Je n'ai jamais été fan de sport. Je n'ai jamais vraiment aimé en faire ni en regarder. Il y a eu une vague période, durant ma puberté, où j'aimais bien le basket et j'en ai même fait un an, mais c'est une anomalie dans mon parcours.
Toutefois, quand tu fais partie d'une minorité pas forcément très représentée, tu es forcément
aware des personnalités qui partagent ta nationalité. Étant né en Iran, pays que mes parents activistes, dont les camarades venaient de se faire attraper et pouvaient dénoncer, ont dû fuir clandestinement à travers les montagnes et les snipers avec moi âgé de trois mois sur leur dos, j'avais beau me foutre royalement du tennis, j'ai rapidement entendu parler de Mansour Bahrami.
Tout d'abord parce que c'était un iranien mais aussi parce qu'il avait un look - cette grosse moustache - et un style. Bahrami est un clown. Il adore amuser la galerie en faisant le con avec les balles ou avec des cascades improbables sur le court. Par amour du spectacle et pour la beauté du jeu, plus que pour la gagne.
Il y a une dizaine d'années, au gré d'une errance nocturne sur Wikipédia, je me suis retrouvé à lire sa page et j'ai découvert l'incroyable histoire de sa vie que j'ai voulu approfondir en lisant son autobiographie,
Le Court des miracles : fils du jardinier d'un club de sport huppé, il pouvait aller partout sauf sur les courts. De cet interdit est né sa passion pour le tennis qu'il a appris en autodidacte, observant les joueurs en tant que ramasseur de balles et reproduisant leurs coups le soir dans une piscine vide avec des bâtons ou des manches à balai. Quand il a enfin obtenu une raquette et osé fouler un court, il s'est fait tabasser par un garde. Quand il a enfin eu le droit de jouer, il a rapidement excellé jusqu'à ce que la Révolution ne lui mette un stop, le sport ayant été qualifié "d'impérialiste". Un dernier tournoi lui a permis d'obtenir un billet pour l'Europe et il est arrivé à Paris où il s'est retrouvé SDF devant Roland-Garros à demander aux gens de jouer pendant quelques mois avant qu'il ne dégotte la veille de la fin de son visa l'opportunité de devenir prof en banlieue. Puis d'autres circonstances et bienfaiteurs lui ont permis finalement d'intégrer les qualifications de Roland-Garros et il a pu alors rejouer professionnellement mais n'avait toujours pas de papier et ne pouvait donc pas quitter l'Europe ce qui a, une fois de plus, freiné sa carrière durant les années où il était à son
prime. Mais son principal handicap, il le reconnaît lui-même, c'est qu'il aime trop le beau jeu et n'a pas l'instinct du tueur nécessaire pour s'ériger dans ce sport. Il a fini par prendre sa retraite et créer le Trophée des Légendes où les stars comme lui viennent s'éclater dans des matches d'exhibition.
Quelque chose dans sa trajectoire et ses valeurs a résonné en moi et je me suis juré dès lors qu'un jour, j'en tirerais un film.
Il y a maintenant trois ans, j'ai repris le livre et j'ai commencé à l'annoter de part en part, à situer ce que je voulais raconter. J'ai commencé à en parler à des producteurs puis j'ai enfin ciblé le concept au travers duquel je voulais raconter cette histoire dans laquelle je me retrouvais fortement.
J'ai développé tout d'abord une note d'adaptation de deux pages qui a réussi à accrocher un temps Gaumont puis surtout Inoxy, la société de production derrière les
Balle perdue, et j'ai donc de développé un synopsis de près de dix pages que la prod a validé, prête à partir dessus.
Il ne restait plus que la question des droits du livre (je m'étais renseigné et ils étaient disponibles).
Enfin prêt, j'ai écrit une longue lettre à Bahrami, dont j'avais trouvé l'adresse, lui expliquant tout ce qui m'animait, dans mon parcours et dans le sien, pour faire le film.
Il m'a rappelé quelques jours après.
Ce coup de fil a été l'ascenseur émotionnel le plus vénère de ma vie.
Il a commencé par me dire à quel point il avait été touché par mes mots...avant de me dire qu'il avait déjà donné les droits.
