homosexualité, et l'autre, personnel et individuel jusqu'au sacrifice, qui n'en est pas l'antithèse mais la généralisation, qui y voit la punition de toute sexualité, que les personnages les plus durs du film -les parents, la mère réelle et le père adoptifs- évitent in-fine... le film est en fait assez familiariste et plus réactionnaire et conservateur que Cronenberg.


L'erreur du film est de montrer
l'alien-erotique
, alors qu'il jouait dans sa première moitié plutôt bien du hors-champs pour introduire une ouverture sur quelque chose d'extérieur à la situation érotique (la ville, la diversité des couples, montrées de façon simple, sans trop d'effets de film-choral, mais partageant la même frustration éprouvée de façon différente). A partir de là la film n'a plus vraiment d'enjeux. Ce qui est une découverte surprenante pour le spectateur est, au point de vue de l'idéologie, un retour du passé. Le recours à l'horreur entérine la fin de la parenthèse anti-humaniste et le retour du sujet freudien, qui sort la désir de sa fiction (ou de la conscience de ce qui le détermine de l'extérieur, le réduisant à un effet) et lui donne une autonomie (qui ne médiatise rien d'autre que lui) par sa plainte amoureuse. L'anti-humanisme est reconfiguré : c'était la jouissance par laquelle le freudisme acceptait d'être une idéologie minoritaire. Le film ne parle que de cela, les personnage ne sont là que pour énoncer la survie de la sexualité comme idéologie. Une idéologie est peut-être dans le film ce qui peut jouir de sa propre déconstruction, au contraire du sujet, et le film conjugue cette jouissance au passé : elle déjà eu lieu, dans la période 1970-2000, n'en reste que le récit et le deuil froid de ceux qu'elle a épuisé.

Je crois que le film aurait été plutôt bon et bien plus déstabilisant en laissant juste les gens causer de leurs problèmes, en se contentant d'être un bon mélo et en ne cherchant pas à épater le bourgeois avec
son alien flasque et priapique.


Dernière édition par Gontrand le 16 Juin 2017, 10:14, édité 11 fois.

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MessagePosté: 18 Mai 2017, 22:05 
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Très envie de le voir. J'aime bien ce real.

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MessagePosté: 18 Mai 2017, 22:30 
A mettre à l'actif du film, un ou deux beaux personnages par lequel il échappe au naufrage et à l'abandon complet dans le gimmick racoleur (il fait alors beaucoup penser à "la Ciénaga" de Lucrecia Martel)


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MessagePosté: 16 Juin 2017, 09:15 
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Jusqu'ici, le cinéma d'Amat Escalante me semblait un peu trop du Haneke-like au Mexique pour me convaincre de sa sincérité. Et puis voilà... La Région sauvage est peut-être le film le plus surprenant, le plus original et le plus captivant de l'année. Une sorte de mix entre Antichrist de Lars von Trier (c'est le même chef op' et la même équipe de sfx) et Japon de Carlos Reygadas, avec un peu de Tropical Malady (si si). L'ouverture est d'une beauté fascinante, le propos métaphorique sur le désir extrêmement fort et on en sort plein d'images dans la tête, à la fois choqué et impressionné.

5/6


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MessagePosté: 16 Juin 2017, 10:21 
A Bruxelles le film a commencé sa carrière au Nova avant de la terminer (de mort lente) 50m plus loin aux très bourgeoises Galeries, écart qui le résume bien, et assez révélateur du fait que le public de ce type de film a peut-être disparu par rapport aux années 1990.


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MessagePosté: 16 Juin 2017, 10:31 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Gontrand a écrit:
A Bruxelles le film a commencé sa carrière au Nova avant de la terminer (de mort lente) 50m plus loin aux très bourgeoises Galeries, écart qui le résume bien, et assez révélateur du fait que le public de ce type de film a peut-être disparu par rapport aux années 1990.

Euh.... non....
Au Nova c'était juste une AP dans le cadre d'Offscreen. Il est sorti en nationale au Galeries, salle qui n'est pas (plus) DU TOUT un cinéma de bourgeois, où il marche d'ailleurs pas trop mal, en tout cas mieux que Les Fantômes d'Ismaël, sorti à la même date et qui s'est déjà fait éjecter faute de résultats. Il y joue encore tous les soirs, si tu veux le découvrir.

Et t'aurais pu mettre la (très belle) affiche, toi qui as ouvert le topic...

Perso j'ai adoré et je suis d'accord avec Karloff. A la fois drame social, comédie de mœurs et conte SF, c'est juste un pur OFNI, d'ailleurs superbement réalisé, qui explore cette région sauvage et indomptable: le désir. C'est clairement l’un des films les plus originaux et fascinants de l’année. C'était mon premier Amat Escalante.

5/6

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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MessagePosté: 16 Juin 2017, 10:54 
Tu parles de l'affiche bleue à la Saul Bass avec la maison-toison. Elle est belle mais pas trop dans le ton du film, tout en le spoilant un peu. Je trouve celle que l'on trouve ici plus belle http://www.aucoeurdelhorreur.com/la-reg ... -note-810/

(je ne me souviens plus du début dont elle parle mais ai peut être raté le premier plan)


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MessagePosté: 26 Juil 2017, 09:51 
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J'aime beaucoup l'affiche française :
Image


Sinon beaucoup aimé le film pour sa proposition ultra originale et fascinante qui fait du désir une espèce d'espace physique fantasmagorique empruntant à l'imaginaire japonais entre Hokusai et le hentai (à la Urotsukidoji). La région sauvage c'est ce lieu mais c'est aussi (pour ça que l'affiche est réussie également) cette zone du corps incontrôlable et irrationnelle. Tout le film irradie autour des parties génitales qui sont comme le centre de pulsions qui vont constituer la matière dramatique du scénario. Puis j'aime beaucoup la petite mythologie installée par Escalante qui reste suffisamment mystérieux et intrigant (d'ailleurs j'ai du mal à comprendre ceux qui lui reprochent de trop en montrer, au contraire pour moi c'est parfait).
La mise en scène est magnifique (les premiers plans dingues), cette scène absolument géniale du
cratère, avec les animaux qui baisent à l'intérieur. Il y a d'ailleurs quelque chose autour de l'animalité avec ce personne de gay refoulé qui refuse de manger de la viande.

