En fait, toutes les poules sont folles.
Du moins bon au meilleur :
Mulan Exception faite de l'improbable faute de goût que compose la nouba des esprits des ancêtres de Mulan à la fin du film, le récit jouit d'un classicisme hautement fonctionnel, dénué de défauts grossiers mais l'absence de surprise de l'intrigue n'a d'égal que l'absolue platitude de la mise en scène. Et de tout en fait. On est dans un bel exemple de calibrage là, les personnages secondaires et les sidekicks animaliers sont juste ce qu'il faut d'attachants sans être énervants...mais ne sont jamais brillants. Après Danny de Vito en Philoctète le satyre dans Hercule et Eddie Murphy en Mushu le dragon dans celui-ci, tu sens qu'ils essaient de retrouver la formule magique de Robin Williams en Génie pour leurs personnages de "coach" du héros. En vain. Ajoutez à ça une BO de Jerry Goldsmith perdue entre synthé '80s (sur la meilleure scène du film, le montage où Mulan se prépare, se coupe les cheveux, chourre l'armure de son père...storyboardée par Chris Sanders & Dean DeBlois qui allaient réaliser...Dragons) et auto-plagiat de Total Recall et des chansons si banales (à part "Comme un homme") qu'ils les ont faites rares, et vous obtenez un Disney moyen assez symptomatique de l'époque post-Renaissance (ou de la fin d'icelle).
Pinocchio Il reste des scènes inutilement étirés (la séquence avec toutes les horloges là, pitié, où chaque plan dure littéralement trois fois trop longtemps) et une écriture encore un peu brouillonne dans l'agencement du récit, passant d'une séquence à une autre de façon souvent facile, en se cachant derrière le prétexte de la fable (la Fée Bleue comme deus ex machina chez Stromboli, Pinocchio qui rentre et trouve la lettre lui indiquant où est son père). Mais putain, dans la mise en scène et l'animation, y a des trucs fous. Rien que cet espèce de plan-séquence en travelling avant qui survole la ville puis pénètre dedans, traverse des arcades pour retrouver un personnage dans une rue, c'est génial. Mais je pense évidemment au passage le plus traumatisant du film, celui qui m'a tant marqué enfant qu'il s'agissait de la seule séquence qui me restait encore du film aujourd'hui : la transformation en âne. Il y a une simplicité à l'efficacité redoutable à un moment, quand Pinocchio rit et que soudainement, ses dents sont mises très en évidence. D'un coup, l'horreur. Le faciès si mignon de l'enfant se tord, devient horrible, prend des allures équestres. Bon, on passera sur le moralisme boutiniste du film ("jouer au billard, c'est Mal") pour ne retenir que ces quelques séquences - oui parce que le film fait un peu succession de vignettes - comme celle de Monstro la baleine, une fois de plus royalement animée (les vagues putain). Je regrette aussi que le film n'exploite pas pleinement le matériau. Il y avait moyen de faire un Gepetto, ce père qui se crée un fils, bien plus émouvant.
La petite sirène Musker & Clements sont de retour et ça sent DÈS LES PREMIÈRES SECONDES. Tu es face à un vrai blockbuster, avec du clair obscur, du souffle dans les images, du mystère. La folie du duo traverse le film de son dynamisme et de son fourmillement d'idées. Je devrais faire des captures d'écran de chaque plan que je trouve sublime : les feux d'artifice vus de sous la mer, les yeux des murènes qui se transforment en boule de cristal, la subtilisation de la voix d'Ariel... Et on est aussi face à un vrai musical de Broadway, pour la première fois assumé dans la structure du récit, construit en chansons qui ne sont plus illustratives ou gratuites mais servent, que dis-je, RACONTENT l'histoire, et par le style des chansons même, autrement plus lyriques. Même un morceau fun à influence jamaïcaine comme "Under the Sea" devient un gigantesque numéro et la chanson dite "de l'objectif du personnage", qui arrive presque toujours en premier, se fait épique ("Part of Your World"). Et malgré ce schéma, l'écriture ne tombe jamais dans la succession de vignettes. En collant au conte d'assez près (leur premier depuis La Belle au bois dormant et leur meilleur film depuis), l'histoire possède un rythme parfait. J'ai retrouvé les Musker & Clements et surtout les Ashman & Menken (compositeurs/paroliers) d'Aladdin.