Je vais vous résumer l'enquête et l'angoisse et les rebondissements qui sont étalés sur la deuxième moitié de l'année 2023 : les droits du livre étaient encore dispo mais il avait donné ses
life rights à une dénommée Dawn McDaniel, que j'ai eu au téléphone, et qui est son amie depuis 20 ans. C'est surtout une ancienne actrice de
soap operas britanniques qui n'a aucun crédit à son actif depuis 2008. Elle a créé une boîte de prod - Unconditional Pictures - et écrit elle-même un script inspiré de la vie de Bahrami qu'elle essaie de monter depuis 2016.
Lorsque la maison d'édition, à qui nous avions envoyé un dossier, a contacté Bahrami pour avoir l'aval de l'auteur, il leur a dit qu'il ne donnerait jamais les droits à qui que ce soit d'autre que sa pote.
Ce couperet est tombé en janvier dernier, suite à un rendez-vous entre la meuf de la maison d'édition et Dawn McDaniel, qui prétendait avoir désormais un réalisateur et une co-prod française et qu'ils étaient pas loin de tourner.
A l'époque, on a subodoré le pipeau et aujourd'hui encore, je discutais avec ma prod de la possibilité, en l'absence de mouvement sur ce projet rival, de partir sur un projet qui ne s'inspirerait pas du livre mais exclusivement des interviews données par Bahrami et des matches de tennis, publics.
Loin étions-nous de nous douter qu'alors même que nous nous bercions de ces illusions,
voici ce qui était annoncé dans la presse professionnelle :
‘A Hero’ Star Amir Jadidi To Play Celebrity Tennis Player Mansour Bahrami In Bio-Pic: France TV Distribution Boards Sales – Cannes Market
EXCLUSIVE: France tv distribution has acquired world sales rights for Romuald Boulanger’s upcoming bio-pic Mansour, capturing the journey of celebrity tennis player Mansour Bahrami’s from post-Revolutionary Iran, to exile and poverty in France, and then fame on the international circuit.
Iranian actor Amir Jadidi, who is best known internationally for his lead performance in Asghar Farhadi’s 2021 Cannes Grand Prix winner and Oscar-nominated drama A Hero, will play Bahrami.
Romuald Boulanger directs and produces under the banner of his Paris and L.A.-based company R-Lines Productions (On the Line, Like Me, Haters) with UK-based Unconditional Pictures.
Unconditional Pictures’s co-founder and co-head Dawn McDaniel wrote the screenplay with Philippe de Lyon taking co-writing credits
Iran-born Bahrami, 68, is a popular figure on the international tennis tournament circuit for his entertaining playing style and extraordinary life story.
Born in Iran in the 1950s, he taught himself to play tennis using a frying pan as a racket and disused swimming pool as his court.
Following the Iranian Revolution in 1979, he fled to France. Stateless, penniless and homeless, he wandered the streets of Paris by night and slept in the locker room of Roland Garros during the day, but never lost hope.
The film will capture how through sheer determination and quick wit, Bahrami navigated the complexities of life as an illegal immigrant, while forming lasting bonds with tennis icons who recognized his talent, to fulfil his childhood dream of playing at Roland Garros.
“Many people have told me over the years that my story is made for the screen but in fact it’s very humbling to think there will be a feature film of my life,” said Bahrami.
“I could not be prouder of the team we have with France tv distribution, R-Lines Productions and Unconditional Pictures and I’m so happy that Romuald Boulanger will be directing the film. Not only is he an exciting director but he is such a lovely guy.
“Amir Jadidi is also an exceptional Actor. He really does transform. The fact he is a semi-pro tennis player is one of those great strokes of luck. Thank you to Dawn McDaniel for writing a beautiful script we all believe in. If my story can inspire people and make them smile, then I will be a very happy man.”
Boulanger described Bahrami as “true hero” whose whose “resilience and passion have inspired countless individuals”
“I am immensely honored to bring his extraordinary journey to the big screen,” he said.
France tv distribution team will launch the project in Cannes.
“We have been moved by this story that illustrates the strength and determination of a man willing to do whatever it takes to fulfill his dearest dream,” said VP International Cinema Sales Alexandre René and and SVP International Sales Julia Schulte. Je crois que ce qui m'attriste le plus dans cette histoire, au-delà du fait de ne pas pouvoir porter à l'écran ce projet qui me tient à cœur et que j'ai nourri pendant plusieurs années, c'est que ça va être nul.
Je ne vois vraiment aucun monde dans lequel un scénario écrit par cette meuf et un film réalisé par ce mec pourront être réussis.
J'avais plus ou moins fait mon deuil depuis janvier mais là c'est un crève-cœur, vraiment.