Alejandra, jeune mère venue de Tijuana vers une ville plus riche, à la fois belle et éteinte, est un peu coincée entre son mari borné et homophobe, sa belle-mère trop gentille pour être honnête, et ses enfants. Son frère gay, médecin urgentiste, Fabiàn, est la seule personnalité désintéressée et attentive dans son entourage. Un équilibre malsain s'est installé, mais qui tient, au prix toutefois de quelques non-dits forts en café. Tout change quand débarque à l'hôpital Veronika, une belle jeune femme mutique et revêche, mordue par un chien enragé au ventre. Celle-ci, à la vie sentimentale visiblement troublée, va devenir l'amie de coeur et la confidente de Fabiàn. Film qui commence sur le mode de la chronique de moeurs, comme une remise à jour de
Sexe, Mensonges et Vidéo, et bascule dans le body horror, où la sexualité représente à la fois l'occasion d'une séduction émancipatrice et une menance d'anéantissement.
Pour ma part je n'ai pas été convaincu (mais je suis peut-être devenu trop blasé et ai perdu mon allant cinéphile d'antant). Le film n'est pas nul, mais derrière la radicalité apparente de la proposition, je ne l'ai pas trouvé très original et trop balisé pour troubler : il n'apportait pas grand-chose pas rapport à ce que l'on a pu déjà voir chez Cronenberg (période Shivers et the Brood, mais aussi Existenz), Lars von Trier période Antéchrist (ressemblance accusée par l'actrice principale, clône de Charlotte Gainsbourg), Reygadas ou Grandrieux. C'est très années "90".
Ce film est finalement anti-science-fiction et anti-fantastique au possible : les genres ne valent que comme la couverture d'une psychologie des profondeurs lacano-freudienne orientées sur des grands thèmes assez classiques que le film illustre de façon très programmatique (ce ne sont même pas des sous-textes) : l'amour comme double , à la fois pulsion de mort et de pulsion de vie, l'inexistence du rapport sexuel de Lacan, que la juissance annule. L'horreur (relative) n'est que la feinte de découvrir en s'étonnant que la pulsion de mort tapie au fond du désir, et qu'une "punition" auto-limite le plaisir. Autrement dit : le reel objet de la frayeur est ici la loi, en tant que principe d'auto-conservation. Le film oppose ainsi deux rapports à la punition, l'un commun et idéologique, qui voit dans la mort la punition de l'homosexualité, et l'autre, personnel et individuel jusqu'au sacrifice, qui n'en est pas l'antithèse mais la généralisation, qui y voit la punition de toute sexualité, que les personnages les plus durs du film -les parents, la mère réelle et le père adoptifs- évitent in-fine... le film est en fait assez familiariste et plus réactionnaire et conservateur que Cronenberg.
L'erreur du film est de montrer
, alors qu'il jouait dans sa première moitié plutôt bien du hors-champs pour introduire une ouverture sur quelque chose d'extérieur à la situation érotique (la ville, la diversité des couples, montrées de façon simple, sans trop d'effets de film-choral, mais partageant la même frustration éprouvée de façon différente). A partir de là la film n'a plus vraiment d'enjeux. Ce qui est une découverte surprenante pour le spectateur est, au point de vue de l'idéologie, un retour du passé. Le recours à l'horreur entérine la fin de la parenthèse anti-humaniste et le retour du sujet freudien, qui sort la désir de sa fiction (ou de la conscience de ce qui le détermine de l'extérieur, le réduisant à un effet) et lui donne une autonomie (qui ne médiatise rien d'autre que lui) par sa plainte amoureuse. L'anti-humanisme est reconfiguré : c'était la jouissance par laquelle le freudisme acceptait d'être une idéologie minoritaire. Le film ne parle que de cela, les personnage ne sont là que pour énoncer la survie de la sexualité comme idéologie. Une idéologie est peut-être dans le film ce qui peut jouir de sa propre déconstruction, au contraire du sujet, et le film conjugue cette jouissance au passé : elle déjà eu lieu, dans la période 1970-2000, n'en reste que le récit et le deuil froid de ceux qu'elle a épuisé.
Je crois que le film aurait été plutôt bon et bien plus déstabilisant en laissant juste les gens causer de leurs problèmes, en se contentant d'être un bon mélo et en ne cherchant pas à épater le bourgeois avec