WALL.E Je trouve que le film est meilleur lorsqu'il suit les deux robots principaux...dans ces moments-là, c'est juste LE FILM LE PLUS MIGNON DU MONDE. Devant les facéties de Wall-E ou les manières d'Eve, je n'avais de cesse de faire ma tête de vieux con attendri...lui est super touchant dans son amour, ses maladresses, sa dévotion, etc...elle, elle est carrément charmante, j'en tomberai presque amoureux moi aussi. C'est dire le génie de l'animation...à partir de formes épurées, tout juste anthropomorphiques, les mecs te font passer de l'émotion, de l'intelligence, bref de l'humanité quoi... Et du coup, j'en trouve moins chez les personnages humains du film...j'aime bien tout le délire futur/obèses/méga-corporations/etc...mais qu'ils se soient sentis obligés de rajouter une "intrigue", je trouve ça dommage... Je préfère le film quand il est muet...quand c'est "qui arrête les oiseaux en plein vol, à deux au ras du sol? un robot avec un robot", une simple histoire d'amour super touchante qui passe uniquement par la puissance esthétique, de l'image au son (le film est à tomber), etc. Et je le trouve super riche derrière son apparence toute simple...thématiquement, outre tout le délire de la sous-intrigue (écolo, anti-corporation, etc), il y a tout un propos sur la communication, le langage, l'importance de la connaissance, etc... Ça passe à la fois par la "collection" de Wall-E, son film-fétiche, mais aussi les informations que mate le capitaine, tout ça...
Coco Si c'est Unkrich qui a été séduit par la contraste entre squelettes et couleurs chatoyantes propre à l'imagerie du Jour des Morts, nul doute que la présence d'un partenaire d'origine mexicaine y est pour beaucoup dans la création de cette véritable célébration de tout un pan de la culture du pays. Une fois de plus après Vaiana, et sans doute de façon plus pertinente et authentique dans ses thèmes, on est face au meilleur exemple possible d'exploration par Disney d'une autre mythologie que l'on est amené à découvrir via un univers extraordinairement dense et cohérent, inspiré des croyances existantes mais extrapolé en un monde des plus imaginatifs, bourré de détails et d'informations en tous genres. À l'instar du protagoniste, on est transporté. De son ouverture renvoyant à l'art de raconter une histoire en tableaux 2D jusque dans le monde des morts avec ses pétales dorés, le film est un ravissement de tous les instants. Quand bien même l'écriture serait calibrée, elle se fait surtout experte en la matière et en plus d'avoir un rythme assuré, elle développe un propos particulièrement touchant sur la mémoire et l'héritage et jamais niais malgré sa morale. Au contraire, c'est même un des plus matures et émouvants.
Les Indestructibles Le film qui rivalise avec les meilleures adaptations de comics. Incroyable compréhension du genre. C'est dense, avec des influences et références magnifiquement digérées, de Watchmen à James Bond aux Quatre Fantastiques, en passant par la scène des costumes, et une inventivité rare au niveau de l'action et de l'exploitation des pouvoirs... Y a que les deux gamins que je trouve un chouille relou et la quasi-absence d'émotion alors que les Pixar en ont toujours à revendre, mais sinon c'est une véritable bombe ce film. L'intrigue a du sens, les pouvoirs de chaque perso ont du sens par rapport à ce qu'ils vivent, le méchant a du sens! Et formellement, Bird est juste à un niveau au-dessus de tous les autres réals Pixar. Le montage de la scène où il est assailli de grosses bulles noires là...mortel. Tout simplement un des meilleurs films de super-héros ever.
Aladdin À mes yeux, l'un des deux chefs-d’œuvre de Disney. Je le connais par cœur et l'adore de bout en bout. J'aime absolument tous les personnages. Je les trouve parfait, jusque dans les sidekicks comique que chaque personnage a, notamment pour leur variété. Le seul qui parle, c'est Iago, sorte de Joe Pesci animé, et c'est justifié, c'est un perroquet, mais les autres trouvent vie différemment. Chacun est un personnage à part entière (à part Rajah le tigre et même lui il a deux plans géniaux). Qu'il s'agisse d'Abu, drôle dans quasi chaque plan, ou bien, oui oui, du tapis, merveille d'animation qui parvient à incarner cette carpette par un anthropomorphisme pantomimesque à la simplicité incroyablement communicative. Jafar est un superbe méchant, sans doute le meilleur depuis Maléfique, dont il est en réalité un double masculin, tout en sobriété longiligne menaçante, en contraste totale avec le Danny de Vito aviaire qui lui sert d'acolyte. C'est autre chose que Gaston, putain. Mais tous se font voler la vedette par l'un des meilleurs personnages ever et peut-être le meilleur personnage de film d'animation : le Génie. Robin Williams devrait être crédité au scénario tant sa personnalité et ses improvisations nourrissent le personnage