un biopic à peine déguisé d'assa traoré.ça sert à quoi de faire un film militant ?
a) sensibiliser les gens extérieurs à la cause, en dépolitisant subtilement les apparences pour aborder les choses sous un angle humain, empathique à travers une histoire ouverte et une approche modérée.
b) contribuer au débat public en explorant la problématique dans sa complexité, en misant sur l'exigence intellectuelle pour convaincre.
c) utiliser sa connaissance du sujet pour construire une intrigue solide et prenante, que les gens oublient même la cause mais se prennent de passion pour la quête des protagonistes, et l'épousent donc.
d) exalter la base militante qui partage totalement ta cause à la base.
à la question, mehdi fikri (ancien journaliste à l'humanité) répond d, d, d, et encore d. fièrement, triomphalement, sans se retourner et sans s'excuser. la seule vague petite concession pourrait être la belle-soeur blanche, histoire de ne pas avoir 100% de noirs et arabes comme protagonistes et que les seuls blancs qui apparaissent soient les représentants d'un état raciste et criminel. sinon, absolument chaque scène est l'illustration d'un élément de langage et de pensée des militants de la cause, de bout en bout. c'est vraiment "chatgtp, écris un scénario d'après les tweets de sihame assbague".
le film ayant exactement 0 ambition de s'adresser à qui que ce soit qui ne serait pas déjà 100% convaincu de base, ne faisant aucun effort pour construire une intrigue en dehors de l'illustration stricte de son programme attendu (devinez ce qu'il se passe à 1H10? son engagement militant prend le pas sur sa vie pro et perso et ça devient pesant pour ses proches !), il s'expose volontairement à n'être jugé qu'à travers le prisme militant de ses spectateurs.
alors ce que je peux dire moi sur ce sujet, c'est que le film montre :
a) une
instrumentalisation de la mort d'un jeune dont il faut tirer des conséquences politiques (c'est théorisé et formulé comme ça dans une scène).
b) une déshumanisation complète de l'autre partie, les flics n'ont le droit d'avoir un visage, la parole, un point de vue ils sont tous assassins, odieux dès qu'ils s'adressent à quelqu'un, leur seule présence signifie un danger de mort. la seule flic à qui il accorde le droit d'exister comme individu (pendant un plan d'une seconde) est pour signifier qu'elle est d'accord avec eux.
c) on engueule une journaliste parce qu'elle a écrit des choses qu'on ne voulait pas.
d) une manifestation devant un tribunal pour faire pression sur les juges, l'invasion d'une mairie comme acte militant légitime, une émeute dans une salle d'audience quand la décision ne plait pas, des phrases telles que "si le justice n'est pas donnée, on ira la prendre nous même".
et je ne pouvais m'empêcher de penser aux débats politiques de ces derniers jours à propos de la mort de thomas, et de me dire que c'était un peu deux poids deux mesures, j'ai peu de doute que si l'
extreme droite faisait ça/quand elle le fait ce serait / c'est présenté comme une infamie morale et intellectuelle totale.
donc au final, le film m'a surtout intéressé pour ça, il est à acheter à 99 centimes en dvd quand il arrivera chez noz, comme témoignage historique de comment la france est devenue les etats-unis, la lecture ethnique des événements, le pire des bulles cognitives militantes qui sont devenues l'approche mainstream d'un sujet, l'abandon revendiqué de toute volonté de construire un espace social et intellectuel commun au profit de la guerre totale d'un camp contre un autre.
la subtilité étant que tout ça, ici, est financé par la télévision publique (en co-financement avec netflix, ce qui illustre magnifiquement mon propos, et où il trouvera surement plus son public).
à côté de ça, camelia jordana est bien (incroyablement charismatique et toujours juste et naturelle) mais souffre d'un rôle écrit n'importe comment (c'est censé être une simple petite arabe ("dans la famille, c'est les hommes qui parlent") qui devient leadeuse politique par la force des événements - sauf que ces deux facettes alternent de scène en scène pendant 1 heure plutôt que d'évoluer progressivement, et son acquisition expresse toute seule dans sa cuisine de toute la doxa militante illustre l'incapacité de construire un personnage). c'est filmé comme absolument tous les films français en ce moment. et la paresse intellectuelle du film devient une faiblesse narrative fondamentale : l'affaire ne souffre d'aucune ambiguïté, c'est un meurtre pur et dur grillé à 10 kilomètres à la ronde, toutes les institutions de l'état - pourries jusqu'à la moelle - couvrent ça comme des chef mafieux... du coup il n'y a aucun mystère, aucun suspense, aucun rebondissement, et ni les personnages ni le spectateur n'ont jamais aucun doute, moteur intellectuel humain et narratif qui a pourtant fait ses preuves. et le sujet est bien trop connu et l'approche beaucoup trop caricaturale pour provoquer l'indignation qui peut être sympa dans les films politiques.