Zad a écrit:
pareil, yum aussi, j'espère juste que ce sera pas non plus seulement violent et provoc... la complaisance serait le piège...
merde, l'article de Séguret laisse penser que le film tombe dans ce piège :
Quinzaine des réalisateurs. Sur fond de pègre porno, un film hybride du dessinateur danois Anders Morgenthaler à la morale plus que douteuse.
Vicieuse «Princess»
par Olivier SEGURET
QUOTIDIEN : vendredi 19 mai 2006
Princess d'Anders Morgenthaler (Danemark), avec Thure Lindhardt et Stine Fischer Christensen. 1 h 20.
Voilà un joli cas, intéressant et bien tordu, d'ambiguïté arty contemporaine. Princess, film d'animation hybridé à 20 % par de vraies scènes jouées, est un objet plastique fascinant, parfois terriblement audacieux, dont le récit, pour le moins, désarçonne. Avec ses codes graphiques empruntés au manga, sa ligne lisse, son chromatisme mat, ce premier long métrage du jeune dessinateur danois Anders Morgenthaler démontre un soin, une qualité de facture profilés pour séduire, d'autant plus efficaces que le style, les personnages et les ambiances réverbèrent avec ruse les échos poudreux d'une certaine culture teenage, urbaine, téléphage, ludique, tribale, nippophile, etc. Cependant, quelque chose dans Princess trouble rapidement l'adhésion : son obscur discours, son dangereux manque d'intégrité.
Pied-de-biche. Et pourtant, c'est bien de morale que voudrait nous entretenir Princess, dont l'histoire raconte la vengeance d'une fillette et de son oncle, prêtre, contre la pègre du porno et son caïd, Charlie, responsable de la mort de Christina, leur mère et soeur, star du X overdosée après sa surexploitation commerciale. Dans cette part du film, aussi incontestable que n'importe quelle trame de film noir, Morgenthaler donne son meilleur. Ce n'est pas tous les jours, en effet, que l'on voit sur un grand écran cannois une gamine de 5 ans sauter à la braguette de son oncle choqué ou la même, plus tard, défoncer au pied-de-biche les couilles puis le crâne d'un massif truand.
Mais le verso du film, sa part douteuse, s'installe dans le même mouvement : au fil des révélations, scénarisées a minima, les scènes répètent un même principe inquiétant d'assomption dans la vengeance. L'alliance de l'oncle et de la petite nièce contre le monde opaque du commerce porno ne carbure qu'à la violence extrême sans que jamais le réalisateur ne semble s'interroger sur ce glissement, voire cette équivalence. Bien au contraire, trop sûr peut-être de sa séduction immersive, le film joue sur tous les tableaux, y compris ceux qu'il dénonce grossièrement : profusions de godemichés plein écran, gang bang de Christina enceinte, vidéos à la limite du snuff... Du coup, on s'interroge sur la nature exacte des pulsions qui poussent Morgenthaler à s'autoriser tout ce que le manga permet et que le cinéma classique interdit, pour finalement recracher à la gueule du spectateur sa propre culpabilité (d'animal sexué, de citoyen, de cinéaste, de dessinateur danois...).
Apologie. Au début de Princess, le prêtre promet à sa nièce : «Si c'est ça la réalité, alors je le jure, je ferai tout pour t'en protéger.» Une heure plus tard, il se résoudra à voir la fillette sacrifiée par la bombe qu'il a lui-même amorcée. Manière radicalement efficace, en effet, de protéger l'enfant des turpitudes terrestres : l'envoyer au ciel dans la même gerbe explosive que ses bourreaux... On se croyait parti pour un chant moderne, fût-il funèbre, à la complexité érotique, du monde et du cinéma, on se retrouve avec une apologie de la loi du talion, de l'autojustice et du nécessaire sacrifice de l'agneau. Sans doute sommes-nous tous plus ou moins corrompus, dépravés, pervers. Mais le plus vicieux d'entre tous, c'était lui : le film.