et par conséquent l'esprit même du film. En fait, il est l'incarnation de l'approche de Musker & Clements, encore eux, sur Aladdin : une corne d'abondance d'idées, débordant de chaque plan avec toujours cette même énergie folle et cet humour (y a des scènes où c'est un gag à la minute : Iago qui descend la canne de Jafar en mode "jouet-pic vert" là et juste après il est assommé et voit des petits Sultan sur des tapis lui tourner autour de la tête en lieu et place d'oiseaux, dans une inversion du gag de base)... Ici, le gag anachronique est érigé au rang d'art. La relation entre Aladdin et le Génie, c'est Arthur et Merlin en réussi. Les leçons en moins, l'inventivité en plus. C'est comme s'ils avaient pris le duel de Merlin l'enchanteur, où les deux enchaînent les transformations, ainsi que le gag avec la casquette et les tongs à la fin, et l'avaient appliqué à tout le film. Sauf qu'ici, c'est cohérent avec ce personnage plus grand que nature et donc plus fort que le temps (il est le seul à faire des gags anachroniques d'ailleurs). Ça le rend forcément unique, remarquable et omnipotent par sa simili-ubiquité temporelle. Avec le nombre d'imitations et de références, ça en devient carrément méta, comme un conte de fée classique piraté par le post-modernisme. La cohérence thématique globale, axée autour de l'emprisonnement (dont souffre chacun des personnages : Aladdin, Jasmine, le Génie, Jafar...) témoigne d'ailleurs d'une écriture vraiment soignée. Le script de Musker & Clements a été réécrit par Ted Elliott & Terry Rossio, le tandem derrière bien des blockbusters d'aventures bien calibrés (Le Masque de Zorro et Pirates des Caraïbes par exemple). Ainsi, Aladdin garde une parenté avec les contes Disney mais peut se targuer d'un parfum exotique rafraîchissant, sublimé par l'ampleur à laquelle le binôme de réalisateurs nous a désormais habitué (l'intro, la Caverne aux Merveilles, Jafar qui prend le pouvoir, etc.). On retrouve également la variété des chansons de La Petite Sirène, Ashman & Menken s'étant davantage impliqué ici : de l'orientalisant "Nuits d'Arabie" au lyrique "Ce rêve bleu" (signé Tim Rice, qui allait cartonner avec Le Roi Lion) en passant par le swinguant "Je suis ton meilleur ami" et l'improbable "Prince Ali". C'est d'ailleurs le seul Disney dont j'aime TOUTES les chansons. Bref, bijou.
Vice-versa Dans mon Top 2 des meilleurs films des années 2010. Qui a oublié les dix premières minutes de Là-haut? L'iconisation? La dévastation? L'innocence et l'amour et la vie capturés en quelques vignettes? Dès ses premières secondes, Vice versa nous replonge dans cette même perfection. Moins dramatique mais non moins fort, le film renoue avec la pureté que Pete Docter avait exploré dans son précédent mais également dans Monstres et Cie. Il y a clairement chez Docter un intérêt particulier pour l'enfance et donc la pureté des émotions qui y sont liées et qui semblent être les valeurs de vertu pour le cinéaste. Et cette fois, il s'y confronte de manière frontale. Déjà dans Monstres et Cie. il était question de l'opposition entre ces deux émotions primales ressenties par les enfants que sont la peur et la joie et c'est à nouveau avec un concept qui parle à l'imaginaire collectif - sans doute, avec Monstres et Cie., le plus représentatif de cette formule chère au studio - que Docter va explorer cet âge formateur avec un "Inception pour enfants" qui, s'il transforme effectivement le récit en rollercoaster, autre marque de fabrique pixarienne, transcende cette mécanique narrative. Déjà parce qu'il réussit à mieux l'intégrer dans la structure générale, contrairement à Wall-E et Là-haut qui étaient vraiment segmentés en deux parties distinctes, la première toujours plus ambitieuse que la seconde, mais surtout parce qu'il l'incarne par le biais de la nature métaphorique de l'univers. Rien n'est théorique, tout devient littéral, chaque lieu représentant une notion différente rendue concrète de la psyché de Riley, la jeune fille qui sert de "décor" au film. Ce terrain de jeux n'est que l'un des exemples de la brillante et ludique exploitation du pitch, toujours logique et cohérente, comme en témoignent les actes de chacun des personnages de cette galerie où tous sont parfaits, là aussi une marque des meilleurs Pixar. On pourrait énumérer chacune des idées dont le film est truffé, chacun de ces moments où l'on rit comme pour dire "putain mais oui, bien vu!", chacun des détails (les Unes de journaux, le générique de fin) qui font le génie de Pixar. Vice versa est non seulement drôle mais surtout émouvant, réduisant aux larmes face à la simple beauté des instants de vie capturés, face à l'audace de certaines scènes ou face à un propos qui fait sens. Meilleur Pixar.
VOTES POUR ALADDIN ET VICE VERSA
On verra pour les deux autres.
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