Après un accident, Cassandra Web, ambulancière de Manhattan, a des visions de tragédies à venir. Forcée de faire face à des révélations sur son passé, elle noue une relation avec trois jeunes femmes destinées à un avenir hors du commun... si toutefois elles parviennent à survivre à un présent mortel.Je me rappelle l'époque où je passais mon temps à revendiquer le mot
"geek" pour le déstigmatiser, à pinailler pour le distinguer de
"nerd", à me battre pour qu'une certaine sous-culture sorte du ghetto, à me réjouir que le début du XXIe siècle voit la concrétisation d'arlésiennes cinématographiques liées à cette culture...des adaptations de comics par des auteurs, des suites qu'on n'attendait plus, des
crossovers improbables...mais maintenant que c'est devenu la culture dominante et que le standard qualité a atteint le caniveau, je me sens tel Oppenheimer à la fin du Nolan.
Il y a dix ans, quand le MCU était encore en plein Phase II, d'aucuns réfutaient la réalité de la
"superhero fatigue" et force est de constater que le box-office leur donnait raison alors même qu'une partie des critiques et des cinéphiles commençaient à se lasser. Aujourd'hui, alors que le DCEU est sur le point d'être complètement rebooté et que la jadis intouchable Marvel faillit, le syndrome paraît indéniable.
Initialement fervent défenseur puis suffisamment iencli pour continuer à aller voir des films de plus en plus médiocres, j'ai fini par lâcher les deux univers, zappant
Ant-Man 3,
Shazam 2,
Blue Beetle et
The Marvels (bon, j'ai quand même été voir
Les Gardiens de la galaxie Vol. 3 et
Aquaman 2 parce que j'apprécie leurs réalisateurs). Et pourtant, alors même que j'estime les deux
Venom comme les pires films du genre et que
Morbius n'est pas loin, une curiosité, certes morbide mais également industrielle, me poussait à voir la nouvelle tentative désespérée de Sony d'élargir leur petit coin d'univers partagé, constitué de personnages secondaires (principalement des méchants) de la licence Spider-Man, étant donné qu'ils laissent Marvel gérer leur titre-phare.
Et je vais pas mentir, la réputation de nanar qui grandissait autour du film depuis sa bande-annonce et la réplique memifiée (
"He was in the Amazon with my mom when she was researching spiders right before she died.") jusqu'à la promo par une Dakota Johnson fidèle à elle-même dans son humour froid et sa franchise qui paraissait jeter le film sous le bus à chaque prise de parole promettait une séance édifiante.
Malheureusement, à ce titre aussi, c'est une déception. Le film est loin d'être l'accident ferroviaire vendu par beaucoup. Attention, c'est vraiment mauvais hein. Mais ça m'a paru bien plus fonctionnel que les films Sony suscités. C'est, comme je le tweetais déjà à la vue du
trailer, plus proche du pilote d'une série WB de l'époque de la Trilogie du Samedi sur M6 que d'un film de super-héros de 2024. On pourrait trouver ça cohérent vu que le film se passe en 2003 mais même à l'époque, les films du genre étaient moins ringards (et je parle pas seulement des réussites comme les premiers
Spider-Man et
X-Men, je parle de trucs comme
Daredevil, nul mais nul normal, pas nul "mysticisme d'un peuple-araignée de l'Amazonie").
Là, vraiment, le coup des visions façon feuilleton épisodique random type
Medium, qui font regretter
Next (l'adaptation de Phillip K. Dick avec Nicolas Cage, pas l'émission de
dating MTV), l'équipe d'adolescentes à la
Charmed (miskina Sydney Sweeney), le méchant sans backstory (Tahar Rahim qui a sûrement accepté ça pour que ses enfants puissent enfin voir un de ses films et qui se retrouve avec la moitié de ses répliques post-synchronisées pour changer le texte de façon grillée), c'est d'une pauvreté...
Il y a un vague soupçon d'idée autour de la dynamique de mère spirituelle pour trois simili-orphelines, qui donne lieu à des vannes
"j'ai l'impression de faire du baby-sitting", liée à la caractérisation de Johnson (dont l'énergie ne colle pas vraiment au film), elle-même en colère contre ce qu'elle voit comme un abandon par sa mère (avec une scène de vision du passé émouvante sur le papier et torchée à l'écran). Mais ça manque globalement d'enjeux...
...alors que c'est quand même en quelque sorte l'histoire de la Nativité avec bébé Peter Parker à la place de Jésus et les trois futures Spider-Women en guise de Rois Mages.
C'est vraiment le plus fascinant. Pour donner du poids à leur personnage de fond de tiroir, Sony fait donc de
Madame Web une préquelle à
Spider-Man (pensé comme celui d'Andrew Garfield avant que des
reshoots ne changent la date et ajoutent quelques références pour que ce soit finalement celui de Tom Holland).
"Sa toile les rassemblera tous" hahaha.
Un pari risqué (y a genre une scène d'action et demie, les Spider-Women n'apparaissent en costume que dans une vision du futur et dans le dernier plan, l'écriture fait des contorsions pour inclure des personnages-clés comme Ben Parker mais ne peut jamais nommer Peter) pour ne pas dire un pari DÉBILE (budget officiel de 80M$ mais officieusement de minimum 100 et l'échec critique et commercial du film a flingué tous leurs plans de franchise) qui va servir d'excuse à ceux qui veulent mettre ça sur le dos des personnages exclusivement féminins et la réalisatrice, qui devait un temps faire
Star Trek 4, va sans doute être renvoyée à la télé (faut dire que sa seule idée de mise en scène est de mettre sa caméra à l'envers ou sur le côté toutes les 30 secondes #araignééééééeeee).
Bref, c'est édifiant. Curieux de voir à quel point J.C. Chandor s'est compromis avec
Kraven, l'autre blockbuster Spider-adjacent de Sony cette année.