Les Monstres
C'est bien, l'humour passe encore l'épreuve des années, c'est fendard, rappelant Gotlib et Fluide Glacial, en plus sociologique et politique certes.
Les interviews de Risi, Scarpelli, Scola et Gassman par Jean Gili dans le DVD (qui datent de 1999, le temps passe vite) sont très intéressantes, Gassman insistant sur l'importance de la distance entre la caméra et les personnages chez Scola ("toujours juste malgré sa nonchalance") qui produit le juste équilibre entre satire et une fibre plus humaniste (même le recadrage final sur la chaise roulante a lieu à bonne distance, le personnage du boxeur conserve une intimité, à na pas violer, qui correspond exactement au peu de raison qui lui reste). Tous insistent aussi sur le fait que la comédie italienne est une forme de rejeton involontaire (et, un peu dégradé, sinon par le contenu, au moins dans la hiérarchie idéale des genres) du néo-réalisme, plutôt lié aux conditions de production (et peut-être une résignation politique, une forme d'impuissance subsistant malgré tout dans la croissance économique) qu'à un choix conscient.
J'ai mis un certain temps à réaliser que Gassman et/ou Tognazzi étaient de tous les sketches.
On voit aussi des films ultérieurs qui s'amorcent notamment le travestissement dans le sketch sur les prix littéraires, non pas chez Ugo Tognazzi mais Vittorio Gassman (à vrai dire ce n'est pas un travestissement car le personnage est une femme. Le thème est d'ailleurs présent de manière subtile dans le Fanfaron avec le commentaire de Gassman sur le domestique de l'oncle, un dévoilement des apparences sur lequel personne ne rebondit ni ne cherche à rebondir - une vérité qui s'épuise)/
Frappant de voir que les sketch déroulent deux fils parallèles : une critique de la corruption politique et du pouvoir chez les puissants (la Journée du Parlementaire), et une dérision plus culturelle, plus centrée sur les désirs et comportements auprès du peuple. Les représentations de la bourgeoisie comme de la mafia, à la fois plus rares et centrales (ce sont les plus longs sketches), se placent exactement à mi-chemin entre ceux deux aspects, leur permettant de se croiser.
Le sktech court et brillant, sur ce que l'on n'appelait pas encore le cinéma rétro est visionnaire.
Comme dans le Fanfaron (Riz Ortoloni), la musique (ici d'Armando Trovajoli) à cheval entre la variété et le jazz est intéressante. Il y a aussi quelque-chose de l'époque qui est dit dans l'élégance tendue et épurée des cartons et leur police de caractères, qui annoncent les sketches, réunissant bizarrement la farce sociologique à une sorte de méta-texte abstrait, le soucis du design renforçant la prétention du film à atteindre l'objectivité.
Je crois que le placerais au-dessus du Fanfaron
Mon préféré est le sketch de la rupture avec la maîtresse "pour le bien de tout le monde"(plan séquence avec une prouesse de Gassman d'ailleurs)