Mon seul bémol est cette fin un peu sèche/brutale qui m'a un peu laissé en plan même si à posteriori elle est cohérente avec le film. Mais j'aime beaucoup, j'en garde plein d'images, une ambiance et une étrangeté précieuse. J'aime décidément beaucoup ce réalisateur (excellent souvenir de Heli, un peu moins de Los Bastardos).

5/6

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MessagePosté: 26 Juil 2017, 12:04 
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Antichrist
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j'adore cette affiche oui (qui ressemble à celle de l'empire de la passion d'Oshima). Sinon il ne connait pas du tout le hentai, mais oui, cela m'y a fait penser aussi

Je surkiffe ce film.


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MessagePosté: 29 Juil 2017, 11:19 
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Moi j'y suis retourné parce que j'avais vraiment l'impression d'être passé à côté du film à cause d'une projo presse houleuse à Venise où ça ricanait à plein tube, et même si j'ai encore des réserves sur la fin, on ne peut qu'être ébloui par le brio permanent de la mise en scène, et les scènes avec la créature passent beaucoup mieux là où le pugilat vénitien les tournait automatiquement au ridicule. D'ailleurs, marrant que le film se soit fait trucider dans absolument tous les compte-rendus de Venise alors que maintenant le volte-face est unanime.


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MessagePosté: 29 Juil 2017, 14:20 
Personnellement je souskiffe le film et me retrouve dans les avis critiques de Positif et (un peu plus bienveillants) des Cahiers. Je crois que ce qui m'a sorti du film, c'est, plus sue l'alien, le couple ultra-cliché et caricatural de vieux scientifiques, qui tranche, de manière involontaire, avec l'esprit de sérieux du reste du film... On est plus proche de Dominik Moll ou même Haneke (les relations humaines et le sexe comme protocoles billatéraux à maintenir à tout prix) que de Cronenberg


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MessagePosté: 29 Juil 2017, 16:55 
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Pas lu les critiques de Positif ou des Cahiers, mais Critikat n'a pas plus apprécié. Après je mentirais si je disais que le film m'a autant déplu qu'à toi Gontrand. Je reconnais qu'Escalante a une vraie patte, les images claques, en terme de réalisation le film est clairement une réussite. Idem pour la direction d'acteurs, ils sont tous très bons. Par contre là où je te rejoins c'est sur le traitement, parce qu'au final on n'est pas loin d'une énorme bouillie. Le fait de montrer l'alien est clairement une erreur (dans une scène qui m'en a fortement rappelé une autre, du Festin nu de Cronenberg), tout comme le fait de montrer le vieux couple. Cette erreur est d'ailleurs présente dès l'introduction du film, avec l'image d'une météorite perdue dans le cosmos. Sauf que comme tu l'as bien décrit l'aspect SF n'apporte absolument rien au propos, c'est d'une totale gratuité et dilue ce qui aurait pu être intéressant. Le film aurait pu avoir une note fantastique (une maison perdue dans la forêt qui pousse à assouvir le besoin primal de coït - et non pas d'assouvir un désir, la notion de désir est totalement absente du film) sans justification foireuse, il n'en aurait été que meilleur.

Pour le reste et qui définit le véritable cœur du film, le sujet est en soit intéressant mais Gontrand a bien décrit en quoi il n'est nullement traité de manière novatrice. On en revient à de bons principes psychanalytiques assez largement connus, et il est regrettable qu'Escalante n'ait pas cherché à les pousser un peu plus loin
la seule scène où il le fait est lorsque Alejandra baise avec le chasseur, mais c'est beaucoup trop peu pour être satisfaisant

3/6 miséricordieux en espérant qu'il canalise un peu mieux son propos à l'avenir (parce qu'il a clairement un énorme potentiel)


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MessagePosté: 29 Juil 2017, 22:44 
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Antichrist
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Je vous trouve bien sévère sur cette partie SF. Elle apporte une dimension film-monde, un côté unique (surtout dans le contexte si frileux du cinéma actuel) et propulse le film dans une autre dimension - en plus de représenter un défi de représentation au cinéaste qui a besoin de trouver cette excitation sur un tournage.


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MessagePosté: 29 Juil 2017, 23:08 
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Gontrand a écrit:
Un équilibre malsain s'est installé, mais qui tient, au prix toutefois de quelques non-dits forts en café.

Ce sont des petits vieux bourges cathos avec des pulls noués autour du cou qui écrivent les synos?

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MessagePosté: 29 Juil 2017, 23:42 
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Messages: 8295
Karloff a écrit:
Je vous trouve bien sévère sur cette partie SF. Elle apporte une dimension film-monde, un côté unique (surtout dans le contexte si frileux du cinéma actuel) et propulse le film dans une autre dimension - en plus de représenter un défi de représentation au cinéaste qui a besoin de trouver cette excitation sur un tournage.
Je n'ai rien contre dans l'absolu, mais à mon goût c'est totalement inabouti et plombe donc le film. Les films avec une grosse note de bizarrerie je serais le premier à les défendre s'ils sont cohérents, comme Mate-me por favor par exemple.


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